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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Une logique de métropolisation et de régionalisation est en marche

Nouvelle organisation territoriale de la République : explication de vote -

Par / 27 janvier 2015

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme d’un long débat parlementaire sur un sujet essentiel pour l’avenir de notre pays. Je veux saluer à mon tour le travail et la disponibilité de notre rapporteur Jean-Jacques Hyest.

M. Éric Doligé. Très bien !

M. Christian Favier. Si ce débat avait bien commencé – de nombreuses auditions ont été organisées –, sa préparation a ensuite été affectée par la précipitation entre le travail de la commission et le dépôt des amendements sur son texte. Puis, l’organisation des débats a été perturbée par la longue coupure entre la discussion générale et nos discussions sur les amendements.

Enfin, il est dommageable que la richesse de nos échanges ne puisse trouver sa traduction dans les explications de vote, du fait de l’organisation de ce scrutin public dans des conditions inédites, ne permettant qu’une seule intervention par groupe.

Cette procédure réduit ainsi au silence toutes les sénatrices et tous les sénateurs qui ont pris part à nos échanges, qui ont soumis des amendements, défendu des points de vue contradictoires, parfois même en décalage avec les prises de position officielles de leur groupe.

Cette richesse des arguments défendus par les uns et par les autres ne se retrouvera donc pas dans notre dernier échange sur ce projet de loi. Nous le regrettons.

Mais revenons à notre appréciation sur le projet de loi.

Pour mesurer le travail législatif effectué par la Haute Assemblée, je veux rappeler rapidement notre analyse sur le texte gouvernemental.

D’abord, nous avons déploré de devoir parler des compétences des collectivités territoriales sans examiner conjointement les ressources dont elles pourraient disposer pour les mettre en œuvre. Nous avons ainsi rappelé combien cette restructuration de l’action publique était difficile dans un contexte de restriction drastique des dotations de l’État aux collectivités.

Cette critique demeure.

Par ailleurs, nous considérons qu’il faut inscrire ce texte dans un ensemble d’autres lois plus anciennes, en particulier depuis la réforme territoriale de 2010 inspirée par la commission Balladur qui, dès cette époque, se fixait comme objectif « l’évaporation des départements ».

Le projet de loi NOTRe que nous venons d’examiner continue de mettre en œuvre ce dessein.

Ce texte renforce certains aspects de la loi MAPTAM, en particulier en faveur de la concentration des pouvoirs locaux aux deux niveaux régional et intercommunal. Il réduit les compétences des départements et les met sous la tutelle des régions dans un grand nombre de domaines.

Pour mesurer l’impact de ce texte, il faut aussi ne pas perdre de vue que la carte des régions vient d’être revisée pour installer de nouvelles régions aux périmètres étendus, qui demain verront leurs compétences elles aussi renforcées.

C’est donc bien une logique de régionalisation qui est en marche, aux côtés d’une métropolisation qui s’accélère.

M. François Patriat. C’est très bien !

M. Christian Favier. Suivant cette orientation, nous devons reconnaître, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, que vous avez gardé le cap. En témoignent les amendements que vous avez présentés au nom du Gouvernement pour concentrer les pouvoirs locaux entre les mains d’intercommunalités une nouvelle fois renforcées, poursuivre l’évaporation des communes et des départements, renforcer les compétences régionales en réduisant la libre administration des autres collectivités territoriales, tenter de les hiérarchiser derrière des pilotes et des chefs, après avoir réduit leurs ressources et mis sous contrôle leurs dépenses.

Aussi, c’est en raison de l’ensemble de ces éléments, qui sont toujours contenus dans ce projet de loi, malgré les nombreuses modifications apportées par le Sénat, que nous continuons de contester ce texte. Nous aussi, nous gardons le cap...

Nous continuons d’affirmer que le millefeuille est une affabulation, que l’avenir appartient aux communes, aux départements et aux régions, développant leur coopération et travaillant avec un État stratège garant de l’égalité des citoyens.

Nous réaffirmons l’utilité de chacune des collectivités. Toutes doivent disposer de compétences identifiées, mais non exclusives, d’outils de coopérations, de moyens pour agir en faveur de projets partagés. Elles doivent aussi avoir la possibilité d’intervenir quand les intérêts de leur territoire sont en cause.

C’est pourquoi, au cours de ce débat, nous avons longuement défendu le maintien de la compétence générale aux régions et aux départements et que nous continuerons de le faire. Celle-ci reste, à nos yeux, consubstantielle des lois de décentralisation, des droits et libertés locales auxquels nous restons attachés et qui permettent la mise en œuvre du principe constitutionnel de subsidiarité.

L’heure n’est pas pour nous à la caporalisation de l’action locale !

Nos institutions doivent au contraire travailler ensemble, se coordonner, coopérer en réseau, en partenariat, en respectant la place et le rôle de chacun, dans le cadre de projets d’actions publiques partagées, pour décupler leurs capacités d’action et ainsi mieux répondre aux besoins et aux attentes de la population.

C’est forts de cette vision de nos institutions locales et de leur nécessaire évolution que nous avons défendu un grand nombre d’amendements et en avons soutenu certains venant d’autres travées de notre assemblée.

Aucun jeu politicien, aucun souci de marchandage ne nous ont animés au cours de ces débats. C’est une certaine idée de notre organisation territoriale que nous avons tenté de défendre et de préserver. Et nous savons qu’elle est partagée par bon nombre de nos concitoyens et par une majorité d’élus locaux, quand on les écoute vraiment.

À cet égard, nous n’avons aucune illusion sur certaines majorités qui se sont parfois retrouvées dans cet hémicycle pour défendre les prérogatives de telle ou telle collectivité. Certaines sont de circonstances, prenant en compte les mécontentements qui s’expriment.

Quant à nous, nous n’oublions pas qui est à l’origine de l’intercommunalité contrainte, qui a soutenu une réduction bien plus grande encore du nombre de régions, qui voulait la disparition des départements par leur fusion au sein des régions, qui voulait le conseiller territorial, qui a souhaité réduire le nombre d’élus locaux, y compris les conseillers municipaux.

Pour notre part, nous avons toujours combattu de telles orientations et poursuivrons sans relâche notre action parlementaire aux côtés des élus locaux, en faveur d’une décentralisation au service de nos concitoyens et du renforcement de notre démocratie locale.

Cela dit, le résultat de nos travaux est là : les propositions du Gouvernement sur un certain nombre d’articles ont été rejetées, et nous nous en félicitons. Ainsi les départements ont-ils recouvré leurs compétences alors que le texte initial prévoyait de les dévitaliser afin de mieux les faire disparaître.

Pour autant, les départements sont-ils à l’abri ? Malheureusement, nous ne le pensons pas.

Certes, des paroles rassurantes ont été prononcées, donnant à penser que la disparition des départements n’était plus à l’ordre du jour.

Cependant, madame la ministre, le dépôt par le Gouvernement d’amendements visant à rétablir le texte initial, que la commission avait modifié à une très large majorité, a pu laisser penser le contraire.

En outre, les derniers propos du Président de la République ont laissé craindre le retour à l’ordre du jour de cette question une fois les élections départementales passées. La mobilisation ne doit donc pas faiblir.

Du fait de la création des super-régions, jamais l’utilité du département comme échelon intermédiaire efficace et réactif n’a été aussi évidente.

Le texte tel qu’il résulte des travaux du Sénat marque quelques avancées sur d’autres sujets, sans toutefois, reconnaissons-le, parvenir à remettre en cause la machine infernale de la concentration et à enrayer la volonté affirmée de réduction permanente des dépenses, laquelle est devenue l’alpha et l’oméga de toutes les réformes de nos collectivités territoriales. Pourtant, l’austérité sans limite imposée à la Grèce devrait faire réfléchir chacune et chacun.

C’est particulièrement vrai pour la métropole du Grand Paris. Certes, dans sa nouvelle rédaction, le texte prend en compte un certain nombre de demandes des maires de ce territoire, mais il ne leur donne toujours pas de réelles capacités d’action en commun, au plus près des besoins. En outre, le texte garde l’objectif d’une métropole fortement intégrée, au risque de créer un monstre bureaucratique et technocratique très éloigné des populations, coupé des dynamiques territoriales, surtout.

Aussi, tout en appréciant la richesse de nos débats, nous mesurons les limites de l’exercice.

L’essentiel des objectifs du projet de loi subsistent dans le texte du sénat. Au nom de la clarification, c’est d’abord une réduction inquiétante de l’action publique locale qui s’annonce. Nos inquiétudes concernant l’avenir des personnels restent donc aussi fortes.

Chacun l’aura compris, nous ne nous reconnaissons pas dans le texte qui nous est aujourd’hui soumis.

Cependant, madame la ministre, compte tenu de l’opiniâtreté avec laquelle vous avez tenté de rétablir le projet de loi dans sa version initiale et avec laquelle vous avez défendu, pied à pied, la disparition future des départements, nous ne souhaitons pas voter contre un texte rétablissant à leur profit un grand nombre des compétences que vous souhaitiez leur ôter, en particulier les collèges et les routes.

Pour notre part, nous prenons en compte la réécriture du texte et les évolutions, insuffisantes mais significatives, concernant la création de la métropole du Grand Paris. Certes, nous regrettons que la demande très majoritaire des élus de donner aux territoires de la métropole un statut d’EPCI à fiscalité propre n’ait pas été retenue, mais nous apprécions certaines avancées votées par notre assemblée, comme la suppression du PLU métropolitain ou l’attribution de la contribution foncière des entreprises aux territoires.

Nous comptons sur la navette parlementaire pour améliorer encore ce texte.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Christian Favier. Aussi le groupe CRC s’abstiendra-t-il sur ce texte. Il s’agira d’une abstention combative et vigilante. Nous souhaitons ainsi, en nous appuyant sur le texte du Sénat, que les préoccupations qui se sont exprimées au cours de nos débats soient entendues par nos collègues de l’Assemblée nationale et que d’autres avancées soient possibles.

Cette abstention combative est aussi une forme de soutien aux mécontentements qui s’expriment sur ce texte. Les premières mobilisations ont déjà permis de ne pas tuer les départements et les communes. Il faut donc amplifier le mouvement. Rien n’est inéluctable. Telle est notre conviction !

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