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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Ce texte permet aux services de renseignement d’espionner le reste du monde en s’affranchissant de pratiquement tout contrôle

Surveillance des communications électroniques internationales (conclusions de la CMP) -

Par / 5 novembre 2015

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, si la commission mixte paritaire est parvenue à un accord sur ce texte, notre opposition et nos préventions initiales n’en demeurent pas moins, quand bien même le texte final intègre les apports du Sénat qui limitent, de façon tout à fait marginale, la surveillance des communications. Chacun le comprendra, nous considérons que ces aménagements sont bien minces par rapport aux enjeux de ce texte, car celui-ci légalise et organise une surveillance de masse que nous estimons dangereuse pour les libertés fondamentales et individuelles.

Pour l’essentiel, le Premier ministre ne pourrait donc plus déléguer à quiconque les autorisations d’interception sur les réseaux de communications électroniques et la durée de conservation du contenu des communications entre deux identifiants étrangers passerait de douze mois à dix mois, à compter de leur première exploitation.

Les techniques employées et la méthode utilisée, que certains spécialistes des services appellent « pêche au chalut », motivent aussi notre opposition à ce qui nous semble être un changement dans la conception même du recueil de renseignements et de la défense des intérêts de la nation.

Nous reprochons également à ce système de surveillance de ne pas discriminer suffisamment – voire pas du tout ! – ses cibles. J’ajouterai ainsi que, si l’on raisonne en termes d’efficacité de la lutte contre le terrorisme, la collecte massive de données personnelles est tout à fait aléatoire : elle est donc peu fiable et d’une efficacité douteuse dans la lutte contre le terrorisme. Or, vous le savez, les praticiens du renseignement sont nombreux à considérer que, en matière de recueil des données, la clé de la réussite n’est pas dans le volume des informations collectées, mais avant tout dans la capacité d’analyse.

Mme Nathalie Goulet. Tout à fait !

Mme Éliane Assassi. J’estime donc que, de ce point de vue, cette proposition de loi repose sur une autre logique du renseignement et n’augmente en rien nos capacités dans le domaine de l’analyse. Au fond, ce texte permet aux services de renseignement d’espionner le reste du monde en s’affranchissant de pratiquement tout contrôle institutionnel et démocratique, avec une extrême latitude d’action.

C’est la raison pour laquelle, lors de l’examen de cette proposition de loi au Sénat, nous avions déploré qu’aient été repoussés tous les amendements qui auraient permis d’encadrer quelque peu l’action de nos services, notamment ceux tendant à la suppression de l’utilisation d’algorithmes hors de la lutte antiterroriste ou au renforcement de la protection des parlementaires, avocats ou journalistes contre l’utilisation de certaines méthodes.

J’estime, pour ma part, que des pouvoirs trop étendus sont donnés à nos services de renseignement, car ils sont disproportionnés par rapport aux missions qui leur incombent.

Ainsi, en confiant au Premier ministre le pouvoir d’autoriser des interceptions sur ce que l’on appelle des « systèmes » ou des « réseaux » entiers de communications, sans avis préalable de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, ce texte prétend, à tort à mon avis, conférer une légitimité juridique à certaines pratiques de la direction générale de la sécurité extérieure, la DGSE. Celle-ci pourrait, par exemple, contrôler sans entrave les flux de communications qui transitent par les câbles internet sous-marins longeant nos côtes.

En outre, soyons bien conscients que la détection par la méthode algorithmique de ce que l’on appelle « les signaux faibles » n’est déjà plus limitée au seul terrorisme, mais qu’elle s’étend aux « intérêts fondamentaux de la nation » tels qu’ ils ont été définis dans la loi relative au renseignement. Ainsi, le champ d’exploitation des données collectées est quasiment illimité. Il peut viser des « groupes de personnes », des « organisations », ou bien encore des « zones géographiques ». Ce dispositif bénéficiera d’un régime dérogatoire qui diffère du régime applicable à la surveillance exercée sur le territoire national. Seules échapperont à cette « pêche au chalut », les communications entre deux numéros de téléphone, de carte SIM, ou d’adresse IP qui seraient rattachés au territoire national.

Je nuancerai cette appréciation en relevant que, fort heureusement, les communications qui engagent un résident français relèveront d’un régime de conservation et d’exploitation voisin de celui applicable à la surveillance exercée en France
– comme vous le constatez, je peux modérer mes propos ! En revanche, pour toutes les autres communications, le contenu des échanges et les données de connexion seraient conservés beaucoup plus longtemps et ne subiraient qu’un contrôle a posteriori.

À l’heure où les méthodes de collecte de données individuelles des agences de renseignement américaines, en particulier celles de la fameuse NSA, ont fait l’objet de nombreuses critiques, j’ai le sentiment que, avec cette proposition de loi, nous nous acheminons, avec retard et sans disposer de moyens comparables, vers un système de même nature.

En matière de renseignement, tout particulièrement en matière de lutte contre le terrorisme, on ne peut reprocher à notre groupe de faire preuve d’angélisme. Nous sommes lucides, conscients des difficultés que rencontrent nos services pour être efficaces et nous souhaitons réellement qu’ils disposent des moyens qui leur sont nécessaires. Chacun sait ici que j’interviens souvent pour poser la question des moyens qui leur sont attribués et je ne déroge pas à cette habitude aujourd’hui. Cependant, on est en droit d’attendre d’un grand pays démocratique comme le nôtre et de ses élus qu’ils trouvent le bon équilibre entre le respect des libertés publiques et individuelles et les exigences de la sécurité nationale.

Pour justifier ce texte, qu’on ne vienne surtout pas nous dire que, dans la jungle où le renseignement international mène une lutte sans merci, il faudrait faire comme les autres et abandonner toute éthique ! Ce serait, me semble-t-il, une victoire pour nos adversaires si nous défendions notre démocratie et notre régime républicain en sacrifiant nos libertés.

Pour cet ensemble de raisons, le groupe communiste, républicain et citoyen ne peut être favorable à cette proposition de loi.

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