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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Transposition des directives communautaires

Par / 14 juin 2001

par Robert Bret

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos sera bref, d’autant que j’aurai l’occasion d’intervenir à nouveau tout à l’heure pour défendre l’amendement que j’ai déposé avec mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen ; c’est d’ailleurs le seul amendement dont nous aurons à débattre ce matin.

Les propositions de loi dont nous sommes saisis sont importantes de par leurs thèmes mais, malheureusement, bien insuffisantes quant à leur contenu.
Les modalités de l’intervention du Parlement national dans la construction européenne constituent de toute évidence un sujet essentiel pour le devenir de la démocratie dans les pays de la Communauté. Ce sont, en effet, les capacités des pays, par l’intermédiaire de leurs représentants, à peser sur les choix des autorités européennes, en amont et en aval, qui sont en jeu lorsqu’on aborde la question de la transposition des directives dans les droits nationaux.

Pourquoi ce débat aujourd’hui ? Comme l’a indiqué le rapporteur, notre collègue Lucien Lanier, c’est la discussion, le 25 octobre dernier, du projet de loi tendant à habiliter le Gouvernement à transposer par voie d’ordonnances cinquante et une directives qui a mis en lumière la véritable mise à l’écart du Parlement dans la construction normative de l’Europe.
J’avais alors, avec mon amie Nicole Borvo, développé notre argumentation sur la pratique des ordonnances prévues par l’article 38 de la Constitution et sur le déficit démocratique de la construction européenne.
Concernant la pratique des ordonnances, je rappellerai seulement aujourd’hui notre opposition depuis 1958 à cette procédure qui prive le Parlement de son pouvoir législatif.

Cette utilisation de l’article 38 paraissait singulièrement abusive pour les directives visées. Pour mémoire, ces directives touchaient à des sujets aussi importants que le code de la nationalité, les droits sociaux et le travail de nuit des femmes, le développement des infrastructures autoroutières, l’avenir du service postal ou la libéralisation des télécommunications.
Nous avons souligné que ce projet de loi, devenu loi depuis lors, mettait en relief le dessaisissement du Parlement national de l’élaboration des normes européennes.

Nous ne fûmes pas les seuls à nous émouvoir de cette situation. En effet, M. Daniel Hoeffel, rapporteur du projet de loi examiné le 25 octobre dernier déclarait ceci : « La mise à l’écart du Parlement en matière de droit communautaire n’est sans doute pas le meilleur moyen de faire progresser l’adhésion à la construction européenne. » Il a encore fait la même observation aujourd’hui.
Notre collègue Hubert Haenel, quant à lui, indiquait que « même si le recours aux ordonnances est une procédure constitutionnelle, nous ne devons pas sous-estimer l’ampleur de l’attente qui est portée en l’occurrence aux droits du Parlement. »
La question que nous devons donc nous poser aujourd’hui est de savoir si les conclusions de la commission des lois vont permettre ou non de renforcer l’intervention du Parlement dans la construction européenne.
Quelles sont ces propositions ?
La première tend essentiellement à transférer dans le domaine législatif une circulaire du Premier ministre en date du 9 novembre 1998.
Il s’agirait, pour le Gouvernement, d’établir, premièrement, une étude d’impact sur chaque proposition d’acte communautaire et, deuxièmement, un échéancier des tranpositions de directives adoptées en Conseil des ministres européens.

La proposition de loi constitutionnelle a été, on le sait, remaniée de manière importante. A l’origine, le texte prévoyait un délai impératif de dépôt et d’examen des projets de loi de transposition : six mois au moins avant l’expiration du délai fixé par la directive en cause. La commission des lois a préféré instituer une journée mensuelle d’examen des directives et conventions internationales dans chaque assemblée.

Il convient de noter que la commission des lois a substitué au texte originel, non par un « tour de passe-passe » mais à l’issue d’un travail, un texte radicalement différent sur le fond et sur la forme.
La proposition de loi constitutionnelle était, à l’origine, cohérente avec le contenu des rapports. Le discours est clair : il faut transposer dans les meilleurs délais, être parmi les bons élèves de l’Europe pour y jouer un rôle moteur. Or, aujourd’hui, la France est en queue de peloton pour la transposition de directives et en tête pour les rappels à l’ordre de Bruxelles !

Si l’on suivait les auteurs des textes qui nous sont soumis, les pouvoirs du Parlement seraient-ils revalorisés du simple fait d’une meilleure organisation de l’adoption des directices européennes ? Les citoyens seraient-ils mieux associés à la prise des décisions, à la définition du projet européen ? Je ne le pense pas. Bien au contraire, l’établissement d’une certaine automaticité dans l’examen des directives priverait notre pays d’un moyen d’examiner en profondeur les textes, de peser les enjeux, d’entendre les différentes parties concernées.

Qui pourrait croire un seul instant que les difficultés de résorption du « stock » de directives communautaires, c’est-à-dire de mise en oeuvre de la politique européenne dans notre pays, seraient liées à un quelconque laisser-aller de l’administration ou du Parlement ? Le retard pris dans la traduction des normes européennes n’est-il pas plutôt imputable à l’existence des spécificités françaises, notamment en ce qui concerne les services publics et la politique sociale ?
Les retards pris dans l’application des directives concernant l’électricité sont un bon exemple. Il a fallu de longs mois avant que ne soit élaboré un compromis qui permette d’éviter - pour l’instant du moins - une libéralisation à outrance de ce secteur.
Je constate d’ailleurs que M. le rapporteur évoque la directive sur la libéralisation du marché du gaz comme emblématique des retards pris en matière de transposition.

Vouloir accélérer la mise en oeuvre de ces dispositions, c’est faire fi de la réalité économique et sociale de notre pays, de nos institutions, faire fi aussi des souhaits des salariés, du mouvement social et, surtout, de notre peuple, de l’expression du suffrage universel.
Une réflexion naît naturellement de ces dernières remarques : pour permettre une intégration plus rapide des normes européennes dans notre droit national, ne faut-il pas améliorer considérablement la concertation en amont de l’adoption des directives européennes ? Le déficit démocratique si souvent évoqué trouve sa source à ce niveau, et seulement à ce niveau. Qui élabore les normes ? Qui détermine les priorités ? Certainement pas les peuples, ni même leurs représentants !
Je rejoins tout à fait, le président de la commission des lois, M. Jacques Larché, quand il affirme, comme il l’a fait au sein de la commission, que « le problème de la transposition des directives est important mais que celui de l’intervention du Parlement avant l’adoption de ces directives l’est plus encore ».

Selon M. Larché, en particulier, « le Parlement n’est pas suffisamment associé, lors de l’élaboration des textes communautaires, et les résolutions adoptées ne sont pas prises en compte ».
La vraie réponse au problème posé par les directives réside donc non dans l’aménagement des méthodes d’enregistrement du Parlement, sous la pression des menaces d’astreintes ou de recours de particuliers, entreprises comprises, contre l’Etat français, mais bien dans la manière d’associer les parlements à leur élaboration.

Si nous approuvons la proposition du Gouvernement de mettre en place un groupe de travail commun à nos deux assemblées, nous proposerons dès aujourd’hui au Sénat un amendement à la proposition de loi constitutionnelle, au terme duquel il serait précisé : « Une loi organique définit les conditions dans lesquelles le Gouvernement négocie au sein du Conseil européen dans le respect d’orientations définies par le Parlement et lui en rend compte. »
Cette disposition n’a rien de maximaliste ou d’irréaliste puisqu’un pays comme le Danemark a conféré à son Parlement ce droit dès 1992.
La question de la transposition en aval nous apparaît donc comme secondaire.

Nous avons tous conscience ici que l’inquiétude de nos concitoyens et de nombreux autres peuples d’Europe grandit. Le « non » de l’Irlande à la ratification du traité de Nice en est une illustration frappante. Les incertitudes concernant l’euro, la domination d’une vision financière de la construction européenne sur une vision de progrès social : tout cela inquiète les Européens, notamment les Français.
Le 28 juin, le Sénat examinera la ratification du traité de Nice. Ce sera l’occasion de faire le point sur la grande absente de l’actuelle construction européenne : la démocratie. Nous aurons, ce jour-là, l’occasion d’en reparler plus longuement.

Pour l’heure, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne voteront pas ces textes dont ils rejetaient clairement les ambitions initiales et qui, au bout du compte, ne revêtent qu’un caractère bien fade. Ils s’abstiendront donc.

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