Lois
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
L’urgence est de s’atteler au renforcement des moyens de la police nationale
Sécurité globale -
Par Cécile Cukierman / 16 mars 2021Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux rappeler, en préambule, que l’hommage rendu à ceux qui perdent la vie dans l’exercice de leur mission de service public – une mission régalienne, assurer la sécurité de chacun – n’appartient à aucun camp. Cet hommage appartient à tous les femmes et les hommes que nous sommes et qui représentent, ici, les territoires et, à l’Assemblée nationale, les citoyens. Finalement, il appartient à chacun, car c’est en rendant collectivement cet hommage, sans clivage politique, que nous ferons République, surtout dans la société d’aujourd’hui, qui est fragmentée et parfois même déstructurée, fragilisée. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER.)
Mme Éliane Assassi. Bravo !
Mme Cécile Cukierman. Je veux également rappeler que la femme de gauche – pas besoin d’autre qualificatif – que je suis, membre du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que l’ensemble des membres des autres groupes, avons été confrontés très tôt, en tant qu’élus locaux, à ces questions. On nous a d’ailleurs parfois montrés du doigt, accusés, des années 1980 jusqu’à voilà quelque temps. C’était l’époque où certains hurlaient, à l’abri des ors de la République, aux « quartiers perdus » de la République, qui étaient en réalité les quartiers oubliés de la République.
La réponse à apporter à ces quartiers est de faire toujours plus de service public, afin de répondre aux besoins de tous. Nous n’avons jamais nié la question de la sécurité ; nous avons même été amenés très tôt à répondre à un défi – la nécessité de faire société, de faire République –, quand le chômage et la précarité frappaient, avec toute la violence que cela suppose, les habitants de nos quartiers.
Je rappelle cette évidence, parce que ce sentiment d’insécurité est d’abord un vécu lié à une violence subie et parce que ce sentiment, ce vécu, touchent en premier lieu les classes populaires. Oui, monsieur le ministre, oui, messieurs les rapporteurs, nous y apportons des réponses politiques et sans aucun dogmatisme, contrairement à ce que certains ont indiqué au sein de cet hémicycle.
J’en viens au présent texte.
Je ferai tout d’abord une remarque de forme, mais bien évidemment liée au fond : nous débattons d’une proposition de loi. Loin de nous l’idée de remettre en cause l’initiative parlementaire, mais, pour une mission régalienne aussi importante que la sécurité, un projet de loi eût été judicieux, afin de bénéficier, par exemple, d’une étude d’impact, d’un avis du Conseil d’État ou de la CNIL sur des sujets majeurs tels que la légalisation des drones, la diffusion en direct des images des caméras-piétons au centre d’opérations ou encore les nouvelles prérogatives de la police municipale.
En ce qui concerne la police municipale, justement, le renforcement des missions et des compétences des agents de cette force suscite des questions, car ces derniers relèvent d’un cadre d’emploi de la fonction publique territoriale et ils n’ont pas la même formation que les gardiens de la paix et les gendarmes. Cette proposition de loi contribue à une confusion entre les différents corps de police, alors que les polices municipales sont sous la hiérarchie des maires et qu’il y a, de ce fait, autant de doctrines d’emploi que de communes.
Au-delà même de la question financière, c’est bien le problème de la rupture d’égalité entre les territoires qui se pose ; d’ailleurs, est-ce le rôle des collectivités territoriales que d’hériter d’une telle responsabilité, qu’elles ne pourront pas, nous le savons d’ores et déjà, assumer ?
L’urgence est de s’atteler au renforcement des moyens de la police nationale, dans sa mission de service public et de proximité, par le recrutement de nouveaux policiers nationaux formés à renouer le lien avec la population. Aussi, si la proposition de loi vise, il faut le souligner, à « offrir aux Françaises et aux Français une "sécurité globale" », le texte reste silencieux sur la stratégie de maintien de l’ordre. Rien n’apparaît sur ce sujet, dans une logique de pacification et d’apaisement des tensions, afin de garantir un strict équilibre entre protection de l’ordre public et respect des libertés publiques.
Le travail de réécriture de la commission des lois, parfois efficace, demeure à nos yeux bien en deçà des attentes ; nous y reviendrons au cours de la discussion des articles.
Avant de passer à l’examen de ce texte, je dirai que penser, proposer et agir pour la sécurité, pour toute la sécurité – tant celle du quotidien, dans nos quartiers et nos communes, que celle qui permet d’assurer la protection de notre État, de notre République –, c’est tirer les conséquences des errements de la politique conduite depuis 2002, de l’abandon de la police de proximité, à l’origine des graves dysfonctionnements que nous constatons au quotidien.
Penser la sécurité, c’est rétablir le lien de confiance entre les forces publiques et la population.
Enfin, penser la sécurité, c’est répondre à la souffrance et aux conditions de travail extrêmement difficiles des fonctionnaires de police et de gendarmerie.
Autant d’éléments absents de ce texte, ce qui nous conduira à ne pas voter cette proposition de loi.