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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Un débat totalement incohérent

Réforme des collectivités territoriales (deuxième lecture) : renvoi en commission -

Par / 29 juin 2010

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il semble de plus en plus évident qu’aucun des objectifs affichés par le Gouvernement en vue de promouvoir sa réforme ne sera atteint. Il ne fait nul doute, en effet, que ce texte n’apportera ni simplification administrative, ni renforcement démocratique, ni maîtrise des dépenses publiques.

En revanche, promesses non tenues, contresens, non-dits, incompatibilités et autres invraisemblances sont au rendez-vous, et constituent autant de motifs pour demander le renvoi de ce projet de loi à la commission.
Cela étant, la création du conseiller territorial justifierait, à elle seule, une telle démarche.

L’organisation du débat sur ce nouveau type d’élu s’est avérée totalement incohérente. Nous avons été contraints de débattre d’un projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux avant même de pouvoir examiner les caractéristiques du nouveau type de mandat. Vous nous avez donc obligés à discuter « à l’aveugle », sans savoir de quoi nous parlions ! L’adoption de ce texte ne s’explique que par l’esprit de féodalité de la majorité, qui a voté sans savoir ce qu’elle mettait en place…

L’instauration de ce nouveau mandat a suscité, malgré tout, de nombreuses interrogations. Quel serait le mode de scrutin ? Quelles seraient les compétences des conseillers territoriaux ? Quel échelon territorial allaient-ils représenter ? Quid de la parité ? Quelle serait leur représentativité ? Nul ne pouvait répondre, puisque nous discutions dans le vide…

Pour apaiser la polémique, le Gouvernement a alors indiqué qu’un projet de loi viendrait, quelques mois plus tard, définir plus précisément le nouveau type de mandat. M. Marleix a même annoncé qu’une proposition de loi émanant de l’UMP réglerait les problèmes relatifs à la parité. En bref, tant que nous accepterions de voter les yeux fermés, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes et tous les problèmes seraient résolus…

Mais, au final, nous n’avons vu venir aucun projet de loi, et les dispositions relatives au mode d’élection des conseillers territoriaux ont été intégrées dans le présent texte, ce qui a réduit considérablement le temps et la portée des débats.

La controverse ne s’arrête pas là ! Dans un premier temps, le Gouvernement a proposé, afin de conserver le soutien des partis minoritaires, d’instaurer un scrutin mixte, 80 % des conseillers territoriaux devant être élus au scrutin uninominal majoritaire à un tour et 20 % à la proportionnelle. Il s’est ensuite désavoué lui-même et a déposé, dans le cadre feutré et discret de la commission des lois de l’Assemblée nationale, un amendement tendant à instaurer un scrutin uninominal à deux tours.

Tout d’abord, la commission des lois du Sénat a refusé ce passage en force, avant, ultime rebondissement, que sa majorité n’accepte l’amendement du Gouvernement… Il nous en reste un goût amer !
Il y a donc eu beaucoup d’agitation autour de la création du conseiller territorial, alors que nous devrions plutôt nous consacrer à des questions de représentation démocratique de la plus haute importance.

La confusion, malheureusement, ne s’arrête pas au mode de scrutin. Les conditions d’accès à la fonction de conseiller territorial sont, elles aussi, sources d’incertitude et d’incompréhension, voire de régression. Ainsi, la parité sera-t-elle respectée ? On peut prédire, d’ores et déjà, que la mise en place du conseiller territorial induira un véritable recul en la matière, ainsi qu’au regard du cumul des mandats. En effet, dorénavant, celui-ci sera automatique : le conseiller territorial siègera à la fois au conseil général et au conseil régional. On en revient même à la possibilité de cumuler trois mandats, voire davantage. Vous créez ainsi le parfait potentat local, cumulard à souhait et, de préférence, de sexe masculin !

La question du champ de compétence de ces futurs élus et celle des limites du territoire qu’ils représenteront demeurent également non élucidées.
Le Gouvernement prétend vouloir simplifier la représentation locale, mais si l’on réduit le nombre d’élus régionaux et départementaux, comment ceux-ci pourront-ils être présents à la fois dans deux assemblées différentes et sur le terrain ? Il en va de même de la représentativité : sur quel bilan, quels projets et quelles politiques portera le débat lors des élections des conseillers territoriaux ?

On ne saurait imaginer qu’un conseiller territorial unique puisse accomplir, à lui seul, toutes les missions que la loi confie aujourd’hui au conseiller régional et au conseiller général, sans parler de ses autres mandats. C’est un non-sens total ! Et il faut être d’une naïveté déconcertante pour croire que la mise en place d’un tel dispositif pourra intervenir dans un tel flou, dans une telle pénombre juridique !
Cessez de vous voiler la face et assumez votre véritable objectif : casser les majorités de gauche dans les régions et les départements parce qu’elles ne servent pas vos intérêts politiques partisans !

Ce texte comporte une multitude d’autres non-dits et d’incohérences.
Tout d’abord, les réformes proposées n’assureront aucunement un meilleur fonctionnement de la démocratie locale. Celle-ci, au contraire, sera détériorée.
Prenons l’exemple des métropoles créées par ce texte : elles feront directement concurrence aux départements, au détriment de ces derniers, et nul ne sait comment s’exercera réellement le partage des compétences. Cela pose un problème majeur en termes de représentation. Les projets du Grand Paris et de création d’une Société du Grand Paris donnent à penser que les responsables démocratiquement élus seront écartés au profit de personnes nommées. Quant aux conseillers intercommunaux, ils continueront d’être élus selon un suffrage au second degré, même si un fléchage existe.

Par ailleurs, le texte porte gravement atteinte à la clause de compétence générale des collectivités territoriales, dans un premier temps supprimée, puis partiellement réintroduite. Cela rendra plus complexe encore le fonctionnement de nos collectivités, qui se trouveront étranglées. De toute façon, comment pourraient-elles utiliser cette clause de compétence générale alors qu’elles éprouvent les pires difficultés à assumer leurs missions obligatoires ?

Alors même que la Constitution pose le principe de l’autonomie financière des collectivités locales, le Gouvernement s’échine à réduire leurs moyens. Ainsi, la récente suppression de la taxe professionnelle a contribué à conduire notre système de fiscalité locale dans l’impasse : si des compensations ont bien été versées aux collectivités territoriales, elles ont été évaluées sur les bases de 2009.

Sur ces points, nous n’attendons pas de réponse précise et définitive de votre part, dans la mesure où votre texte ignore la question, pourtant essentielle, des ressources fiscales des collectivités locales. À l’issue de cette réforme, ces dernières resteront maintenues dans un état de dépendance à l’égard des subventions de l’État, de la dotation globale de fonctionnement et des contrats de plan État-région.

Une véritable réforme des collectivités locales aurait dû permettre d’aborder la problématique de la pérennité des ressources. Le Gouvernement essaye de nous faire croire que la cause de tous les maux est la trop grande complexité du millefeuille institutionnel ; or le problème majeur est celui des inégalités de ressources entre les communes.

Aujourd’hui, 10 % des communes de France concentrent 30 % des recettes fiscales, tandis que, à l’autre extrémité de l’échelle, les 10 % les plus pauvres doivent se contenter de 1 % du produit de la fiscalité. Ne s’agit-il pas d’un sujet essentiel ? Pourtant, le texte reste cruellement muet à ce propos, alors même que le Premier ministre a récemment annoncé le gel des moyens alloués par l’État aux collectivités territoriales. Une telle déclaration rend d’ailleurs aberrante la poursuite de la discussion de ce texte, la situation financière des collectivités ayant été bouleversée entre les première et seconde lectures.

Cette réforme, couplée au gel des ressources des collectivités territoriales et au désengagement de l’État, aura donc pour conséquence de détruire les services publics encore existants. Leur démembrement est d’ailleurs le véritable objectif de votre réforme, ensuite confierez-vous sans doute leurs missions à des partenaires privés, fort gourmands…

Finalement, ce texte, qui permettra au Gouvernement de réaliser, à l’échelon local, la réforme qu’il a déjà entreprise dans le secteur de la santé et dans les grands services publics, ne réserve aucune surprise. Il s’agit simplement, là encore, de la liquidation du bien collectif au profit du secteur privé et, par conséquent, au détriment de la communauté.

Un autre motif, et non des moindres, nous a amenés à déposer cette motion tendant au renvoi à la commission. Nous nous interrogeons sur le devenir des différents projets de loi qui devaient constituer la réforme et qui sont aujourd’hui, d’une certaine façon, devenus sans objet. Ainsi, nous ignorons toujours combien de textes accompagneront le présent projet de loi : cinq, trois, deux ou aucun ?

Initialement, le Gouvernement avait prévu de découper sa réforme en quatre textes, assortis d’un cinquième un an plus tard. Nous avions critiqué son choix, le soupçonnant de vouloir manipuler le débat, ce qu’il a nié, arguant que les quatre projets de loi avait été déposés et que, dès lors, les parlementaires étaient parfaitement en mesure, dès le mois de décembre 2009, d’apprécier la réforme dans sa globalité.

Toutefois, il s’est avéré que les questions les plus cruciales, telles que le partage des compétences entre les différents échelons territoriaux, seraient renvoyées à un cinquième texte ultérieur. Nous avons dû ainsi débattre de la réforme des collectivités sans connaître l’un de ses éléments essentiels. Depuis cette époque, le Gouvernement n’a pas daigné nous éclairer davantage, sinon de façon fort évasive, sur ses intentions en matière de partage des compétences. Ce processus antidémocratique est d’ailleurs parvenu à son comble lors de l’examen du présent texte par l’Assemblée nationale.

Enfin, une dernière raison motivant notre demande de renvoi à la commission est l’absence totale de prise en compte par le Gouvernement des opinions exprimées par les personnes auditionnées. Il est en effet évident que les propositions et les avis émis par les élus, les représentants d’associations de collectivités, les professeurs de droit public et autres experts entendus par la commission n’ont pas été intégrés dans le projet de loi : aucune de ces personnalités ne s’était prononcée en faveur d’un affaiblissement de la démocratie locale, mais le Gouvernement n’en a pas moins décidé de réduire de moitié le nombre d’élus locaux au travers de la création des conseillers territoriaux.

De même, si l’avis des personnalités précitées avait réellement été entendu, le Gouvernement n’aurait pas proposé de créer des établissements métropolitains auxquels la majeure partie des ressources publiques sera affectée, tandis que les collectivités plus fragiles, confrontées à la raréfaction des ressources, disposeront de moyens toujours plus contraints pour répondre aux besoins de la population.

Le Gouvernement avance donc à contre-courant des opinions exprimées par la majorité des autorités auditionnées, et le « grand débat » qu’il prétend avoir mené n’est finalement qu’un simulacre de démocratie. En réalité, les orientations contenues dans le présent projet de loi s’inscrivent dans la plus pure continuité de la politique qu’il a conduite unilatéralement, consistant à appliquer aveuglément et brutalement les principes de la révision générale des politiques publiques aux collectivités territoriales. La RGPP connaîtra d’ailleurs une deuxième phase.

De surcroît, on constate une volonté du Gouvernement d’étouffer une démocratie locale dont la grande majorité des acteurs se trouvent être opposés à sa politique.

Telles sont les motivations du Gouvernement, mais elles sont incompatibles avec le travail législatif, parlementaire et démocratique. Cela explique que le débat qui nous est imposé aujourd’hui soit aussi incohérent, truffé d’irrégularités et parcellaire.

Dans ces conditions, nous vous demandons, mes chers collègues, d’adopter notre motion tendant au renvoi à la commission du présent projet de loi, ce qui permettra, peut-être, d’engager un débat plus sain, en vue d’une réforme, dans un esprit démocratique et social, des collectivités locales.

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