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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Une libre administration des collectivités territoriales de plus en plus encadrée

Conseillers territoriaux -

Par / 7 juin 2011

M. Bernard Vera. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi n’est pas un projet comme les autres. Il vient devant nous, aujourd’hui, après que l’article 6 de la loi portant réforme des collectivités locales eut été déclaré inconstitutionnel.

La décision du Conseil constitutionnel d’invalider le tableau fixant le nombre des conseillers territoriaux dans chaque département et dans chaque région doit être, à notre avis, saisie par le Sénat, représentant des collectivités, comme une possibilité de se pencher une nouvelle fois sur cette question.

Cette occasion s’offre à nous comme une deuxième lecture, laquelle nous avait été refusée par les manœuvres et les arguties de l’époque.

Rappelons-nous, le Sénat avait été bafoué dans ses prérogatives en se voyant refuser par le Gouvernement tout débat sur le mode de scrutin et le nombre de conseillers territoriaux.

Il faut dire que, malgré les négociations de couloir, le Gouvernement ne disposait pas de majorité pour entériner la création de ces conseillers territoriaux, appelés à prendre place dans les assemblées départementales et régionales.

Aussi, il évita de dire quels étaient ses objectifs en ce domaine et fit adopter un amendement centriste, que nous pourrions qualifier d’amendement de dupes puisqu’il s’empressa de le faire supprimer à l’Assemblée nationale.

Aujourd’hui, donc, le Sénat peut reprendre la main. Il peut d’autant mieux le faire que cette réforme du mode de désignation et d’élection des conseillers territoriaux peut être éclairée par les méthodes utilisées par les préfets pour la mise en œuvre des premières étapes de cette réforme, avec la mise en place des schémas départementaux de coopération intercommunale.

M. Jean-Louis Carrère. Exact ! Cela se fait à pas de géant !

M. Bernard Vera. Chacun peut le constater aujourd’hui, la concertation n’a pas été à l’ordre du jour dans de très nombreux départements.

L’information préalable a certes été mise en place, ici ou là, mais il n’y a pas eu de véritable négociation. Ainsi, la loi s’applique aujourd’hui de façon différente suivant les départements.

Ici, les préfets s’en sont tenu à inscrire dans une intercommunalité les communes orphelines ou à réduire le nombre d’intercommunalités de moins de 5 000 habitants.

Ailleurs, les préfets, que certains qualifient de « volontaristes », ont été beaucoup plus loin, redessinant l’ensemble des intercommunalités et réduisant leur nombre de façon significative.

Ce faisant, le nombre de communautés d’agglomération progresse sensiblement. De ce fait, l’intégration intercommunautaire en sort renforcée et les communes se voient contraintes d’abandonner toujours plus de leurs prérogatives, sans que cela s’appuie toujours sur une réelle volonté ni sur une vision partagée avec les autres communes rassemblées.

Ainsi, d’après les chiffres actuellement en notre possession, le nombre d’intercommunalités et de syndicats intercommunaux diminuerait en France, respectivement, de plus de 30 % et de 40 %. C’est considérable et bien plus important que ne le laissaient présager nos débats et le texte de loi lui-même.

Je ne suis pas sûr que cette mise en œuvre à marche forcée ne heurte pas la volonté de certains sénateurs, qui pensaient, au moment de voter, qu’un climat de coopération, de concorde et de recherche de consensus serait à la base des propositions préfectorales.

Aussi, il est nécessaire de revenir sur cette question. Il faut bien que les interrogations, les inquiétudes, les incompréhensions et les mécontentements qui s’expriment actuellement dans nos départements trouvent ici un écho.

Notre assemblée représente les collectivités territoriales, et, à ce titre, nous avons le devoir d’entendre la voix des élus locaux lorsqu’ils expriment leur volonté d’exercer pleinement le principe constitutionnel de libre administration des communes.

Pas de mariage forcé, disent-ils, pas de fusion pour la fusion, mais des adhésions librement consenties, des projets réellement partagés s’appuyant sur des bassins de vie cohérents et respectant l’expérience acquise grâce à la coopération intercommunale déjà existante.

Il nous faut alors apporter les modifications éventuellement nécessaires, et ce dans les délais les plus brefs. Ce projet de loi nous en donne l’occasion. Nous présenterons des amendements tendant à permettre aux communes et à leurs groupements de reprendre la main sur les contours de la coopération intercommunale.

Nous demanderons un délai supplémentaire de six mois pour la définition et l’entrée en vigueur des schémas départementaux de coopération intercommunale, les SDCI, et afin d’éviter que les communes, les syndicats et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ne soient contraints de mettre place une concertation démocratique avec les élus et avec les concitoyens en pleine période estivale.

Nous proposerons de revenir sur les pleins pouvoirs accordés au préfet dans la phase d’élaboration des SDCI. Car, malheureusement, dans la plupart des cas, les préfets ont redessiné une carte de l’intercommunalité sans tenir compte des coopérations existantes ni des projets et des visions d’avenir partagés.

Pour notre part, nous ne nous étonnons pas de cette situation ; nous l’avions même dénoncée par avance. Faut-il voir, d’ailleurs, un lien entre les schémas départementaux de coopération intercommunale et le texte que nous examinons aujourd’hui ?

En effet, nul ne saurait penser que les limites des futures intercommunalités n’ont rien à voir avec les futures limites cantonales, circonscriptions des futurs conseillers territoriaux. Or ces limites cantonales sont taboues. Nous n’avons pas à en débattre, ni à en discuter, ni même à en connaître.

Ainsi, tout se met en œuvre pour un découpage électoral de grande ampleur visant à préparer la mise en place de majorités départementales et régionales aux couleurs de la majorité actuelle.

Dans ce cadre, nous serions très étonnés que les futurs cantons ne s’inscrivent pas, pour l’essentiel, dans le périmètre des futures intercommunalités où à partir de celui-ci.

Aussi, nous alertons l’ensemble des élus locaux et les incitons à la plus extrême vigilance. Les futures intercommunalités proposées par les préfets auront, sans aucun doute, à voir avec le futur tracé des cantons.

Enfin, je terminerai mon intervention sur un aspect essentiel de ce projet de loi.

Vouloir définir par la loi le nombre des conseillers territoriaux et, par ordonnance, le tracé des nouveaux cantons revient, en réalité, à retirer aux conseils généraux leur pouvoir.

La détermination du nombre de conseillers siégeant dans les conseils généraux est de la compétence de chacun d’entre eux. Légiférer sur ce nombre est donc un acte de défiance envers une autorité locale constitutionnellement légitime. Nous ne saurions l’accepter.

Si ce projet de loi n’est pas voté, si ce tableau n’est pas adopté, alors les conseils généraux devront délibérer sur le nombre de conseillers siégeant dans l’assemblée départementale. Ils définiront le nombre d’élus qui paraît nécessaire à l’exercice de leurs prérogatives et à une juste expression de la souveraineté populaire.

Aussi, à tous les sénateurs qui doutent encore de ce texte et, plus généralement, de la loi réformant les collectivités locales, l’occasion est offerte de le rejeter pour marquer leur défiance et faire entendre leurs craintes, sans pour autant bloquer les aspects de cette loi qu’ils soutiennent.

Cette question pourra toujours être de nouveau débattue dans le cadre de l’examen du projet de loi n° 61 relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale, qui, à l’origine, était destiné à porter l’application de cette réforme dans ses aspects électifs et dans ceux qui concernent les droits des élus locaux.

La loi de réforme des collectivités locales n’a trouvé qu’une majorité de trois voix dans notre assemblée ; c’est dire, pour le moins, les interrogations qu’elle suscitait.

Je suis certain que, six mois après, les questions demeurent et sont même, sans doute, renforcées par les premières mesures d’application de la loi.

Le rejet de ce projet de loi pourrait devenir un acte de responsabilité pour imposer au Gouvernement de revoir sa copie. Ce texte est entre nos mains ; à nous de nous en saisir et de porter la voix des élus locaux, qui, dans leur grande majorité, attendent un geste de modération et d’apaisement.

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