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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Durcir les sanctions ne sert à rien

Encadrement des rave parties -

Par / 22 octobre 2019

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la lecture de cette proposition de loi a rappelé à mon souvenir un certain nombre de textes du même acabit : après la sécurité des manèges, la lutte contre les rodéos motorisés, les mini-motos ou les chiens dangereux, nous abordons aujourd’hui le sujet des rave parties.

Ce catalogue à la Prévert de propositions de loi dictées par l’émotion pose d’emblée la question de l’opportunité à légiférer sur le tout-venant, en fonction de l’actualité. Quand bien même celle-ci peut être importante, les parlementaires doivent-ils retoucher la loi à chaque fait divers, nuisance ou accident de la vie, alors même que l’inflation législative fait débat ?

Aux termes du texte du député Thibault Bazin qui est à l’origine de cette proposition de loi, il est nécessaire d’agir en matière législative à la suite de « la recrudescence de rave parties illégales, notamment lors de la Saint-Sylvestre de 2017 à Lunéville ou quelques jours plus tard dans les Vosges ».

Dans ce cadre, la proposition de loi déposée sur le bureau du Sénat avait pour objet d’abaisser à 300 le nombre de participants à un « rassemblement festif à caractère musical » à partir duquel une déclaration préalable doit être faite auprès du préfet de département, tout en conditionnant la tenue de l’événement au respect du voisinage et en ajoutant la notion d’« impacts possibles sur la biodiversité ».

La proposition de loi initiale tendait également à allonger de six mois à un an la durée maximale de saisie du matériel utilisé et à faire de l’infraction, qui est aujourd’hui une contravention de cinquième classe, un délit passible d’une peine d’emprisonnement de trois mois et d’une amende de 3 750 euros, la sanction étant quintuplée pour les personnes morales visées par le dernier article.

Concernant cette dernière disposition, je mesure la sagesse de la commission des lois, qui a substitué à la peine de prison une peine de travail d’intérêt général. Cela est heureux, car le texte de la proposition de loi initiale était symptomatique d’une dérive maintenant beaucoup trop fréquente, qui conduit à légiférer au moindre fait divers, en proposant des durcissements de notre code pénal, en considérant que dissuader passe nécessairement par la relecture de notre code pénal, en jugeant que la contravention, même de cinquième classe, n’est rien au regard des délits et des peines d’emprisonnement, alors que tous les observateurs et les professionnels dénoncent l’échec du tout-carcéral et que l’administration pénitentiaire est saturée.

À cette surenchère pénale, on pourrait préférer le dialogue. Comme l’indique le président de l’association Technopol, Tommy Vaudecrane, durcir les sanctions ne sert à rien : « il vaut mieux s’entretenir avec les responsables ». D’ailleurs, selon lui, lors de ces rassemblements, « il n’y a pas plus d’accidents que dans les férias, les sorties de boîte de nuit, les soirées étudiantes ou tout autre événement légal. [...] On balance le tout-sécuritaire pour faire peur aux gens, alors que beaucoup d’événements sont autogérés et gèrent bien les incidents. »

En ce sens, je salue les modifications apportées au texte par la commission des lois. Au travers de l’article 1er bis, elle a introduit une charte de l’organisation des rassemblements destinée à définir les engagements des organisateurs et devant permettre aux pouvoirs publics d’obtenir des garanties sur le bon déroulement de ces événements festifs.

Il s’agit là, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, d’une mesure plutôt acceptable, bien qu’elle n’engage pas à grand-chose. Pour le reste, selon nous, l’encadrement législatif et réglementaire déjà existant rend tout nouveau dispositif législatif inutile.

En effet, les « rassemblements festifs à caractère musical » sont déjà largement encadrés. La loi du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité en a fait mention pour la première fois, avant que le dispositif soit précisé à la fois par l’article 53 de la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne – c’est le célèbre « amendement Mariani » – et par un décret du 3 mai 2002 pris pour l’application de la loi de 1995.

Enfin, depuis l’ordonnance du 12 mars 2012, l’encadrement de ces rassemblements fait l’objet d’une section spécifique du code de la sécurité intérieure, regroupant les articles L. 211-5 à L. 211-8. Ainsi, l’article L. 211-6 permet déjà au préfet, « lorsque les moyens envisagés paraissent insuffisants pour garantir le bon déroulement du rassemblement », d’organiser une concertation avec les responsables pour adapter lesdites mesures d’encadrement ou rechercher un terrain ou un local plus approprié.

Pour nous, transférer ces pouvoirs au maire n’est pas la solution, comme nous avons eu l’occasion de le souligner lors de la discussion du projet de loi Engagement et proximité, que nous venons d’adopter.

En ce qui concerne les impacts de ces rassemblements festifs sur la biodiversité, nous ne pouvons bien sûr rester insensibles à cette question préoccupante, mais force est de constater que le texte ne l’évoque qu’à la marge.

En définitive, au regard de toutes ces remarques et en dépit des améliorations apportées au texte initial par la commission des lois, nous ne voterons pas cette proposition de loi.

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