Lois
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
L’islam radical, cet obscurantisme fascisant, n’a pas sa place dans notre République
Prééminence des lois de la République -
Par Éliane Assassi / 19 octobre 2020Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l’examen aujourd’hui de cette proposition de loi constitutionnelle prend une dimension particulièrement dramatique, à la suite du crime horrible dont a été victime Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie.
Nous nous inclinons devant sa mémoire et nous assurons à sa famille et à ses proches, à ses collègues de l’établissement où il enseignait et plus largement à l’ensemble du monde éducatif, notre solidarité. Nous leur disons simplement que nous partageons leur émotion, leur tristesse.
Hier, j’étais présente au rassemblement parisien, place de la République. Je regrette à cet égard que certains aient brillé par leur absence. Des milliers de personnes se sont unies dans la plus grande dignité pour exprimer leur solidarité, pour dire leur attachement aux valeurs de la République et à la laïcité, et pour souligner aussi que cet effroyable crime ne pouvait pas faire l’objet de récupérations, d’où qu’elles viennent.
Nous devons toutes et tous ici être à la hauteur de ce qui s’est exprimé hier à Paris, comme ailleurs dans notre pays.
Mercredi soir, à la Sorbonne, nous rendrons un hommage national à Samuel Paty. C’est un hommage bien légitime, car il enseignait la liberté de penser pour que ses élèves puissent vivre en femmes et en hommes libres, capables de penser et non pas seulement de croire.
L’obscurantisme n’a pas sa place dans notre République parce qu’il est contraire à la liberté. Or, aujourd’hui, la liberté est fragile, nous devons toutes et tous la protéger.
L’islam radical, car il faut effectivement savoir nommer les choses, doit être combattu pour ce qu’il est, en évitant les amalgames racistes et antimusulmans que certains se plaisent à distiller. La mouvance islamo-radicale est une plaie pour la liberté, pour la démocratie, pour la laïcité, pour la République. C’est une idéologie fascisante.
Comme je l’ai demandé aujourd’hui à M. le président du Sénat, nous aurions souhaité que ce débat législatif soit reporté au regard de l’actualité dramatique qui touche notre pays. Chacun sait qu’il n’est jamais bon de légiférer dans l’émotion, d’autant que le sujet est bien trop important pour ne lui accorder qu’un si bref débat, par le biais d’un tel texte.
Il s’agira, dans les semaines et les mois à venir, face à des dérives avérées, de trouver des réponses. Je le redis : aucun extrémisme religieux n’a droit de cité dans notre pays, mais la question ne peut être traitée à coup de décisions à l’emporte-pièce. Il s’agira de s’attaquer aux racines du mal qui s’exprime aujourd’hui : ce terreau évoqué de toute part sans jamais bien en comprendre les tenants et les aboutissants.
Les territoires abandonnés de notre République doivent en effet être reconquis, non par un État autoritaire, mais plutôt par un État fort de ses services publics, au chevet de ses professeurs si malmenés, qui ne le sont cependant pas moins que le personnel hospitalier ou les policiers…
Il semble urgent de prendre conscience de l’ampleur de la tâche qui nous incombe envers le corps enseignant. L’école est un pilier fort de notre République et de la laïcité, il s’agit d’accompagner effectivement les enseignants dans leur travail d’affirmation des valeurs de notre République et de ses principes fondamentaux.
D’un point de vue plus global, il faudra s’interroger sur l’ordre international établi pour abandonner toute complaisance avec certains pays et cesser trop souvent de semer la guerre pour récolter le chaos et le terrorisme.
Je le répète, nous souhaitons aborder tous ces sujets dans la sérénité d’un débat hors de toute émotion.
Aussi, alors que nous suivrons la discussion générale, nous ne prendrons pas part au débat ni au vote sur cette proposition de loi qui nous semble aujourd’hui inappropriée et dont l’examen aurait dû être reporté. Nous serons aussi au rendez-vous pour débattre dans les semaines à venir du projet de loi visant à renforcer la laïcité et à conforter les principes républicains, pour traiter les problématiques qui sont posées aujourd’hui. Celles-ci sont plurielles, complexes et bien souvent, finalement, à la marge du concept même de « laïcité », qui pour nous dispose déjà d’une base constitutionnelle solide et indiscutable.
Pour conclure, permettez-moi d’emprunter cette citation à Louis Aragon : « Certains jours, j’ai rêvé d’une gomme à effacer l’immondice humaine. »