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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Un simple ajustement technique, marqué par un manque criant d’ambition

Engagement dans la vie locale -

Par / 8 octobre 2019

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de rapporter une anecdote en préambule. Hier, un réseau social bien connu me rappelait qu’il y a six ans je déclarais au sujet de la loi Maptam que j’arrivais au Sénat pour « la poursuite des débats sur le texte des métropoles. Nous allons continuer à défendre l’idée que l’aménagement des territoires n’est pas la compétitivité entre eux, la suprématie de la métropole sur le reste. Au contraire, pour nous, l’urbain et le rural se complètent, l’État doit affirmer la solidarité entre les territoires tout en valorisant leurs atouts respectifs. »

Madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, où en sommes-nous aujourd’hui ? Après la loi Maptam, la loi NOTRe a également été votée. Elles ont entraîné une réorganisation de nos territoires, aggravant la situation que nous vivions dans notre pays précédemment.

Nous avons donc le choix : nous pouvons mettre des pansements sur des plaies ouvertes et non refermées depuis plusieurs années, ou au contraire nous attaquer réellement à la problématique de l’engagement dans la vie locale et la proximité de l’action publique, comme le titre de votre projet de loi nous y invite, monsieur le ministre.

Ce texte n’arrive pas au hasard. Il arrive en effet en milieu de quinquennat, après deux ans et demi de rapports que l’on peut qualifier de compliqués, parfois même conflictuels, entre le Président de la République, son gouvernement et les élus locaux.

Il arrive également à un moment de crispation au sein de la société, après la crise des « gilets jaunes » et le grand débat qui a suivi, et qui, au vu des décisions prises et annoncées, a fait pschitt !

Une fois de plus, et comme pour le grand débat, ce texte arrive à grands coups de communication. Pourtant, faut-il le rappeler, c’est un texte attendu par les élus et dont nous attendons tous des outils qui viennent en renfort de ces derniers.

Le contexte doit être pris en compte, car nous avons connu ces derniers mois, voire ces dernières semaines, des épisodes d’agressions successives – je pense particulièrement à deux d’entre eux qui ont eu lieu dans mon département – et même un décès, avec la tragédie qui a touché la commune de Signes et son maire Jean-Mathieu Michel.

Tous ces événements viennent donc inévitablement poser la question de la place de l’élu dans notre société, mais aussi des moyens que cette société lui donne dans l’exercice de son mandat. Ce point est très important, car il est un enjeu de la démocratie locale : il nous faut redonner du sens à l’action publique des élus envers les citoyens et les administrés.

Le désengagement citoyen face à la perte d’engouement pour la participation politique n’est pas nouveau. L’abstentionnisme existait, mais il se renforce élection après élection. Les maires qui ne souhaitent pas renouveler leur mandat sont de plus en plus nombreux, d’où la nécessité de redonner du sens à cet engagement.

Malgré les effets d’annonce, le texte initial qui devait être un grand projet de loi devient un simple ajustement technique où persiste à nos yeux un manque criant d’ambition. Le texte manque d’envergure : il répond certes à des problèmes particuliers, mais il ne répond pas globalement à la problématique de l’engagement des élus et de la population dans notre pays.

Monsieur le ministre, vous l’avez vous-même rappelé dans vos propos : pas de big-bang ni de grand soir. Mais d’ailleurs, en faudrait-il ? Sur ce sujet comme sur d’autres, l’histoire nous a démontré certainement qu’il ne le fallait pas.

À la lecture précise de votre texte, il n’y a que parcimonie, des avancées timides qui soulignent des problèmes criants sans les résoudre réellement et surtout dans la durée.

Vous nous direz que tout ne relève pas de ce projet de loi et vous aurez raison. Vous nous direz d’ailleurs que de nombreux points évoqués seront traités plus tard, dans d’autres textes, que tel ou tel point relève du débat budgétaire. En bref, de vous-même, vous nous ferez comprendre que vous êtes loin de répondre aux attentes et d’apporter les solutions.

Le texte aura alors suscité plus d’espoir que de résultats. Pourtant, vous n’êtes pas sans savoir qu’en politique susciter de l’espoir et ne pas y répondre est souvent dangereux.

Alors d’ores et déjà, sachez que nous serons vigilants sur le projet de loi de finances, sur le futur projet de loi dit « 3D » que vous annoncez, madame la ministre, en espérant que nous ayons les bonnes lunettes pour pouvoir bien le lire, qui concernera la décentralisation, la différenciation et la déconcentration.

Monsieur le ministre, puisque vous considérez vous-même ce projet de loi comme le premier d’une série, permettez-moi de vous dire qu’il manque un véritable point de départ : quel bilan faites-vous de la décentralisation ? Où se trouve cet état des lieux ? Nous en débattrons très rapidement, puisque l’un de nos premiers amendements porte sur ce sujet.

Vous entendez traiter des conséquences sans même vous attaquer aux causes des problèmes ni revenir à la source des effets néfastes que vous semblez pourtant remarquer. Si l’ambition affichée est réelle, il faut savoir dresser un bilan et en tirer les conséquences. Sans cela, il n’y aura ni rupture ni réorientation.

Pour autant, il faut l’admettre, ce projet de loi marque un vrai coup d’arrêt à la politique des gouvernements successifs qui, avec les lois RCT, Maptam et NOTRe, ces trois sigles ayant, en leur temps, suscité colère et désespoir.

Ces lois ont plongé notre organisation territoriale dans de l’obligatoire et de l’injonction. On est bien loin du principe de libre administration des collectivités territoriales.

Je veux dire ici que la mobilisation des élus et les remarques que certains groupes, dont le nôtre, ont formulées, ici et ailleurs, sont enfin en partie entendues. Pour la première fois en dix ans, on ne cherche plus à faire grossir les EPCI et à retirer des compétences aux communes.

Toutefois, un peu comme si nous étions toujours dans l’« ancien monde », il nous faut hélas nous dépatouiller avec des monstres qu’une partie de cet hémicycle a contribué à engendrer. Rassurez-vous, mes chers collègues, l’heure n’est pas et ne sera pas aux règlements de compte !

Cela étant, faire de la politique, c’est un peu comme un récit de la mythologie grecque : il convient parfois de rappeler que ce sont toujours les choix des hommes qui décident du présent et de l’avenir. Ce que nous ferons ou ce que nous ne ferons pas sera décisif pour l’organisation territoriale de notre pays et la satisfaction des besoins des populations. Ce texte peut être l’occasion de montrer ce que nous sommes capables de faire réellement pour les communes, les citoyens et les citoyennes.

Voyez-vous, monsieur le ministre, il n’y aura pas de posture de notre part. Cela étant, dans votre intervention, vous avez cité des sénateurs issus de six groupes politiques différents. Or je vous rappelle qu’il y a sept groupes constitués dans cet hémicycle et qu’il faut éviter d’en rejeter certains. Comme je ne crois pas au hasard en politique, je me permets de vous l’indiquer. (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRCE.)

Je voudrais par ailleurs saluer le travail des deux rapporteurs de la commission des lois, laquelle a enrichi le texte, même si, sur certains aspects, nous pouvons – nous en sommes convaincus – aller plus loin encore. Je me garderai bien, évidemment, de prendre un ton professoral à cette tribune et dirai simplement : « De bons efforts à poursuivre et à concrétiser ! »

Pour finir, je veux revenir sur le fait que la presse s’est parfois polarisée ces derniers jours, à l’évocation de ce texte, sur les agressions de maires – loin de moi l’idée d’en minimiser l’importance – et les indemnités des élus. Je tiens à réaffirmer ici que le fait de s’attaquer aux élus revient à s’attaquer à la démocratie, et que la démocratie a un coût, si l’étymologie de ce mot a réellement un sens. Si l’on souhaite que le pouvoir du peuple s’exerce, il faut trouver les moyens juridiques et financiers permettant à tout un chacun d’exercer ce beau mandat d’élu local.

Ce texte doit répondre aux enjeux de notre pays : parvenir à une organisation territoriale équilibrée, renforcer le pouvoir du maire en vue d’une meilleure reconnaissance, accroître les droits des élus pour que tout citoyen puisse le devenir. Dire cela, c’est évidemment parler de République, de démocratie, et des besoins des populations et des territoires.

De fait, ce projet de loi ne peut pas être un texte à la petite semaine. Oui, la crise de l’engagement est manifeste dans la vie de nos communes. Elle l’est aussi, comme vous l’avez rappelé, à la mairie, dans les associations ou la vie syndicale.

Mais comment voulez-vous que les gens s’engagent, madame, monsieur les ministres, alors que les budgets diminuent année après année ? D’ailleurs, vous prévoyez un nouveau gel des dotations, puisque la solidarité entre les communes s’exercera au sein de l’enveloppe globale dédiée aux collectivités territoriales, et que l’État ne participe plus aux efforts de solidarité financière entre collectivités.

Mme Éliane Assassi. Très juste !

M. Jean-Marc Boyer. C’est vrai !

Mme Cécile Cukierman. Année après année, vous avez retiré des compétences aux communes. Année après année, la présence des services publics et de l’État a été réduite comme une peau de chagrin dans les territoires. Et ce ne sont pas les maisons France services que vous annoncez qui viendront redonner du service public pour nos concitoyens, une présence de l’État pour accompagner les élus dans la réalisation de leurs projets.

Finalement, cette situation incite de plus en plus souvent les élus à faire appel à des consultants privés. Chaque semaine, en inaugurant telle ou telle réalisation, nous mesurons bien ce que le recours à de tels cabinets coûte à la collectivité.

Comment s’engager quand il n’y a plus les moyens de porter des projets, le sentiment que tout se complexifie, que la proximité fait place aux grands EPCI et aux grandes régions ? Comment, dès lors, répondre aux besoins des populations ?

La crise est là et appelle des réponses publiques et politiques. Nous n’aurons peut-être pas les mêmes idées ou les mêmes réponses, mais telle est la démocratie. Débattons de ce texte en sortant de l’incantation et des postures. Sachons revitaliser l’échelon communal et retisser le lien entre nos concitoyens et les élus. Telle doit être notre seule ligne directrice. Notre vote dépendra bien évidemment de nos débats.

À nos yeux, ces quinze jours de discussions, loin de favoriser l’entre-soi, doivent être au service des femmes et des hommes de nos communes, départements et régions dans leurs diversités.

Ces diversités sont une chance : sachons incarner l’assemblée qui les fédère et qui ne les oppose pas. Évitons les clivages et les postures caricaturales entre campagne et ville. Évitons de creuser davantage l’écart entre communautés de communes et communautés d’agglomération, d’un côté, communautés urbaines et métropoles, de l’autre. En effet, le seul clivage réel, le seul fossé qui existe dans notre société est celui qui se creuse jour après le jour entre élus et citoyens.

Ce texte ne doit pas être envisagé comme un texte pour les élus, mais comme un texte pour les citoyens, qui doivent retrouver le goût de l’engagement, la confiance en leurs élus et la proximité de leur commune et des services publics. Sachons redonner du sens à la politique !

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