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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Un mode de scrutin qui soulève beaucoup d’interrogations

Election des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires -

Par / 15 janvier 2013

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives – la parité politique –, a toujours été au cœur des préoccupations de la délégation aux droits des femmes. Je me réjouis donc que la conférence des présidents lui ait accordé un temps de parole dans la discussion générale de ces deux textes,…

M. Bruno Sido. C’est normal !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes. … qui tendent à une meilleure prise en compte de l’objectif constitutionnel de parité dans l’élection des conseillers départementaux, de certains conseillers municipaux et des délégués communautaires.

Notre délégation a déjà consacré plusieurs rapports à la parité politique. Le dernier en date, publié en juin 2010 dans le cadre de la discussion de la réforme territoriale et des modes de scrutin pour l’élection des conseillers territoriaux, avait dressé un bilan de l’application des lois relatives à la parité.

Le constat qu’elle avait établi était clair : la loi du 6 juin 2000 et les lois qui l’ont complétée ont permis au principe d’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives de devenir une réalité effective dans les assemblées élues au scrutin de liste proportionnel. C’est le cas des conseils municipaux des communes de plus de 3 500 habitants, qui, à l’issue du dernier scrutin de 2008, comptent 48,5 % de femmes. C’est aussi le cas des conseils régionaux qui, avec 48 % de femmes élues en 2010, donnent l’exemple d’une parité presque parfaite.

En revanche, la parité n’a que peu progressé dans les élections au scrutin uninominal majoritaire, et les dispositifs instaurés pour compenser cet état de fait – pénalités financières, règle du suppléant de sexe opposé – se sont révélés peu efficaces et décevants.

Les dispositions législatives qui nous sont aujourd’hui proposées abordent quatre des sujets sur lesquels notre délégation avait pointé les insuffisances de la parité : l’élection des conseils généraux, la composition de leurs exécutifs, l’élection des conseils municipaux des communes de moins de 3 500 habitants, et la composition des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.

Notre délégation s’est réunie le 10 janvier pour procéder à un échange de vues sur ces dispositions qui se veulent favorables à la parité, mais qui ont suscité des débats et des réserves.

Le mode de scrutin proposé pour l’élection des futurs conseillers départementaux – le scrutin majoritaire binominal – est le dispositif qui a suscité les appréciations les plus variées, du fait de son caractère inédit et du redécoupage des cantons qu’il imposera.

Actuellement, les conseillers généraux sont élus au scrutin majoritaire uninominal à deux tours, dans le cadre des cantons. Si on reconnaît traditionnellement à ce mode de scrutin le mérite de faciliter la proximité et l’ancrage territorial de l’élu,…

M. Henri de Raincourt. Eh oui !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes. … nous savons aussi qu’il ne favorise pas la parité et n’offre aucun levier pour déconstruire les stéréotypes de genre.

Actuellement – ce sont les chiffres publiés par l’Observatoire de la parité –, les femmes ne représentent que 14 % de l’effectif des conseils généraux et, M. le ministre l’a rappelé, trois départements sont dirigés par un conseil exclusivement masculin.

Pour y remédier, le Gouvernement propose, à l’article 2 du projet de loi, de faire élire dans chaque canton deux candidats de sexe différent, qui se présenteraient en binôme et seraient solidairement élus ou battus.

Cependant, pour maintenir inchangé l’effectif actuel des conseils généraux, l’article 3 du projet de loi prévoit de diviser par deux le nombre actuel de cantons.

Au cours de sa réunion, notre délégation a formulé trois remarques sur ces deux dispositions, qui sont évidemment indissociables et doivent donc être examinées en regard.

Conçu, comme l’a rappelé au sein de la délégation notre collègue Bernadette Bourzai, pour faire aboutir l’objectif de parité inscrit dans la Constitution, ce dispositif devrait garantir une parité quasi mathématique, dans la mesure où il débouchera, dans chaque canton, sur l’élection de deux candidats de sexe différent. Toutefois, son caractère nouveau n’est pas sans soulever des interrogations.

Il est sans précédent en droit français. Il n’existe de mode de scrutin comparable dans aucun autre pays, pas même au Chili, dont le scrutin législatif est parfois évoqué à titre de comparaison.

Le caractère nouveau de ce mode de scrutin réside non pas dans l’élection de deux élus, mais dans leur solidarité devant l’élection.

La solidarité entre les deux membres du binôme est entière quant à l’issue du scrutin et pendant toute la durée des opérations électorales. Néanmoins, une fois élus, les deux conseillers départementaux deviendront indépendants l’un de l’autre.

Quelles en seront les conséquences dans l’exercice de leurs mandats ?

Nous nous sommes demandés, au sein de mon groupe politique en particulier, si les deux membres du binôme ne feraient pas alors l’objet d’un traitement différent, les femmes se retrouvant à nouveau cantonnées dans leurs secteurs traditionnels d’intervention – les questions sociales, l’éducation et la santé –, les hommes continuant de s’arroger le monopole des questions économiques. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et de l’UMP.)

M. Bruno Sido. C’est un procès d’intention !

Mme Éliane Assassi. C’est la réalité !

M. Alain Bertrand. Mieux vaut entendre cela que d’être sourd !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes. Au cours de la réunion de notre délégation, nous nous sommes interrogés sur les conséquences du redécoupage systématique de la carte cantonale qu’il imposera.

Certes, les évolutions démographiques intervenues depuis le découpage initial ont entraîné des écarts de représentation de la population, en particulier entre zones urbaines et zones rurales au sein d’un même département, que l’on ne peut accepter.

Néanmoins, la conjonction du critère démographique interdisant que la population d’un canton soit supérieure ou inférieure de 20 % à la population moyenne d’un département et de la réduction de moitié du nombre des cantons ne risque-t-elle pas d’être défavorable à la ruralité et à la proximité de l’élu avec les citoyens ?

M. Claude Jeannerot. Eh oui !

M. Gérard Bailly. C’est sûr !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes. Ne risque-t-elle pas d’accélérer la disparition, déjà bien avancée, des services publics ?

Mme Cécile Cukierman. Certainement !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes. C’est une préoccupation qui a été exprimée par plusieurs d’entre nous, qui ont insisté sur le rôle spécifique joué par l’élu du département dans les zones rurales.

M. Éric Doligé. C’est vrai ! Il n’y en aura plus !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes. Autre interrogation : les deux candidats d’un binôme seront-ils nécessairement de la même sensibilité politique, ou la mise en place des binômes donnera-t-elle lieu, au contraire, à des alliances politiques avant le premier tour du scrutin ?

M. Bruno Sido. Bien sûr ! On pourra ratisser plus large !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes. Seule l’expérience le dira, mais on peut légitimement craindre que ce système ne permette pas de préserver la représentativité pluraliste des actuels conseils généraux et accentue plutôt le bipartisme.

Dans ces conditions, certains d’entre nous, et j’en fais partie, ont souligné que l’objectif de parité aurait été aussi valablement garanti par le recours au scrutin proportionnel, dont le fonctionnement positif est connu et favorable à la parité.

Mme Éliane Assassi. Eh oui !

M. Bruno Sido. Et vous seriez encore plus tranquilles !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes. Il est vrai que le scrutin binominal s’inspire d’une recommandation adoptée en juin 2010 par la délégation, et figurant dans le rapport de Michèle André sur le projet de réforme des collectivités territoriales.

La délégation s’était alors demandé si le Conseil constitutionnel censurerait le mode de scrutin proposé pour l’élection des conseillers territoriaux, dans la mesure où il était très défavorable à l’objectif constitutionnel de parité. Les constitutionnalistes interrogés avaient estimé que c’était peu probable, car le juge constitutionnel avait toujours reconnu au législateur une grande latitude dans les modes de scrutin.

M. Bruno Sido. Heureusement !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes. Dans une attitude constructive, la délégation avait alors recherché des mécanismes susceptibles de « neutraliser les effets négatifs » du scrutin majoritaire sur la parité. Elle avait alors proposé celui du scrutin binominal.

Il s’agissait donc d’une tentative pour remédier aux inconvénients du scrutin uninominal.

Je serai plus rapide sur le second dispositif, qui introduit la parité dans l’élection des membres de la commission permanente et des vice-présidents des futurs conseils départementaux.

Il transpose dans les départements les dispositions de la loi du 31 janvier 2007, qui ont permis d’assurer une quasi-parité au sein des exécutifs régionaux. Il s’agit donc d’un dispositif connu, qui a fait ses preuves et que nous ne pouvons qu’approuver sans réserve.

M. Bruno Sido. C’est une régression de la démocratie !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes. Troisième dispositif : le projet de loi propose de ramener de 3 500 à 1 000 habitants le seuil au-delà duquel les conseillers municipaux seront élus au scrutin de liste, assorti de contraintes paritaires.

L’étude d’impact évalue à 16 000 le nombre de femmes conseillères municipales supplémentaires dont ce changement de seuil devrait permettre l’élection.

M. Michel Delebarre, rapporteur. Très bien !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes. C’est donc une mesure positive pour la parité, et nous y sommes favorables dans l’ensemble, même si les débats sur la fixation du seuil ont trouvé un écho au sein de notre délégation.

Le quatrième dispositif consiste à élire par un système de fléchage les conseillers communautaires de façon concomitante à celle des conseillers municipaux.

Ce dispositif permettra notamment de ne pas laisser les organes dirigeants des EPCI à fiscalité propre en dehors de toute logique paritaire. Cette intention est, a priori, louable, car ces instances ont un véritable pouvoir de décision et les femmes en sont trop souvent exclues. Nos débats au sein de la délégation ont cependant insisté sur un point : ce système de fléchage ne peut être pertinent que dans les communes d’une certaine importance.

La délégation s’est inquiétée, par ailleurs, de la complexité du dispositif proposé par la commission des lois pour assouplir les modalités de ce fléchage et éviter que les premiers de liste ne se retrouvent à la fois dans les exécutifs municipaux et dans les instances communautaires.

Par ailleurs, à titre personnel, j’ai dit mon inquiétude de voir, avec cette mesure, l’intercommunalité glisser vers une autorité de plein droit au détriment de la commune.

Telles sont, mes chers collègues, les principales remarques que je souhaitais formuler au nom de notre délégation.

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