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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Sécurité quotidienne : deuxième lecture

Par / 16 octobre 2001

par Robert Bret

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la reprise, en nouvelle lecture, du débat sur la sécurité quotidienne s’effectue dans un climat très lourd que, les uns et les autres, nous aurions préféré ne jamais connaître.

Depuis un mois, en effet, notre quotidien est dominé par des événements mondiaux tragiques, avec les attaques terroristes sans précédent, tant par leur ampleur que par les moyens employés, perpétrées sur le sol américain : après les 6 000 victimes des attentats du 11 septembre dernier, c’est maintenant à des soupçons de terrorisme bactériologique que nous devons faire face.

Alliée à la crainte d’un embrasement général depuis la riposte armée des Etats-Unis et la confusion autour de l’accident de Toulouse, cette situation est source croissante d’inquiétude pour nos concitoyens.

D’une demande de sécurité quotidienne, on est ainsi passé à une demande de sécurité exceptionnelle : quand l’impensable et le cauchemardesque font irruption dans notre quotidien, il est extrêmement difficile de ne pas céder à la psychose.

Pourtant, c’est bien dans ces cas extrêmes qu’il apparaît indispensable de se cramponner aux remparts de la raison et de notre démocratie pour faire face à la situation. L’insertion par le Gouvernement de dispositions anti-terroristes dans le projet de loi relatif à la sécurité quotidienne vont-elles dans ce sens ? L’option et la méthode qui ont été choisies soulèvent à nos yeux plusieurs remarques.

Tout d’abord, le recours à des procédures constitutionnellement discutables est symboliquement gênant, y compris - et j’aurais tendance à dire « surtout » - en période exceptionnelle : au droit de la force, il convient d’opposer la force du droit et de réaffirmer avec force les contraintes de l’état de droit.

En même temps, je donne acte au Gouvernement d’avoir, en cherchant la rapidité, eu pour volonté de veiller à ce que l’activité policière et judiciaire s’exerce dans un cadre légal.

Nos réserves tiennent beaucoup plus à la consistance du dispositif proposé, élément-clé du nouvel arsenal anti-terroriste du Gouvernement. Nous aurions souhaité que l’efficacité de ces mesures nous soit présentée au regard d’une évaluation du dispositif pénal spécifique actuel, déjà conséquent, et de l’apport concret des nouvelles dispositions, notamment au regard des épisodes terroristes passés que la France a eu à subir.

Monsieur le ministre, compte tenu de l’affectation des personnels de police et de gendarmerie à la mise en place de l’euro, nous aimerions savoir, par exemple, comment se fera le redéploiement des effectifs sur le terrain, en particulier pour la protection des sites à risques.

Par ailleurs, mesurant bien la nécessité d’une action en profondeur pour éradiquer les réseaux terroristes, nous sommes évidemment favorables à tout ce qui vise à lutter contre le financement du terrorisme, comme ma collègue Danielle Bidard-Reydet l’a exprimé lors du débat relatif à la ratification de la convention internationale. Nous aurions en outre besoin d’informations concernant le renforcement des services de renseignement et d’investigation.

Notre inquiétude tient enfin aux amalgames et aux dérapages que peut engendrer la mise en place de mesures anti-terroristes dans un texte sur la sécurité quotidienne : accoler terrorisme à sécurité ne peut que nous déranger, avec d’autres, comme vous le comprendrez aisément.

En première lecture, nous avions déjà enregistré des amalgames, avec des raccourcis insidieux finissant par donner une équation du genre suivant : « les jeunes des banlieues qui vont dans les raves se droguent et sont tous des délinquants » - je caricature à peine !

Nous risquons aujourd’hui d’assister à des dérives bien plus graves, qui présenteraient nos banlieues comme les repères de terroristes en puissance.

J’en veux pour preuve les propos qu’a tenus le député Cardo à l’occasion d’une question qu’il a posée lors de la reprise de la session : parlant des attentats de New York et de Washington, il n’hésitait pas à parler « d’extrémistes des banlieues entraînés en Afghanistan ».

Comprenez bien, mes chers collègues : je ne veux pas faire d’angélisme et je ne veux pas ignorer qu’il existe sur notre territoire des réseaux islamistes qui ont été à l’origine d’attentats dans un passé récent, tuant et blessant de nombreuses personnes.

Toutefois, vous conviendrez aisément avec moi de la nécessité d’être particulièrement vigilants en période troublée et de ne pas laisser fabriquer des boucs-émissaires, exutoires faciles à nos peurs.

Non, tout habitant des cités n’est pas délinquant !

Non, tout délinquant n’a pas vocation à mettre une bombe dans le métro ! Il faut le répéter sans cesse ; vous n’avez d’ailleurs pas manqué de le rappeler, monsieur le ministre.

Il est symptomatique que les représentants des syndicats de police que nous avons rencontrés, qui sont certainement les plus demandeurs en matière de sécurité, dans une période où ils sont pris pour des cibles vivantes - les incidents de Béziers et aujourd’hui même le décès de deux fonctionnaires de police nous le rappellent ; notre groupe tient d’ailleurs à s’associer aux condoléances que vous avez exprimées à leurs familles, il y a un instant, monsieur le ministre - il est symptomatique donc que ces syndicats de police, amenés à réagir sur les propositions du Gouvernement, aient porté leur appréciation sur la lutte contre la délinquance urbaine, étant apparemment plus sceptiques quant à leur efficacité en matière terroriste. Ils sont convaincus que seul un encadrement précis des mesures prises pourra dissiper leur flou et exprimer leur caractère exceptionnel.

Il est donc essentiel pour les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen que le caractère provisoire de ces mesures soit clairement affirmé et que leur application soit placée sous le contrôle sourcilleux du Parlement.

Or le texte du Gouvernement ne donne pas toutes les assurances. Pour notre part, nous proposons de réduire la durée d’application envisagée à un an, un rapport d’étape circonstancié étant établi à mi-chemin, de façon que le Parlement puisse effectuer un suivi effectif des dispositions qu’il aura adoptées.

A défaut, nous ne pourrons, monsieur le ministre, approuver les mesures que vous proposez touchant des libertés aussi fondamentales que celle d’aller et venir, avec les dispositions relatives aux fouilles des véhicules, aux perquisitions et aux fouilles à corps ou encore touchant au respect de la vie privée et au secret des correspondances.

En outre, nous ne pouvons envisager que de telles missions puissent être confiées à d’autres qu’à des fonctionnaires de l’Etat, dans un contexte de crise où ce sont les fondements mêmes de l’Etat démocratique et républicain qui sont mis en cause par le discours du fondamentalisme religieux.

Nous y sommes d’autant plus hostiles que, dois-je le rappeler, le projet de loi relatif aux activités de sécurité privée, qui devait donner des garanties supplémentaires en matière de déontologie et de transparence n’a toujours pas été mis à l’ordre du jour. Lorsqu’on connaît le délai d’inscription des condamnations au casier judiciaire, on peut émettre des doutes sur les garanties offertes.

Les amendements déposés par le Gouvernement, qui, très logiquement, prennent le devant de la scène, ne doivent cependant pas nous faire oublier la teneur du texte tel qu’il nous revient de l’Assemblée nationale.

Quant aux propositions faites par la commission des lois nous refusons de les suivre, aujourd’hui plus encore qu’hier !

Qu’il s’agisse de caresser les maires dans le sens sécuritaire ou de démanteler le droit pénal des mineurs, c’est à la même société libérale et profondément inégalitaire qu’on nous demande d’adhérer.

En fait, c’est instaurer une inégalité entre les communes et donc entre les citoyens, autant le dire franchement, que de faire un pas dans le sens de la municipalisation et du démembrement de la police nationale, la sécurité finissant par dépendre du potentiel fiscal de chaque commune. Est-ce vraiment ce que veulent les maires ? J’en doute.

A cette démarche, nous préférons celle qui est induite dans la notion de coproduction à laquelle nous voulons adhérer, puisqu’il s’agit non pas de « faire ensemble » sous l’angle du partenariat mais bien de donner aux maires la possibilité de « faire contre ». Cette démarche partenariale, je ne la perçois pas dans les amendements.

L’inégalité, nous la trouvons encore dans le regard que vous portez sur la jeunesse.

Certes, je vous rends grâce de ne pas être tombé dans les extrémités démagogiques des députés de droite. Néanmoins, là encore, vos précautions de langage ne peuvent dissimuler le fait que ce sont des quartiers dits « difficiles » qui sont implicitement désignés par vos propositions : qu’il s’agisse des arrêtés de circulation, qui, vous le savez comme moi, viseront toujours en pratique les cités, ou de la réglementation des rave parties, c’est toujours une logique de stigmatisation qui prévaut.

Si vous étiez si sûrs de votre fait, messieurs, pourquoi n’avoir pas défendu plus ardemment votre proposition d’institution d’une commission d’enquête sur l’ordonnance de 1945 ?

Certes, il faudra bien faire un bilan de cette ordonnance, mais cela dans de bonnes conditions, quand on aura vraiment la volonté de s’attaquer au problème de la délinquance des mineurs ; nous aurons l’occasion de revenir sur ce point lors de la discussion des articles.

Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen pensent donc que, si limité qu’il soit, le texte qui nous revient de l’Assemblée nationale est sans conteste plus équilibré que celui que nous propose d’adopter la commission des lois. Si ses conclusions étaient suivies, nous ne pourrions bien entendu approuver le texte final.

Explication de vote

Nous avons eu l’occasion de nous exprimer tout au long du débat. Les positions des uns et des autres sont claires. Comme en première lecture, nous refusons de suivre la majorité sénatoriale.

Nous avons d’ailleurs voté contre tous ses amendements et nous nous sommes abstenus sur les amendements présentés par le Gouvernement et relatifs aux mesures sur le terrorisme. Nous voterons donc contre le texte tel qu’il ressort des travaux de la Haute Assemblée.

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