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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Ce nouveau droit est une chausse-trappe très difficile à mettre en oeuvre

Cinquième alinéa de l’article 13 -

Par / 17 décembre 2019

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avant d’évoquer le contenu du projet de loi ordinaire et du projet de loi organique, je tiens à rappeler que notre groupe est opposé à l’article 13 de la Constitution dans sa rédaction actuelle.

Cet article, qui est issu de la révision constitutionnelle de 2008, organise le contrôle du Parlement sur certaines nominations du Président de la République ; au total, 54 postes sont concernés. Il conviendrait plutôt de dire en fait qu’il organise le non-contrôle ou le laisser-faire, tant les conditions permettant au Parlement de s’opposer éventuellement à une nomination sont dissuasives. En effet, à l’instar du référendum d’initiative populaire, également instauré en 2008, ce nouveau droit est extrêmement difficile à mettre en œuvre, tant il comporte de chausse-trapes.

Je rappelle, mes chers collègues, que le texte initial ayant abouti à la révision de 2008 était plus intéressant d’un point de vue démocratique. L’article 4 du projet de loi constitutionnelle n° 820 indiquait : « Le pouvoir de nomination du Président de la République s’exerce après avis d’une commission constituée de membres des deux assemblées du Parlement ».

La version finale de l’article 13 est bien différente, il faut le rappeler, afin de bien mettre en évidence le contresens démocratique : « Le pouvoir de nomination du Président de la République s’exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. » À ce stade, il ne s’agit que d’un simple avis, nullement impératif.

L’article prévoit ensuite : « Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l’addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions ».

Pour obtenir le rejet d’une nomination, les votes négatifs doivent représenter trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions des deux assemblées. Cette majorité qualifiée rend de toute évidence une telle issue impossible, ou presque, car elle contraint la majorité et l’opposition à être d’accord.

Si l’inverse était vrai, si une majorité des trois cinquièmes était requise pour qu’une nomination soit approuvée, un véritable consensus serait alors exigé et l’opposition aurait un réel pouvoir de contrôle. Nous avions, comme d’autres, proposé un tel dispositif en 2008, mais il a été refusé.

Ce rappel était nécessaire pour souligner l’inanité de l’exercice législatif que le Gouvernement nous propose aujourd’hui.

Peut-on cautionner plus longtemps un tel dispositif, qui, de fait, permet au chef de l’État d’avoir quasiment les mains libres en matière de nomination ? Nous ne le pensons pas.

Un véritable pouvoir de contrôle, assorti de moyens d’influer sur la réalité et d’une véritable transparence, est devenu un impératif démocratique, tant la critique contre les institutions devient forte, comme nous pouvons le noter à l’occasion de la désastreuse affaire Delevoye.

Comment ne pas faire le lien entre ces remarques et la légèreté, pour ne pas dire le peu de respect, qui conduit le Gouvernement à proposer d’adapter la liste prévue par la loi organique, afin de prendre en compte la nouvelle gouvernance de la SNCF à la suite de la modification de ses statuts ? En effet, cela a été dit, cette nouvelle gouvernance est prévue dans une ordonnance, laquelle n’a pas encore été ratifiée.

M. Mandelli, rapporteur pour avis, l’a indiqué clairement en commission : « Les dispositions relatives à la nouvelle gouvernance du groupe ont été précisées dans une ordonnance de juin 2019, qui n’a pas été ratifiée par le Parlement et qui fait par ailleurs l’objet de nombreuses réserves. Je constate donc qu’il nous est aujourd’hui demandé de nous prononcer sur des textes entérinant des choix sur lesquels nous n’avons pas eu l’occasion de débattre ».

Si cette remarque est judicieuse, je rappellerai néanmoins que nous sommes bien souvent seuls sur les travées du groupe CRCE à contester la multiplication du recours à la pratique des ordonnances !

Je partage le souhait des deux commissions d’adapter le contrôle de la gouvernance de la SNCF. Je m’interroge toutefois sur vos motivations profondes, mes chers collègues, car l’un de vos premiers soucis semble être d’écarter toute gêne dans la mise en œuvre de la politique d’ouverture à la concurrence.

Cette remarque vaut également pour la Hadopi. Dans ce cas également, on nous propose de légiférer alors qu’un texte est en cours d’élaboration. La virtualité devient une composante de notre travail de législateur !

Enfin, nous comprenons qu’il soit logique de ne plus contrôler la gouvernance de la Française des jeux, qui vient d’être privatisée. Toutefois, monsieur le secrétaire d’État, l’État étant appelé à jouer un rôle important dans l’organisation de la Française des jeux, n’était-il pas justifié de conserver un contrôle sur sa gouvernance ?

Quel symbole tout de même ! Cette disposition montre bien le dessaisissement de la Nation. Le Parlement ne contrôlera plus la nomination des dirigeants de la FDJ. Le marché s’en chargera bien évidemment, avec ses propres objectifs.

Ces projets de loi organique et ordinaire sont donc loin d’être anecdotiques. Ils sont dans l’air du temps – un air assez mauvais. L’heure est à la mise à l’écart du Parlement, à une présidence de la République toute puissante, à un marché profitant à plein régime de ces défaillances démocratiques.

Pour toutes ces raisons, malgré tel ou tel aménagement proposé par les commissions, qui peut avoir son utilité, nous en sommes conscients, nous voterons contre ces projets de loi, sur leur principe, lequel sera, à n’en pas douter, clairement réaffirmé par l’Assemblée nationale.

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