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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Une clarification utile

Préjudice écologique -

Par / 16 mai 2013

Madame la présidente, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, on dit bien souvent que la nature a horreur du vide. C’est sans doute vrai, au moins pour ce qui concerne le vide juridique !

Alors que le code civil ne traite pas directement des atteintes qui peuvent être portées à cette même nature, depuis plusieurs années déjà, le juge a fait évoluer la jurisprudence et a permis d’apporter une réponse aux préjudices écologiques.

Or ces sujets ont vocation à prendre de l’ampleur, du fait de la multiplication des atteintes liées à la pression croissante des sociétés humaines sur leur environnement. Toutefois, la jurisprudence est fluctuante et l’absence d’un principe clair fait à ce jour cruellement défaut.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a pour objet de permettre la réparation d’atteintes portées exclusivement à l’environnement. On parle d’ailleurs parfois de « préjudice écologique pur ». En fait, il convient de distinguer préjudice et dommage. Un dommage est une atteinte objective, tandis qu’un préjudice relève d’un sentiment subjectif, d’un « ressenti » de la victime.

Dans le cas de l’environnement, on s’aperçoit immédiatement qu’il existe une disjonction entre ce qui constituera bientôt un nouveau sujet de droit, l’environnement, et ce « ressenti » de la société et qu’il convient aussi d’appréhender l’intérêt à agir d’une manière différente. En la matière, celui-ci est collectif.

Par ailleurs, jusqu’à présent, pour être réparable, un dommage devait être direct, certain et personnel. Il s’agit donc là d’une petite révolution.

Certes, je le reconnais, les principes posés ici ne viennent pas de nulle part. Un chemin avait déjà été parcouru.

La loi Barnier de 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement a permis aux associations d’exercer les droits reconnus à la partie civile pour ce qui concerne les faits portant préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu’elles ont pour objet de défendre et constituant une infraction à la protection de la nature et de l’environnement.

Depuis 2008, grâce à l’adoption d’un amendement déposé par l’auteur de la présente proposition de loi, les collectivités peuvent exercer ces mêmes droits reconnus à la partie civile pour ce qui concerne les faits portant préjudice direct ou indirect au territoire sur lequel elles exercent leur compétence. Autrement dit, le fait générateur peut avoir lieu sur un espace public ou privé de la collectivité.

L’inscription de la notion de « préjudice écologique » dans le code civil telle qu’elle nous est proposée aujourd’hui s’inscrit bien dans cette continuité.

En effet, il s’agit de protéger des biens communs, utiles à l’humanité, qui ne sont pas susceptibles d’appropriation, c’est-à-dire non seulement de réparer des dégâts causés, mais aussi de prévenir la survenue de dommages, grâce à l’habile réécriture de la présente proposition de loi par le rapporteur. Ce texte est simple, court, intelligible ; il pose des principes clairs, qui ne souffrent pas d’exception. Son adoption permettra de clarifier les fondements sur lesquels les juges pourront construire leur raisonnement.

Bref, il est diamétralement opposé à la loi de 2008 relative à la responsabilité environnementale, texte touffu, technique, incompréhensible pour le commun des mortels, d’ailleurs inefficace et inappliqué, adopté dans de bien piètres conditions, au mépris du travail parlementaire, sous la pression du délai dépassé de transposition d’une directive européenne. Cette loi a créé une nouvelle police de l’environnement, sans même aborder l’articulation avec les autres polices, et a fait reposer tout le dispositif sur les seuls préfets, alors que l’on sait pertinemment qu’ils ne disposent pas des moyens nécessaires. Elle constituait déjà au moment de son adoption un signal fort du renoncement de la droite aux principes actés lors du Grenelle de l’environnement.

Mes chers collègues, vous me ferez probablement remarquer que la présente proposition de loi émane du groupe UMP, dont on pourrait donc estimer qu’il rectifie le tir malencontreux de 2008.

Néanmoins, soyons clairs : c’est bien la récriture de ce texte réalisée par le rapporteur qui nous permettra de le voter en l’état.

En effet, la version initiale ne nous aurait pas pleinement satisfaits.

Si nous allons bel et bien voter ce texte, c’est pour trois raisons principales.

Tout d’abord, le rapporteur et la commission ont eu l’intelligence de faire du régime de responsabilité civile créé par la proposition de loi un régime de responsabilité avec faute et sans faute, ce qui permet une mise en œuvre effective du principe de précaution inscrit dans la Charte de l’environnement de 2004, à valeur constitutionnelle ; un simple régime de responsabilité avec faute n’aurait pas permis d’atteindre ce résultat.

Ensuite, la priorité a été donnée à la réparation en nature et non au paiement de dommages et intérêts, qui sont, on le sait bien, un moyen de s’acheter une bonne conscience, mais sans garantie d’effet sur l’environnement dégradé.

Enfin, un volet préventif a été ajouté ; cette disposition nous semble particulièrement bienvenue.

La réparation en nature des atteintes à l’environnement est une nécessité que nous aurions pu qualifier d’éthique il y a plusieurs décennies, mais que je qualifierais aujourd’hui de morale, car nous ne pouvons plus décemment y couper.

Cette réparation est une condition nécessaire si nous voulons laisser aux générations futures une terre habitable. L’homme existe parce que la nature existe, et la nature telle que nous la connaissons existe parce que l’homme existe ; l’homme et la nature doivent donc cohabiter, ce qui signifie que l’homme a d’énormes responsabilités envers la nature.

La réparation en nature est en quelque sorte le service minimum que nous devons à notre environnement pour le préserver.

Mais attention : la réparation n’est pas pour autant l’alpha et l’oméga de la protection de l’environnement.

Elle n’est en effet pas toujours possible. La dégradation ou la destruction d’écosystèmes endémiques, par exemple, ou encore la pollution de nappes d’eau fossiles peuvent parfaitement se révéler irréversibles ; je ne reviens pas sur le cas des abeilles. Une réparation compensatoire, qui se ferait ailleurs par des restaurations, des remises en état jugées équivalentes, ne permettra jamais vraiment de retrouver la valeur perdue.

Le groupe communiste l’a déjà affirmé dans cet hémicycle, la compensation écologique est une imposture intellectuelle ! Les biens communs qui constituent notre environnement ne sont pas des facteurs de production fongibles, comme le travail et le capital. Ils ont une identité propre et ne peuvent être substitués les uns aux autres comme s’ils étaient « hors sol ». Les interactions, synergies et autres dynamiques au sein de l’environnement, c’est-à-dire entre et au sein de la biosphère, de la lithosphère, de l’hydrosphère, de l’atmosphère et de la cryosphère, sont innombrables et continueront encore longtemps à dépasser les capacités d’ingénierie humaine.

C’est la raison pour laquelle le volet préventif est un élément incontournable du dispositif. Toutes les dégradations qui peuvent être évitées ou atténuées doivent l’être, et les moyens nécessaires pour y parvenir doivent être accordés aux personnes physiques et morales concernées.

Madame la garde des sceaux, je conclus en observant que vous avez mis en place il y a quelques jours un groupe de travail sur la question, afin de l’approfondir. Ce groupe de travail vous rendra ses conclusions vers la mi-septembre. Nous ne doutons pas que ces travaux permettent d’améliorer encore la qualité du présent texte, en particulier s’agissant de l’articulation avec les autres régimes de responsabilité existants.

En attendant, nous estimons que le signal est bon, que l’avancée juridique est indéniable et que l’équilibre de la présente proposition de loi est tout à fait satisfaisant. C’est pourquoi nous la voterons, et avec enthousiasme.

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