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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Simplification du droit par ordonnances

Par / 6 mai 2003

par Josiane Mathon-Poinat

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes cher-e-s collègues,

Qu’il y ait besoin de procéder à des codifications du droit ou de simplifier les relations de nos concitoyennes et de nos concitoyens avec l’administration et le fonctionnement de nos institutions, nul ne le conteste. Les démarches que ceux-ci doivent effectuer en bien des domaines sont devenues trop complexes, trop longues, au point que, nous le savons tous, certains en arrivent à baisser les bras, renonçant à faire valoir leurs propres droits. Surtout qu’ils ne trouvent pas toujours l’aide nécessaire, faute, dans les services publics, de personnels formés en nombre suffisant.

Mais ce que vous nous proposez, Monsieur le Ministre, va bien au-delà. Ce projet de loi touche à des secteurs essentiels de la vie du pays, comme l’emploi, la santé, les marchés publics… Et vous nous confirmez que d’autres textes de même nature suivront. Ainsi, légiférer par ordonnances deviendrait un mode de gouvernement courant. Ce n’est ni l’esprit de notre Constitution, ni celui des lois d’habilitation votées depuis son adoption.

Ce que le gouvernement nous demande, Monsieur le Ministre, c’est de lui permettre de prendre seul des décisions, en se passant du débat parlementaire sur le fond. Accepter cela, ce serait, de notre part, accepter de nous dessaisir des responsabilités qui sont les nôtres envers ceux qui nous ont élus. C’est pourquoi, à l’instar des député-e-s communistes, les sénatrices et sénateurs de notre groupe voteront contre ce texte.

Nous y sommes d’autant plus opposés que le contenu des dispositions qui seront prises en vertu des ordonnances reste flou ; mais nous savons qu’elles seront extrêmement importantes dans plusieurs domaines. Et notre inquiétude est renforcée par le fait que nous n’avons pas obtenu de réponses à nos demandes de précisions en commission.
Ce n’est d’ailleurs pas seulement aux parlementaires que le gouvernement veut confisquer le débat. C’est aussi aux professionnels -et parmi eux les fonctionnaires- aux usagers, aux citoyen-e-s dans leur ensemble.

En ce domaine, les conditions de l’adoption de la loi constitutionnelle sur la décentralisation, de sa mise en œuvre à marche forcée sont éclairantes. Et concernant des dispositions du présent texte, c’est par exemple l’Ordre des architectes qui dénonce « l’absence totale de dialogue préalable et de transparence » !
Le gouvernement sent bien que sa politique devient de jour en jour plus impopulaire ; il fuit le débat et veut décider sans entrave sur des sujets qui auront des conséquences extrêmement importantes.

Le gouvernement, par la voie de divers ministres, l’a souligné : ce projet de loi n’est pas un simple outil de simplification et de codification. Il est -je cite Monsieur Delevoye- « un élément important de l’édifice de la réforme (de l’Etat) que le gouvernement a entrepris de construire autour de quatre chantiers : la décentralisation, la réforme budgétaire et la gestion publique, la gestion des ressources humaines de l’administration et enfin la simplification de nos procédures administratives ».

Ce texte est un élément structurant de la politique ultralibérale du gouvernement, une politique qui va à l’encontre des intérêts de l’énorme majorité de nos concitoyen-e-s, et qui façonne une société où la cohésion nationale, où l’égalité seront bannies.
N’avez-vous pas vous-même, Monsieur le Ministre (= si H. Pagnol) affirmé qu’il s’agirait d’un « texte consistant qui lève les facteurs de blocage les plus urgents » ?
Mais de quels facteurs de blocages s’agit-il ?

De ceux qui tiendraient à l’existence d’un service public important dans notre pays, à un nombre des fonctionnaires que Monsieur Raffarin tient à réduire considérablement, à une dépense publique qu’il veut baisser pour entrer dans les critères européens ?

Et / Ou de ceux qui tiendraient aux « rigidités » du droit du travail, vécues comme des entraves, à une protection sociale solidaire ? L’adoption du texte qui nous est proposé permettrait en effet au gouvernement de procéder à des dérégulations accrues dans ces deux domaines essentiels pour la vie de nos concitoyens. J’observerai que la commission des affaires sociales a demandé le retrait des dispositions sur les transferts de compétences vers les directeurs d’Agences régionales d’hospitalisation ARH et l’intervention des SEM dans la construction et la gestion des équipements et services sanitaires.

S’agirait-il des « blocages » qui seraient dus à la législation actuelle sur les marchés publics ? Les dispositions du texte sur ces marchés, sur le « nouveau partenariat public-privé », en concentrant les investissements entre leurs mains, sont en effet destinés à favoriser les grandes entreprises du bâtiment, au mépris des architectes et des PME, et au mépris de toute qualité des réalisations, voire de toute création.
Ce texte est décidément bien d’inspiration libérale.

Alors que le chômage s’aggrave, que les fermetures d’entreprises, les restructurations s’accélèrent -libre cours étant désormais laissé aux entreprises sur ce point-, alors que les difficultés des gens s’accroissent, l’urgence n’est-elle pas de renforcer l’accès de nos concitoyennes et concitoyens à tant de droits dont ils sont démunis ? Les demandeurs d’emplois actuels et futurs vont-ils vivre plus facilement leur situation, leurs démarches ?

La question la plus urgente n’est-elle pas de développer les moyens publics d’intervention, plutôt que de les réduire comme peau de chagrin ? Ce qui suppose un développement audacieux, une modernisation des services publics, à l’inverse de votre conception résiduelle du public au profit du privé ?

Quand les fonctionnaires exigent que soit évoqué le contenu de leur mission, comme ils le font actuellement à propos des transferts de personnels aux régions et départements, ils se voient opposer une fin de non-recevoir. Ils sont accusés de gâchis, d’attitudes conservatrices, d’archaïsme, d’égoïsme catégoriel. Ils sont pourtant les mieux à même de dire comment améliorer leurs missions, les rendre plus efficaces pour les usagers. Il faut pourtant les entendre comme des partenaires.

Par ailleurs, où est la simplification quand la décentralisation fera que les citoyens n’auront plus les mêmes droits d’une région à une autre, d’un département à un autre… ? On va compliquer à l’extrême, rendre de moins en moins lisibles les droits de chacun, les compétences respectives des collectivités.

Et comment parler de simplification, de lisibilité, de sécurité juridique, quand, depuis juin dernier, le gouvernement n’a de cesse de faire adopter, dans l’urgence, et dans le vote conforme, des modifications en profondeur de la législation, dans des domaines extrêmement nombreux et importants ?

Il existe un besoin réel de simplification de démarches dans divers domaines. Mais, je l’ai dit, nous ne pouvons accepter la méthode qui consiste à légiférer par ordonnances. De plus, l’esprit et le contenu de l’ensemble du texte montrent bien que quelques mesures de réelle simplification ne représentent en réalité qu’un affichage, pour mieux faire passer tout un ensemble de dispositions négatives.

Il faut, certes, faire reculer la bureaucratie interne, faire reculer l’anonymat, l’opacité ; mais il faut aussi faire reculer la main-mise du privé et de ses logiques de « management » sur l’Etat, la confiscation des choix par les « experts ».Vous proposez l’inverse, puisque la culture de la performance, largement inspirée du privé, devrait devenir la règle.

Pour notre part, nous sommes convaincus que la seule garantie d’un bon fonctionnement de l’administration, c’est d’y faire entrer la démocratie ; que les citoyens soient associés à la prise de décisions, et que soit assurée une parfaite transparence des processus et des motivations des choix, comme de l’évaluation et de la mise en œuvre, du citoyen au Parlement. Mais ici, aucun pouvoir nouveau n’est donné aux citoyens, aux salariés en ce sens, alors qu’il y a pourtant là une question essentielle.

Pour toutes ces raisons, les élus du groupe C.R.C. voteront contre ce texte.

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