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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Ce texte protège les employeurs et leur patrimoine

Nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées (deuxième lecture) -

Par / 28 avril 2016

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les hasards – ou peut-être les coïncidences – de l’actualité et de l’activité parlementaire font que nous débattons, ce matin, de l’adoption conforme d’un texte modifiant le droit des sociétés, singulièrement le seuil de création des sociétés anonymes, au moment même où des milliers de salariés, d’étudiants, de privés d’emploi, de retraités s’apprêtent à manifester dans les rues des villes de France pour défendre la modernité du code du travail et rejeter le « projet de loi El Khomri », qui consacrerait moult retours en arrière.

Je ne peux que constater que, alors même que le présent texte de loi permet de faciliter la création d’entreprises, tout en préservant, autant que faire se peut, l’intégrité du patrimoine privé des entrepreneurs, nous risquons d’atteindre sous peu un degré supplémentaire en matière de précarité au travail.

Mais revenons rapidement sur les données du texte.

L’article restant en discussion n’appelle pas d’observations critiques particulières, d’autant qu’il ne fait que confirmer une donnée assez évidente, à savoir que les dispositions du projet de loi, qui ratifie lui-même une ordonnance, ne trouvent pas à s’appliquer aux entreprises dont l’État s’avère l’unique actionnaire.

Pour en revenir au fond du débat, nous constatons que nous devrions observer, dès la promulgation du présent texte, un mouvement de « sociétisation » des entreprises et un recul correspondant des exploitations en nom propre, artisanales, industrielles ou commerciales, associé à une certaine rationalisation de l’activité des auto-entrepreneurs.

Cela ne manquera pas d’avoir quelque influence, au moins dans deux domaines.

Le premier effet que nous observerons, c’est que le patrimoine des entrepreneurs sera quelque peu préservé en cas de procédure collective, toute liquidation ou cessation anticipée d’activité ne portant en effet que sur le patrimoine destiné à l’exercice de l’activité commerciale.

Le second processus est plus important. La « sociétisation » fera glisser une bonne part des contribuables physiques soumis à l’impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux dans le régime de l’impôt sur les sociétés.

Au moment même où l’on entend modifier le droit en matière de recouvrement de l’impôt, via la retenue à la source sur les salaires, traitements, pensions et retraites, l’opération est finalement assez astucieuse, puisque le passage de l’impôt sur le revenu à l’impôt sur les sociétés emporte le versement d’acomptes provisionnels, qui pourraient alimenter plus sûrement les caisses de l’État que ne le font des versements tardifs de régularisation de l’impôt...

Nous sommes donc face à un texte « gagnant-gagnant » entre les intérêts de l’État et ceux des entrepreneurs, avec, pour ceux-ci, une plus grande sécurité juridique, qui, dit-on, pourrait raffermir l’esprit d’entreprise.

Mais tout cela, évidemment, nous nous en rendrons compte sur la durée, même si le mouvement naturel de l’économie poussait déjà les entrepreneurs à adopter la forme de la société de capitaux plus que celle de la société de personnes.

Cependant, au-delà de cette sollicitude pour les créateurs d’entreprise, qui pourrait presque donner à quelque cadre expérimenté l’envie de créer une société, avec un risque « calculé », voilà que l’air du temps est à la remise en cause des droits acquis et/ou à développer des salariés.

Par commodité, certains opposent les salariés les uns aux autres, en confrontant, par exemple, fonctionnaires et salariés de droit privé, salariés dits « inclus », travaillant sous contrat à durée indéterminée, et salariés dits « exclus », victimes de la précarité et des contrats à durée déterminée, dans une dualité de plus en plus conflictuelle et soigneusement entretenue par un appareil législatif qui traduit souplesse et flexibilité en précarisation, non-reconnaissance des qualifications et sous-rémunération du travail.

Le présent texte protège l’entrepreneur des conséquences que pourraient entraîner les difficultés de son entreprise sur l’intégrité de sa personne et sur son patrimoine non affecté à l’activité, quand le « projet de loi El Khomri » fait porter le risque industriel sur les salariés, dont le licenciement sera rendu bien plus facile s’il était adopté en l’état.

Il nous semble au contraire qu’il serait bienvenu, en revenant sur la philosophie générale de la réforme du code du travail, telle que définie aujourd’hui, de veiller à donner aux salariés de notre pays la même sécurité que celle que le projet de loi dont nous débattons entend donner aux entrepreneurs.

La compétitivité de l’économie française, si chère à certains, ne peut, à notre avis, se construire sur les ruines de la formation et des qualifications de la main-d’œuvre, aujourd’hui précarisée. Des entrepreneurs audacieux et sereins, des salariés pourvus de droits effectifs, voilà ce qui fera avancer notre économie.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, dans ce contexte, nous ne pourrons, hélas ! que confirmer notre abstention vigilante de première lecture. 

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