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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Transfert du contentieux des décisions de refus d’entrée sur le territoire français au titre de l’asile

Par / 6 mai 2009

Cette proposition de loi a une histoire, commencée le 8 janvier 2008 lorsque Nicolas Sarkozy annonce qu’il a demandé au ministre de l’immigration de l’époque, Brice Hortefeux, « de supprimer cette bizarrerie française selon laquelle le droit des étrangers relève de deux ordres de juridiction différents, l’un public, l’un judiciaire, avec des jurisprudences différentes ». Lors de la révision constitutionnelle de 2008, un amendement a été adopté à l’Assemblée nationale prévoyant que la loi fixe les règles relatives « à la répartition des contentieux entre les ordres juridictionnels, sous réserve de l’article 66 ». Cette disposition a heureusement été supprimée par le Sénat même si, en juillet 2008, la commission Mazeaud consacrée au cadre constitutionnel de la nouvelle politique d’immigration, proposait « d’unifier le contentieux des demandeurs d’asile sur un juge spécialisé, plus qualifié en la matière que le juge administratif de droit commun ». Nous nous attendions à ce que la question de la répartition des contentieux, et particulièrement de celui des étrangers et des demandeurs d’asile, réapparaisse un jour...

Le groupe CRC-SPG est opposé à toute juridiction spéciale pour les étrangers. Extraire ce contentieux du droit commun affaiblira inévitablement leurs droits car cela instaurera une justice à deux vitesses avec, à terme, des garanties procédurales au rabais. En témoigne la suppression envisagée par le Gouvernement du rapporteur public dans ce contentieux. Pour le Gouvernement, l’objectif essentiel de l’unification est de rendre toujours plus « efficace » la politique d’expulsion. La justice doit donc être plus expéditive, aux dépens, évidemment, des garanties juridictionnelles qui entourent encore aujourd’hui l’éloignement des étrangers

En outre, cette proposition de loi tend à assimiler le droit applicable aux demandeurs d’asile à celui applicable aux autres étrangers. La confusion est délibérément entretenue par le Gouvernement puisque les questions de l’asile et de l’immigration dépendent indistinctement du ministère de l’immigration, alors qu’auparavant l’asile dépendait des affaires étrangères. Or, le droit d’asile est un droit fondamental, reconnu depuis la Révolution française et aujourd’hui garanti par notre Constitution et par la Convention de Genève de juillet 1951. Il correspond à la protection qu’un État peut offrir à un individu victime de persécutions ou d’une guerre civile et il est donc à distinguer de mouvements migratoires économiques ou familiaux. L’amalgame entre demandeurs d’asile et étrangers économiques conduit à confondre les deux contentieux. En reprenant la préconisation de la commission Mazeaud, cette proposition de loi pose la première pierre d’un édifice plus vaste tendant à sortir l’ensemble du contentieux des étrangers de la juridiction administrative. Elle transfère à la Cour nationale du droit d’asile le contentieux des décisions de refus d’entrée sur le territoire français au titre de l’asile, au motif que le juge administratif serait moins qualifié que les magistrats de cette Cour pour statuer sur ce contentieux. Actuellement, la CNDA est compétente pour statuer sur les décisions de l’Ofpra d’accorder ou non le statut de réfugié. Elle n’est donc compétente que pour l’asile. Si elle devient compétente pour statuer sur l’entrée sur le territoire français, pourquoi ne le deviendrait-elle pas pour la sortie et, enfin, pour le séjour ? Deviendra-t-elle une juridiction spécialisée pour l’ensemble du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ?

Ce serait rompre avec le principe de séparation entre l’asile et le droit des étrangers et risquer de dénaturer le contentieux du refus de l’entrée sur le territoire français au titre de l’asile. Ce refus est une mesure de police administrative, qui ne doit apprécier que le caractère manifestement infondé ou non de la demande et qui ne peut ni ne doit préjuger de l’attribution du statut de réfugié. Le recours exercé est un recours en excès de pouvoir et non un recours de plein contentieux. La CNDA n’est pas plus qualifiée que le juge administratif de droit commun pour statuer sur une mesure de police et donc sur un recours pour excès de pouvoir.

Au contraire, si l’on se fie à « l’intime conviction » du magistrat chargé de statuer, comme nous y invite l’Union syndicale des magistrats administratifs, la tendance naturelle de la CNDA sera de statuer a priori sur la demande d’asile et de préjuger du statut de réfugié du demandeur. Il existe bel et bien un risque qu’à terme, l’examen au fond de la demande d’asile se fasse à la frontière, en même temps que l’examen du caractère fondé ou non de la demande d’asile et par la seule Cour nationale.

Actuellement, les étrangers qui se soumettent à la loi et se présentent à la frontière pour demander l’asile sont soumis à des règles plus sévères que les étrangers en situation irrégulière se rendant en préfecture après un mois, un an, voire plus, passés sur le territoire. Les conditions restrictives de la procédure et la limitation de certaines garanties fondamentales s’appliquent aux étrangers qui demandent l’asile à leur arrivée à la frontière, ce qui privilégie les étrangers qui se manifestent à l’autorité publique en étant déjà en situation irrégulière.

Enfin, et M. Lecerf l’a souligné dans son rapport, ce transfert à la CNDA la déstabilisera. Au tribunal administratif de Paris, le contentieux lié au refus d’entrée sur le territoire français au titre de l’asile, peu important, n’est à l’origine d’aucune difficulté de gestion particulière. L’argument du désengorgement de ce tribunal n’est donc pas valable. C’est au contraire la CNDA qui risque de se retrouver encore plus engorgée qu’aujourd’hui où les délais de traitement des recours sont passés à treize mois. Ce transfert augmentera une pression contentieuse déjà forte, d’autant que, le recours en question aujourd’hui devant être examiné dans un délai très bref de 72 heures, son examen se fera en priorité avant les autres, ce qui rallongera inévitablement les délais d’examen des recours contre les décisions de l’Ofpra. Comme l’écrit notre rapporteur, « alors que la CNDA est déjà sous tension et a un délai moyen de jugement de plus d’un an, comment pourrait-elle absorber sans dommage cette charge de travail supplémentaire ? ».

Cette proposition de loi ne présente donc aucun avantage et les arguments présentés pour la justifier n’ont pas de fondement dans la pratique actuelle, pas plus que dans la comparaison avec d’autres systèmes juridictionnels étrangers. Sauf en Grande-Bretagne et en Belgique, le contentieux des étrangers n’est pas unifié et ne dépend pas de juridictions spécialisées dans les grandes démocraties. Le cas de la Grande-Bretagne s’explique par le fait que c’est un pays de Common law, celui de la Belgique par le fait qu’il n’y existe pas de tribunaux administratifs ni de cours administratives d’appel, le Conseil d’État de Bruxelles demeurant encore aujourd’hui le juge de droit commun du contentieux administratif en première instance. La comparaison avec les pratiques étrangères n’est donc pas possible.

Notre opposition à ce transfert est totale et l’examen des articles nous permettra de développer nos arguments.

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