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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Une des réponses à la profonde crise de la représentation politique que traverse notre pays depuis des années.

Limitation du cumul des mandats -

Par / 15 janvier 2014

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici de nouveau réunis pour débattre d’un projet de loi à l’évidence sensible, et qui mérite, de mon point de vue, d’être abordé avec sérénité et responsabilité, deux qualités que le Sénat sait souvent conjuguer.

C’est d’autant plus nécessaire que, ces derniers jours, à mon grand regret, le Sénat a renvoyé l’image d’une assemblée qui veut préserver ses avantages, et non celle d’une assemblée capable de donner sens et force à notre démocratie. Ce faisant, les tenants du populisme s’en donnent à cœur joie pour dénigrer la politique et les politiques. Et certains – ce sont souvent les mêmes – s’en prennent allègrement au bicamérisme, auquel les élus de mon groupe sont attachés, même s’ils considèrent qu’il doit être revisité pour donner plus de sens à nos deux chambres, et donc plus de force à notre démocratie.

Ainsi, quel que soit notre vote, notre message, aujourd’hui, doit porter le sceau de la responsabilité, pour illustrer d’abord et avant tout notre volonté d’être utiles à nos concitoyens.

Le cumul d’un mandat parlementaire avec des responsabilités locales est une pratique courante : le cumul est la règle et le non-cumul, l’exception.

Malgré des limitations apportées en 1985 et en 2000, la législation actuelle reste très permissive en ce qu’elle ne prévoit aucune incompatibilité entre un mandat parlementaire et l’exercice de responsabilités exécutives locales.

Quelles que soient les différences existant entre les systèmes politiques des grandes démocraties dans le monde, aucune –aucune, mes chers collègues - ne pratique le cumul des mandats à l’échelle de ce qui est observé en France. L’enjeu est donc bien de mettre fin à une exception française de grande ampleur, qui touche - soyons les uns et les autres rassurés ! - tous les partis politiques !

Près de 90 % des députés et sénateurs exercent un mandat local en même temps qu’un mandat parlementaire, tandis que, dans la quasi-totalité des autres pays occidentaux, la proportion n’atteint jamais les 20 %.

Cette exception française suscite les critiques et la méfiance de nos concitoyens. Selon un récent sondage, six personnes sur dix sont favorables à l’interdiction du cumul des mandats. Ainsi, il faut savoir l’admettre, débattre du non-cumul des mandats contribue à traiter pour partie de la crise de la représentativité politique qui mine la République depuis bien trop d’années maintenant.

À ce titre, interdire ou limiter de manière stricte le cumul, c’est apporter, non pas « la » réponse, mais « une » réponse à cette crise, pour retisser le lien de confiance entre les citoyens et leurs élus et réconcilier les Français avec leur démocratie et leurs représentants.

Attaché depuis toujours à la démocratie vivante, celle qui permet l’association de tous à la vie politique, le groupe CRC accueille positivement, malgré ses évidentes limites, ce projet de loi.

Nous sommes favorables à une stricte limitation des mandats électifs en nombre et dans le temps, laquelle s’inscrit dans un ensemble de mesures fortes que nous préconisons pour une profonde et nécessaire rénovation de la vie politique.

Certains opposants au non-cumul arguent de la nécessité d’un ancrage local pour être à l’écoute de nos concitoyens. Cet argument s’entend, mais il me semble un peu court.

Nul besoin de « cumuler » pour être un élu de terrain, ancré sur un territoire, sauf à considérer qu’un parlementaire sans mandat exécutif local serait moins bon qu’un autre qui ne se consacre qu’à sa mission législative nationale. Ce serait faire insulte à certains de nos éminents collègues ! Pourquoi seraient-ils déconnectés des réalités locales ?

Une bonne connaissance du terrain se construit, normalement, avant d’accéder à un mandat national. De grands responsables politiques qui sont présents aujourd’hui dans cet hémicycle le savent très bien.

Élus nationaux sans mandat exécutif local, nous modifierons sans doute nos pratiques pour répondre aux attentes du monde syndical, culturel, associatif et de nos concitoyens, qui veulent plus d’échanges et de proximité avec les parlementaires.

Disant cela, je n’invente rien, et je suis bien placée pour m’exprimer sur le sujet. En effet, comment font les parlementaires qui, comme moi, siègent au sein de conseils municipaux dans l’opposition, donc sans mandat exécutif, ou qui décident, comme moi aussi, d’ailleurs, de ne plus être élu local ? Sont-ils moins parlementaires que d’autres ? Sont-ils moins capables d’assurer la représentation des collectivités territoriales ? Sont-ils moins capables d’être les porte-voix de leurs concitoyens ? Je ne le pense pas.

M. Gérard Larcher. Ce n’est pas le sujet !

Mme Éliane Assassi. Bien sûr que si, au moins en partie ! Il faut cesser l’hypocrisie et dire les choses franchement, sans s’éloigner du vrai sujet.

M. Christian Cambon. La diversité est possible !

Mme Éliane Assassi. Je tiens à présent à en venir à l’absentéisme, caractéristique des travées des hémicycles du Parlement.

Représenter la Nation dans son ensemble, voter la loi, contrôler l’action du Gouvernement, évaluer les politiques publiques, tout cela ne saurait se satisfaire d’un temps partiel ! Je ne crois d’ailleurs pas que le seul fautif dans l’absentéisme soit le cumul des mandats, même s’il y contribue.

M. Jean-Jacques Hyest. Vous avez raison !

Mme Éliane Assassi. Les sujets sur lesquels nous travaillons sont variés, complexes et techniques, reflet de la multiplication des sources du droit et autres contraintes. Or les mandats locaux d’aujourd’hui, tels qu’ils ont été dessinés par les lois successives de décentralisation, ont changé la morphologie de notre pays, la mission de ces élus locaux exigeant d’eux beaucoup d’investissement.

Sur le fond, l’absentéisme parlementaire est à la fois l’une des causes et l’une des conséquences de l’affaiblissement du Parlement.

Nous sommes nombreux ici à critiquer le déséquilibre institutionnel au profit de l’exécutif, qui s’est accentué avec l’inversion du calendrier électoral

M. Jacques Mézard. Cette inversion a été très néfaste, en effet !

Mme Éliane Assassi. Je crois me souvenir que nous n’étions pas très nombreux à dire les raisons pour lesquelles il ne fallait pas inverser ce calendrier.

Aujourd’hui, nous sommes nombreux à demander le renforcement de la place et du rôle du Parlement. Toutefois, mes chers collègues, rien ne bougera si les parlementaires eux-mêmes ne se saisissent pas pleinement des pouvoirs qui leur sont conférés.

Ensuite, la limitation stricte des mandats peut permettre de rompre avec cette culture dans laquelle certains voient la marque d’une « conception hyper-élitiste de la société, de la crainte de la compétition et de l’affrontement concurrentiel, et donc d’une stratégie tendanciellement monopoliste qui fait le vide autour du cumulant ».

Ainsi, chers collègues, les jeunes, les ouvriers se comptent sur les doigts d’une main au Parlement. Quant à la diversité des origines, n’en parlons pas ! Et s’il n’y avait pas eu la loi sur la parité et une dose de proportionnelle ici, gageons que les femmes seraient moins nombreuses sur nos travées, comme elles sont peu nombreuses à l’Assemblée nationale !

C’est un fait établi : le cumul des mandats fige le personnel politique, en nombre et dans le temps. Cette « règle » très française est synonyme de reproduction des élites et de professionnalisation de la politique.

Ne vous méprenez pas, tout cela est bien clair dans l’esprit de nos concitoyens, puisque 80 % d’entre eux estiment que nous formons une caste qui s’arc-boute sur ses privilèges.

La démocratie implique non pas un super-professionnalisme des élus, mais une hétérogénéité d’expériences qui fonde leur légitimité et leur force. Sans cela, c’est la démocratie que l’on continue de blesser au mépris du peuple souverain !

La réforme proposée constitue une avancée, certes timide, je l’ai souligné, pour engager la rénovation de la vie politique et apporter des réponses à la crise de la représentativité et à son cortège de maux qui fragilisent notre démocratie : conflit d’intérêts, absentéisme, non-renouvellement, et j’en passe.

Aussi, il ne doit s’agir que d’un premier pas vers d’autres mesures tout aussi urgentes et nécessaires.

Tout ce qui entrave l’expression démocratique de la souveraineté populaire doit être déconstruit. À cet égard, j’entends, bien sûr, la limitation du cumul dans le temps et les modes d’élection ; je ne m’attarderais pas, ici, sur la proportionnelle, à laquelle les élus de mon groupe sont toutes et tous très attachés.

Là encore, il convient de penser à la création d’un véritable statut de l’élu ne se limitant pas au seul aspect pécuniaire, mais permettant au citoyen, élu pendant une période de sa vie, de retrouver son emploi après la fin de son mandat ou d’accéder à une formation débouchant sur un nouvel emploi.

Mes chers collègues, nous devons redonner sens à notre démocratie, redonner sens au politique et à la politique ; nous devons restaurer la confiance de nos concitoyens. Même avec ses limites, je le répète, mais j’y insiste, ce texte peut y contribuer. C’est la raison pour laquelle le groupe CRC le votera.

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