Lois
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
L’Assemblée nationale comme le Sénat n’ont pas voulu prendre en considération les propositions de la Convention citoyenne pour le climat
Loi de finances pour 2021 (nouvelle lecture) -
Par Eric Bocquet / 16 décembre 2020Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous discutons du projet de loi de finances issu des travaux de l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, lequel ressemble à beaucoup d’égards à celui qu’elle avait adopté avant nos travaux... Je me réfère aux récentes analyses du Haut Conseil pour le climat, qui symbolisent finalement assez bien ce budget pour 2021 et cette ébauche du plan de relance.
Dans ce budget, l’Assemblée nationale, comme le Sénat, s’oppose à la prise en considération des propositions significatives de la Convention citoyenne pour le climat, dont nous nous sommes fait l’écho, avec d’autres ici. L’augmentation de la taxe sur les transactions financières, vous n’en voulez pas. L’encadrement de la rémunération des actionnaires, vous n’en voulez pas davantage. Il en va de même de l’instauration d’une taxe sur le poids des véhicules, et non à partir de 1 800 kilos, qui exclut finalement la grande majorité des véhicules.
De nombreuses autres propositions sont malheureusement remises à plus tard, après moult concertations et autres réunions dans les ministères qui retardent la mise en place de mesures décidées par les citoyens, pour les citoyens et pour le climat.
M. Philippe Dallier. C’est le Parlement qui décide !
M. Éric Bocquet. Alors que nous tentions de vous alerter tout au long du budget, nous vous avons également proposé d’instaurer en échange des aides publiques des contreparties environnementales, des contreparties au maintien de l’emploi ou le non-versement de dividendes. Vous nous rétorquez qu’il ne faut pas contraindre les entreprises, surtout en temps de crise.
Notre groupe n’est pas le seul à formuler un tel constat : le Haut Conseil pour le climat critique le plan de relance assez vertement, si je puis dire.
D’abord, ce que le Gouvernement nous a vendu comme un effort de sincérisation du budget au regard des objectifs environnementaux est un leurre et le plan de relance n’est pas davantage « vert ». Vous affirmiez que la majorité des dépenses étaient neutres pour le climat, alors que 70 % d’entre elles s’inscrivent dans la continuité et le déni des exigences climatiques. Sur ce point, le Conseil d’État, qui a récemment mis en demeure le Gouvernement, a été également précurseur.
Ensuite, le plan de relance ne soutient que marginalement l’emploi et la formation, notamment celle qui est tournée vers la transition bas carbone, alors qu’elle est fondamentale pour opérer un réel changement de paradigme.
Pour finir sur ce sujet, il y a un risque que certaines mesures du plan de relance accroissent encore les inégalités et, par conséquent, les tensions sociales.
À défaut d’avoir pu infléchir vos positions sur ces sujets, nous sommes résolus, comme le préconise le Haut Conseil pour le climat, à évaluer les impacts de la politique climatique du plan de relance au regard de différentes dimensions, économique, sociale et politique. Au lieu de vous appuyer sur les collectivités locales pour affronter la crise sanitaire et mener la relance, vous refusez de restaurer leurs marges de manœuvre. Ces carences nuiront à long terme à l’investissement public local, qui représente néanmoins encore 70 % de l’investissement public dans notre pays.
La Cour des comptes estime, dans son rapport rendu public hier, que, « dans ces conditions, les possibilités de contribution des départements au plan de relance apparaissent plus qu’incertaines ».
Les départements dressent un constat encore pire : ils vont être incapables d’assumer la hausse des dépenses sociales causée par la précarisation de bon nombre de nos concitoyens dans cette crise. Nous vous l’avons dit, ils devront assumer les dépenses exceptionnelles, parce que l’État n’a pas voulu mener une action différente à l’endroit des plus démunis, des plus éloignés de l’emploi. Leur épargne globale devrait baisser de 45 % en 2020, selon la Cour des comptes. Le Gouvernement ne propose que des mesurettes permettant un sursis en attendant que la bombe à retardement que constituent les avances remboursables ne finisse par exploser.
C’est donc un budget quelque peu traditionnel, avec des mesures insuffisantes pour faire face à une crise que les citoyennes et les citoyens traversent très difficilement. Les jours qui viennent s’annoncent sombres, car vous vous cramponnez à vos certitudes sans prendre en compte la profondeur de la crise économique et sociale qui touche notre pays.