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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Cessez de répondre aux craintes légitimes de l’opinion publique à coups de lois antiterroristes inefficaces

Lutte antiterroriste -

Par / 2 février 2016

Monsieur le président, monsieur le garde des Sceaux, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, après les nombreux textes de ces dernières années sur le sujet, et avant le projet gouvernemental de réforme de la procédure pénale, voici donc la proposition de loi sénatoriale tendant à renforcer l’efficacité de la lutte antiterroriste.

Comme M. le garde des Sceaux, que je salue au nom de mon groupe pour sa nomination à cette haute fonction, l’a précédemment signalé, nous sommes toutes et tous, ici et ailleurs, déterminés à lutter contre le terrorisme.

Mais, pour notre part, nous nous interrogeons, notamment sur l’opportunité de cette proposition de loi, et ce d’autant qu’elle comporte des articles similaires, voire identiques au projet de loi à venir sur la procédure pénale.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Nous ne pouvions pas le savoir à l’époque !

Mme Éliane Assassi. Bien sûr, monsieur le président !

Les attaques lâches et brutales ayant frappé Paris et le département de Seine-Saint-Denis le 13 novembre 2015 imposent une réponse déterminée et sans faille de la puissance publique.

Les craintes de nos concitoyens sont bien légitimes, d’autant plus que la menace n’a pas baissé d’intensité, comme a pu le vérifier le comité de suivi de l’état d’urgence de notre commission des lois, présidé par M. Michel Mercier.

Rappelons que le terrorisme consiste à employer la violence la plus inouïe à des fins politiques, pour déstabiliser et frapper massivement l’opinion publique et les États concernés. « Les terroristes nous tendent un piège politique », pour reprendre la formule de l’ancien garde des Sceaux, Robert Badinter, qui soulignait par ailleurs que « ce n’est pas par des lois d’exception et des juridictions d’exception qu’on défend la liberté contre ses ennemis. »

En s’articulant autour des trois grandes phases du processus judiciaire – l’enquête ou l’instruction, la phase de jugement et l’exécution de la peine –, cette proposition de loi s’attelle à modifier le cadre des enquêtes préliminaires et de flagrance en matière de terrorisme.

Il est ainsi question, par exemple, d’aligner la procédure de perquisition dans les locaux d’habitation sur celle de l’enquête de flagrance afin, nous dit-on, de permettre la réalisation de la perquisition sans l’accord et en l’absence de l’occupant. Plusieurs articles tendent également à élargir la gamme des technologies auxquelles les enquêteurs pourraient avoir recours en matière de terrorisme. En clair, il s’agit d’étendre les dispositifs qu’utilisent les services de renseignement aux services judiciaires – mais avec un encadrement moindre, et sans aucun retour d’expérience !

Il est par ailleurs prévu que le juge des libertés et de la détention puisse autoriser, par courrier électronique, la réalisation d’une perquisition en dehors des horaires de droit commun, soit avant six heures et après vingt et une heures. Il s’agit donc d’aller vite, très vite – je dirais même : trop vite !

En matière de répression, trois nouvelles infractions sont créées, dont le délit de consultation habituelle de sites terroristes – mais la question se pose : à partir de quel seuil glisserons-nous de la visite accidentelle à la visite habituelle ? – ou encore le délit de séjour intentionnel sur un théâtre étranger d’opérations terroristes. Pour cette dernière infraction, il convient de préciser que le seul séjour suffit à caractériser le délit sans qu’il soit nécessaire de démontrer la réalisation ou la prévision d’une entreprise terroriste.

M. Roger Karoutchi. Quand on va à Raqqa…

Mme Éliane Assassi. M. le rapporteur, qui en est cosignataire, n’a évidemment pas douté de l’utilité de ce texte, tout en soulignant paradoxalement que « l’arsenal législatif antiterroriste avait été assez régulièrement complété au cours des dix dernières années » ! Nous y reviendrons dans le débat.

Cette proposition de loi, d’affichage et de surenchère à mon sens (Oh ! sur les travées du groupe Les Républicains.), présente, sous couvert de renforcer les pouvoirs de la justice – contre ceux de la police que veut renforcer le Gouvernement –, des mesures très préoccupantes en matière de droit pénal. Ses auteurs nous proposent, en intégrant cette proposition de loi dans l’ensemble des lois antiterroristes déjà en vigueur et de celles à venir, un projet de société aussi déplorable que voué à l’échec.

Bien évidemment, face aux atrocités commises en 2015, il est nécessaire d’agir, mais d’agir réellement, en cessant de répondre aux craintes légitimes de l’opinion publique à coups de lois antiterroristes inefficaces.

Nous devrions, au contraire, nous employer à réfléchir par exemple à une action internationale efficace – on n’en parle pas –, la seule à même de s’attaquer aux racines mondiales du terrorisme.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. D’accord !

Mme Éliane Assassi. Nous regrettons d’ailleurs que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ne trouve pas opportun de s’emparer de cette question.

L’aspect géopolitique est primordial. D’ailleurs, pourquoi le sujet du financement de Daech est-il si peu soulevé ?

M. Roger Karoutchi. Ça, c’est vrai !

Mme Éliane Assassi. Cessons cette hypocrisie : la porosité d’un tel texte face à l’ampleur du problème international et déterritorialisé est indéniable. Seule la paix, mes chers collègues, pourra garantir la sérénité des peuples ici et là-bas !

L’arsenal législatif, les murs, les barbelés n’empêcheront pas la violence de prospérer. Il faut désarmer les fous de Dieu, les djihadistes. Cessons, par exemple, de faire preuve de complaisance envers les pays du Golfe qui soufflent encore sur les braises.

Mme Nathalie Goulet. Oh !

Mme Éliane Assassi. Cessons de faire preuve de complaisance avec la Turquie, si complaisante elle-même avec Daech, au nom de la lutte contre les Kurdes.

M. François Grosdidier. On ne peut pas faire la guerre à tout le monde !

Mme Éliane Assassi. D’un point de vue national, attelons-nous à l’urgence sociale, la seule qui vaille comme réponse au désœuvrement de beaucoup, et notamment de nos jeunes, à l’égard desquels les auteurs de cette proposition de loi ne réfléchissent qu’à la durée d’emprisonnement possible !

Les sénateurs et sénatrices communistes, républicains et citoyens sont convaincus de la suprématie des mesures sociales, préventives, éducatives, face au tout-répressif, à la surenchère carcérale, qui conduit d’ailleurs l’administration pénitentiaire à des pratiques indignes de notre République, comme l’a révélé un hebdomadaire au sujet de la prison de Nanterre, il y a quelques jours.

Internet est souvent évoqué, mais l’essentiel n’est-il pas d’éduquer, d’instruire, de cultiver, pour que la tentation de l’extrémisme ne gagne pas des jeunes exclus en quête d’idéal, même mortifère ? Oui, il y a un terreau, n’en déplaise à M. Valls, et il faut semer aujourd’hui des graines d’espoir et de paix.

Finalement, ce texte, doublé de la réforme pénale, permettra au Gouvernement de ne plus avoir recours à l’état d’urgence, celui-ci s’instaurant de fait dans le droit commun. C’est d’ailleurs ce que vous soulignez dans votre rapport, monsieur Mercier : « Notre objectif est que les procédures de droit commun, hors état d’urgence, soient efficaces. »

Mais notre droit commun est déjà suffisamment en pointe en matière de répression du terrorisme. Nous aurons l’occasion d’y revenir dès la semaine prochaine. En attendant, vous l’aurez compris, les sénatrices et sénateurs communistes ne voteront pas ce texte.

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