Lois
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
Contre les ingérences, toutes les ingérences
Les ingérences étrangères en France -
Par Pascal Savoldelli / 23 mai 2024Ce texte doit être replacé dans son contexte géopolitique. Alors que les tensions entre les États-Unis et la Chine se cristallisent autour de la course à la suprématie mondiale, l’atmosphère internationale se teinte d’incertitude et de désordre.
À Tallinn en 2021, Charles Michel plaidait pour une Europe qui affirme sa puissance et se libère de ses entraves géopolitiques.
Dans un contexte de rivalités commerciales et idéologiques avec la Chine, faut-il vraiment se ranger derrière les États-Unis pour préserver notre indépendance ? À demi-mots, ce texte prône un protectionnisme à l’égard de la Chine et de la Russie, oubliant que les ingérences sont aussi le fait de multinationales, principalement américaines. La lutte contre les ingérences étrangères est au service d’une idéologie occidentalocentrée.
Si la lutte contre les ingérences étrangères est cruciale, il ne peut y avoir des ingérences tolérées et d’autres proscrites. Une telle approche binaire légitimerait les pratiques observables notamment au Parlement européen, où les consultants jouent le rôle d’experts, d’arbitres, de pompiers de service ; je renvoie à notre travail sur les cabinets de conseil.
Il faut donc lutter contre toutes les formes d’influence : c’est le sens de notre amendement pour élargir la lutte aux entités à but lucratif. Et les États membres de l’Union européenne doivent aussi être concernés.
Nous soutiendrons l’article 1er qui crée un répertoire, mais les moyens de la HATVP doivent être renforcés en conséquence. Nous proposerons un amendement pour protéger la presse et les avocats.
Nous nous opposons fermement à l’article 3 qui ouvre la porte à l’utilisation d’algorithmes par les services de renseignement. L’évolution de l’équilibre entre sécurité nationale et respect des libertés individuelles, inquiète - souvenez-vous de la loi sur les JOP de Paris 2024 autorisant une surveillance publique de masse. Reconnaissons que l’algorithme n’est pas neutre : il reproduit notamment les discriminations préexistantes. Le cadre de l’expérimentation est trop large et aucun contre-pouvoir n’est prévu. Je vous invite à considérer ces dangers sérieusement. Si cet article demeure en l’état, nous voterons contre cette proposition de loi.