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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Simplification et clarification du droit

Par / 25 mars 2009

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons une proposition de la loi de simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures, présentée à l’Assemblée nationale par Jean-Luc Warsmann.

Ne devrait-on d’ailleurs pas parler de projet de loi ? Nul ne doute ici de l’origine de ce texte : ce type de proposition de loi sert avant tout de cheval de Troie législatif pour le Gouvernement, destiné à faire passer diverses mesures d’ordre juridique sans avoir à présenter un projet de loi.

Ainsi, le Gouvernement se passe dans la plus grande discrétion de l’avis du Conseil d’État. Pourtant, le contrôle de ce dernier aurait été nécessaire sur des mesures visant, notamment, à réformer certains contentieux, à supprimer ou à spécialiser des tribunaux, à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances, à procéder à la fusion d’établissements publics, à modifier le code pénal et le code de procédure pénale.

Peut-on vraiment parler de simplification du droit ? En réalité, sur les quelque quatre-vingts articles que compte désormais cette proposition de loi, seules quelques dispositions sont réellement simplificatrices, telles que celles en faveur des citoyens et des usagers des administrations, ou encore celles visant à actualiser la terminologie du code civil, si chère cependant à notre collègue Jean-Pierre Sueur.

Mais les autres dispositions ne simplifient pas le droit : elles le modifient, voire en créent. En effet, plusieurs d’entres elles sont issues de la commission Guinchard sur la répartition des contentieux, mise en place par Mme le garde des sceaux en janvier 2008, et dont le rapport date du 30 juin 2008.

Cette commission accompagnait la réforme de la carte judiciaire et devait inspirer, selon les termes de Mme la ministre, un projet de loi global sur la réforme des contentieux. Or, depuis que ce rapport est paru, nous retrouvons dans diverses propositions de loi - et pas uniquement dans des textes gouvernementaux ! - des propositions piochées dans les préconisations de cette commission.

Tel fut le cas avec la proposition de loi de notre collègue Laurent Béteille relative à l’exécution des décisions de justice et aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées, comme c’est à nouveau le cas avec la présente proposition de loi.

Alors que le rapport Guinchard présentait une réforme du contentieux cohérente - que l’on en partage ou non les orientations -, nous assistons depuis sa parution à une véritable « vente à la découpe » de ses préconisations.

Ainsi, les dispositions présentées, qui pouvaient être intéressantes initialement dans la mesure où elles étaient insérées dans un ensemble réfléchi, apparaissent totalement prématurées au sein de la présente proposition de loi, car elles résultent de décisions prises isolément, sans concertation véritable et approfondie.

C’est le cas, notamment, de la disposition figurant à l’article 9 relative au transfert au juge aux affaires familiales de la tutelle des mineurs. En effet, ce dernier est, pour l’instant, dans l’impossibilité de traiter sur le long terme ces dossiers de tutelle. Or ce transfert de compétence était envisagé dans le cadre de la création d’un véritable « pôle famille », et non pas de façon isolée et inopportune dans une proposition de loi qui se veut simplificatrice.

Il est donc regrettable que notre rapporteur, loin de critiquer cette méthode de travail, la légitime en proposant de reprendre, à l’article 9 bis, l’intégralité de la proposition n° 5 du rapport Guinchard, afin de confier également au juge aux affaires familiales le contentieux des liquidations et du partage des indivisions conjugales.

Il ne faudrait pas non plus oublier le contexte dans lequel nous est proposé le regroupement de certains contentieux : celui-ci s’inscrit dans la réforme de la carte judiciaire, imposée de façon totalement autoritaire et sans aucune concertation, ce qui a suscité une grande colère.

Cela pose, enfin, la question des moyens alloués à ces juridictions qui devront être réorganisées : mais ce problème ne peut évidemment pas être abordé dans une proposition de loi, puisque cela relève de la compétence du Gouvernement !

Bref, tous ces arguments démontrent que ces articles n’ont pas réellement leur place dans une proposition de loi de simplification du droit.

La simplification du droit ne doit pas non plus se faire au détriment des citoyens : je pense, par exemple, à la possibilité prévue à l’article 15 de dématérialiser les bulletins de paie. Non seulement cette disposition ne semble pas avoir fait l’objet de concertation avec les organisations syndicales, mais, de surcroît, elle emporte des conséquences non négligeables pour les salariés. Chacun sait que les bulletins de paie doivent être conservés sans limitation de durée.

Or leur dématérialisation pose, d’une part, la question de leur conservation, qui n’est absolument pas assurée, et, d’autre part, même si la dématérialisation est pour l’instant soumise à l’accord du salarié, le problème de la généralisation de cette pratique et, donc, de l’accès à l’outil informatique. Nous aurons l’occasion d’en reparler lors de la défense d’un amendement que nous avons déposé sur ce point.

Enfin, simplifier le droit ne doit pas signifier retirer au Parlement son rôle de législateur. Comme il est désormais de coutume dans ces prétendues lois de simplification du droit - en l’occurrence, c’est la quatrième, intervenant après celles de 2003, de 2004 et de 2007 -, il est demandé au Parlement de se dessaisir du pouvoir de faire la loi en habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnance des dispositions visant à modifier des pans importants de notre législation.

Il s’agit notamment des missions exercées par la direction générale des impôts et la direction générale de la comptabilité publique - alors même que ces directions sont en train de fusionner et que les problèmes relatifs aux personnels sont loin d’être réglés -, du contrôle de légalité des actes des collectivités territoriales et de la partie législative du code général des collectivités territoriales, une réforme des institutions locales étant pourtant annoncée.

Notre opposition aux ordonnances est systématique, vous le savez, car elles privent les parlementaires d’un débat public, qui est l’essence même de notre démocratie.

Cette opposition est d’autant plus grande que, depuis 2003, les gouvernements choisissent l’option des ordonnances non pas pour procéder, comme dans les années passées, à des codifications, mais bien pour produire de nouvelles normes juridiques. C’est ainsi que les contrats de partenariat, qui rompent avec les principes de la commande publique, ont été instaurés par l’ordonnance du 17 juin 2004.

La procédure des ordonnances, que nous avons toujours vigoureusement combattue, y compris lors de la révision constitutionnelle de juillet dernier, constitue une véritable dénaturation du rôle du Parlement et contribue à l’affaiblissement de ce dernier.

La proposition de loi prévoit la suppression de nombreux rapports, qui sont pourtant des outils de contrôle de l’activité gouvernementale et de l’application de la loi. Les choses sont très ambiguës dans ce domaine. Le Gouvernement et la majorité n’hésitent pas à adopter, dans le cadre de certains projets de loi, des articles prévoyant la remise au Parlement de rapports sur des sujets précis, comme ce fut le cas récemment pour le texte relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, mais, dans les faits, ces rapports sont rares, voire inexistants. Nous en reparlerons lors de la discussion de l’article 29.

Enfin, la proposition de loi tend à modifier le code pénal et le code de procédure pénale. Si j’estime que la plupart de ces articles auraient pu attendre la réforme annoncée par Mme le garde des sceaux, sans toutefois que j’y trouve trop à redire sur le fond, il me paraît, en revanche, plus que discutable que les députés en aient profité pour adopter certaines dispositions visant à aggraver les sanctions en cas de récidive, à élargir le champ de l’ordonnance pénale à l’ensemble, ou à la quasi-totalité, des délits, ou encore à modifier le régime de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Une telle méthode est évidemment inacceptable, car elle conduit au dévoiement de la nature de la présente proposition de loi sur deux points. D’une part, ces dispositions créent du droit - en l’occurrence, elles durcissent notre législation pénale - sans le simplifier aucunement et, d’autre part, elles révèlent un trouble sur leur origine : émanent-elles vraiment des parlementaires ou sont-elles largement insufflées par le Gouvernement ? Cette méthode de travail est indigne et méprisante pour les parlementaires que nous sommes.

C’est pourquoi il convient de saluer l’initiative de notre rapporteur, Bernard Saugey, qui a supprimé, à l’article 57, les dispositions visant à aggraver des sanctions encourues en cas de récidive et, à l’article 63, celles qui tendaient à élargir le champ de l’ordonnance pénale à l’ensemble des délits, exceptés les délits de presse, les homicides involontaires et les délits politiques. L’ordonnance pénale est une procédure qui n’offre pas de garanties suffisantes aux justiciables. Cet élargissement de l’ordonnance pénale portait atteinte aux principes qui fondent notre justice, ceux du débat contradictoire et de sa publicité.

J’aurais toutefois apprécié que vous alliez plus loin en supprimant purement et simplement l’article 63, monsieur le rapporteur. En effet, il n’est pas opportun de discuter de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité dans un texte de simplification du droit.

De plus, le dispositif proposé me semble pour le moins incohérent : le procureur pourrait convoquer une personne simultanément pour une audience devant le tribunal et en vue de sa comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Au-delà du risque de pressions accrues sur le prévenu, il paraît incompréhensible de prévoir la « négociation » d’une peine entre le procureur et le prévenu et, en même temps, la possibilité pour ce dernier d’être jugé par un juge du siège, garant des libertés individuelles et indépendant. Dans ce cas-là, pourquoi maintenir la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, contre laquelle mon groupe s’est d’ailleurs opposé dès sa création ?

Il est donc regrettable que cette proposition de loi soit davantage un patchwork qu’un véritable texte de simplification.

Car la simplification du droit est aujourd’hui un processus plus que nécessaire, en raison de l’empilement de textes présentés par le Gouvernement, de plus en plus complexes, voire inapplicables parce qu’ils sont votés dans l’urgence, parfois en réponse à un fait divers isolé, et qu’ils contiennent de plus en plus d’erreurs et de dispositions contradictoires ! Comment, dans ces conditions, atteindre l’objectif constitutionnel de clarté et d’intelligibilité de la loi ?

La présente proposition de loi ne vise manifestement pas cet objectif et sert davantage de cavalier législatif permettant de faire passer tout un train de mesures qui auraient nécessité plusieurs projets de loi. C’est pour cette raison que les sénateurs du groupe CRC-SPG voteront contre ce texte.

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