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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Cette révision constitutionnelle n’apporte aucune protection à nos concitoyens

Projet de loi constitutionnelle de protection de la Nation (question préalable) -

Par / 16 mars 2016

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, si le groupe CRC vous demande aujourd’hui de voter la motion tendant à opposer la question préalable qu’il a déposée, c’est parce qu’il est grand temps de mettre un terme à ce sinistre débat sur la révision constitutionnelle qui n’a cessé, depuis quatre mois, d’abîmer la France et l’unité des Français.

Quatre mois perdus à tenter de justifier un projet de révision constitutionnelle…

M. Jean-Pierre Leleux. Ce n’est pas faux !

M. Pierre Laurent. … dont l’efficacité face aux menaces terroristes n’a cessé d’être contestée par les voix les plus illustres et les plus diverses, et dont la dangerosité pour nos libertés fondamentales a été amplement démontrée.

Quatre mois au cours desquels la Commission nationale consultative des droits de l’homme, qui s’est autosaisie du projet de révision constitutionnelle puisque le Gouvernement n’avait pas daigné l’en saisir, a rendu le 18 février dernier un avis unanime pour recommander « l’abandon pur et simple de la révision constitutionnelle ».

Cet abandon, nous vous demandons aujourd’hui de le voter pour sauver l’honneur de la République, mes chers collègues. N’oublions pas l’appel de Mme la garde des sceaux Christiane Taubira (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) à propos de la déchéance : « Souhaitons que la gauche n’ait pas à assumer d’avoir inscrit dans la Constitution une marque pareille. »

Quatre mois qui n’ont servi qu’à une chose : élargir le champ de manœuvres propice à toutes les confusions, tous les amalgames sur la nature des menaces et les moyens de les combattre, laissant toujours plus de place aux discours de haine.

Oui, mes chers collègues, revenons au plus vite au seul débat qui vaille : comment protéger les Français face aux menaces qui ont frappé notre pays en 2015 ? Comment agir dans le monde pour stopper l’engrenage des guerres qui nourrissent les logiques assassines ? Et stoppons cette machine à broyer nos principes de liberté, d’égalité et de fraternité que constituent la constitutionnalisation de l’état d’urgence et la déchéance de la nationalité !

Souvenons-nous des propos déjà prononcés par Marine Le Pen après les attaques perpétrées par Mohamed Merah : « Combien de Mohamed Merah dans les bateaux, les avions, qui chaque jour arrivent en France remplis d’immigrés ? » ; « Combien de Mohamed Merah parmi les enfants de ces immigrés non assimilés ? »

Ici même, mon collègue et ami Jack Ralite lui répondait par ces mots : « La peur s’est installée, ou plutôt a été installée. Comme le disait Franklin Roosevelt […] : "la seule chose dont nous devons avoir peur, c’est de la peur elle-même." »

Ne cédons pas à l’idéologie de la peur et revenons au débat pour la protection de nos droits indissociables à la sûreté et à la liberté. Oui, ne cédons pas à la peur et à la haine qui viennent de brunir les urnes en Allemagne ou, plus près de nous, dans les travées d’un amphithéâtre de l’université Paris-Dauphine, qui ont libéré lundi soir un flot nauséabond fait d’amalgames et de rejets parce que la maire de Paris ose vouloir installer dans cet arrondissement de 170 000 habitants un centre d’hébergement d’urgence pour 200 personnes, le seul qui existerait dans cet arrondissement ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)

Oui, sortons au plus vite de ces dangereux chemins de traverse qui vous conduisent à vous disputer sur cette lugubre alternative : la déchéance pour tous, qui ouvre la voie à l’apatridie, ou la déchéance raciste pour les seuls binationaux.

L’année 2015 a été terrible pour la France. Nous avons subi des attaques terroristes meurtrières. Nous avons tous perdu un ami, un proche, une connaissance. Nous sommes tous concernés.

Ces attaques frappent beaucoup d’autres pays, et nous pensons à toutes les victimes à travers le monde. Mais nous pensons plus que jamais que le projet de révision constitutionnelle ne constitue en rien, bien au contraire, la réponse adaptée.

Avec l’inscription de l’état d’urgence dans la Constitution, en plus de l’article 16 et des dispositions de l’article 36 sur l’état de siège, la France serait l’un des seuls pays à étendre à ce point les pouvoirs exceptionnels du Président de la République, l’un des seuls dont la Constitution inclurait trois régimes d’exception dérogatoires aux libertés fondamentales.

Ce qui est visé, quoi que vous en disiez, c’est bien le recours possible à un état d’urgence permanent. Le vote de la loi relative au renseignement, la révision avancée du code de procédure pénale, la révision de notre doctrine d’emploi des forces armées sur le territoire national, confirmée ici même hier par le ministre de la défense, complètent la mise en place d’une nouvelle doctrine sécuritaire qui dessine un Patriot Act à la française, à l’opposé des assurances que vous donniez à la représentation nationale au lendemain des attentats de Charlie Hebdo. Vous vous êtes ralliés à ce que vous assuriez refuser.

La constitutionnalisation envisagée n’est pas la sécurisation juridique que vous prétendez. Elle consacre le recul des protections judiciaires de nos libertés, comme l’ont noté de nombreux magistrats et spécialistes de notre droit.

De ce point de vue, l’évolution des dispositions prévues sur la déchéance de nationalité nous inquiète au plus haut point. Outre leur caractère évidemment totalement inefficace en matière de lutte contre le terrorisme, elles entachent gravement notre loi fondamentale.

Alors que les dispositions légales relatives à la nationalité ne figurent pas dans la Constitution et relèvent toutes des articles 17 à 33 du code civil, qui précisent les différentes façons d’accéder à la nationalité française, de la perdre ou d’en être déchu, la nationalité entrerait donc dans la Constitution par la porte de sortie honteuse de la déchéance. Quel triste symbole pour tous ceux qui aiment la France ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Quant à étendre la possibilité de déchéance à un délit « constituant une atteinte grave à la vie de la Nation », l’historien Patrick Weil a donné l’alerte à plusieurs reprises : « Étendre une sanction aussi grave à de simples délits, catégorie la plus vaste de notre droit pénal qui englobe notamment les délits d’opinion, c’est ouvrir la porte à ce qu’un jour, pour des raisons d’opinion politique, syndicale ou de divergence d’idées avec un pouvoir autoritaire, un Français puisse être déchu de sa nationalité. »

Quant à la déchéance pour les seuls binationaux, elle est indigne. Elle n’est que le masque d’un discours xénophobe, maniant l’amalgame entre terroriste et musulman.

N’oublions pas les paroles de Kateb Yacine : « À force de parler de Mohamed qui fut prophète, on oublie le Mohamed chômeur, le Mohamed sans logement, le Mohamed sans abri, le Mohamed sans travail…

M. Bruno Sido. Ce n’est pas vrai !

Mme Éliane Assassi. C’est le poète qui le dit !

M. Pierre Laurent. … et des milliers de Mohamed qui vivent comme des esclaves sous des régimes qui se réclament du prophète Mohamed. »

Mme Éliane Assassi. Eh oui !

M. Pierre Laurent. Au lieu d’alimenter la chronique haineuse des boucs émissaires, parlons plutôt des moyens humains à donner au service public de protection des Français, et non des 300 000 emplois dans la fonction publique qu’il faudrait à nouveau supprimer. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Parlons plutôt de nos responsabilités dans la recherche de la paix.

Parlons plutôt, comme vient de le faire Daniel Pennac « des victimes de guerre ». Je le cite : « D’hommes et de femmes, d’enfants, qu’on bombarde, qu’on fusille, qu’on torture, qu’on terrorise, qu’on affame, dont on a détruit les villes, dont on a brûlé les maisons, qui ont déjà perdu un père, un frère, des parents, des amis. Nous devons parler des rescapés qui fuient sur des routes qui ne sont même plus des routes, pour sauver leurs vies qui ne sont presque plus des vies. Ce sont de ces gens-là que nous devons parler, n’est-ce pas ? De ces gens dont nous pourrions faire partie, qui pourraient être moi, toi, vous.

« Nous.

« Mais qui sont eux. » « Eux », dans le discours de bien trop de responsables politiques de notre pays ! (Mêmes mouvements.)

Que fait la France dans l’Union européenne face à la crise humanitaire sans précédent ? Le Liban, la Jordanie, la Turquie, la Grèce, l’Allemagne déploient des moyens sans commune mesure avec les nôtres pour accueillir des millions de réfugiés. Que fait la France ? Où est notre voix ?

Permettez-moi pour conclure de citer le poète palestinien Ashraf Fayad, mis à l’honneur à Paris ces jours-ci, en ce printemps des poètes :

« On dit que tu as bon espoir

« de réussir à voler

« et de défier le trône

« D’abroger les ablutions de la nuée »

Oui, pour que les nuées se dispersent à jamais, nous serions bien inspirés d’écouter la voix d’Ashraf Fayad, dont la peine vient d’être commuée, en Arabie Saoudite, d’une condamnation à mort en une peine de huit ans de prison et de 800 coups de fouet pour « apostasie », plutôt que celle du prince saoudien récemment décoré à Paris. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas nous…

M. Pierre Laurent. Oui, nous avons bon espoir que cette révision constitutionnelle, qui n’apporte aucune protection ou solution aux habitants et visiteurs de notre pays, soit abandonnée sans délai, car elle n’est digne ni de la France ni de ses valeurs.

Pour assurer la sécurité des Français et du monde, les sénatrices et les sénateurs du groupe CRC pensent qu’il y a une autre alternative que la déchéance de nationalité ou la mise en place de l’état d’urgence dans la Constitution ; ils vous demandent, mes chers collègues, de mettre un terme sans délai à l’examen de ce texte probablement sans avenir. 

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