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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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La justice pénale ne sera efficace et humaine qu’avec plus de moyens, plus de magistrats

Efficacité de la justice pénale -

Par / 31 janvier 2017

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, à quelques semaines de l’élection présidentielle, il est regrettable de débattre d’un texte portant sur des questions aussi importantes pour notre droit pénal.

Il est en effet peu probable que cette proposition de loi, signée par la majorité sénatoriale, soit examinée à l’Assemblée nationale d’ici à la fin du mois de février, et il s’agit clairement pour la droite sénatoriale de « prendre un peu d’avance, dans l’éventualité d’une alternance »,…

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Exactement !

Mme Cécile Cukierman. … pour reprendre les propos du président de la commission des lois lors de la présentation du rapport.

Cette proposition de loi est d’autant plus regrettable qu’elle est inscrite à l’ordre du jour du Sénat alors même que les conclusions de la mission pluripartisane pour « un véritable redressement de la justice », conduite par la commission des lois depuis juillet 2016, n’ont pas encore été rendues.

Comme l’ont souligné nos collègues dans l’exposé de leur motion tendant à opposer la question préalable, on peut en effet s’interroger sur le bien-fondé et la pertinence d’une telle mission, dès lors que ses conclusions sont tirées avant l’heure par une grande partie du groupe Les Républicains.

Ces conclusions ne sont au demeurant pas anodines, porteuses d’une conception de la politique pénale d’une droite dure que, bien entendu, nous ne partageons pas.

La volonté affichée de ce texte est – déjà, ai-je envie de dire – d’effacer ce qui a été fait, notamment en supprimant les mesures principales de la loi Taubira du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales.

Ainsi, le cœur du texte repose sur le rétablissement des peines plancher et la suppression de la contrainte pénale et de la libération sous contrainte, deux mesures pourtant destinées à encadrer davantage les condamnés et préparer leur réinsertion pour lutter contre la récidive.

Par ailleurs, le quantum de peines aménageables est réduit, la compétence des juges de l’application des peines, limitée. Le texte développe également le recours aux procédures automatiques comme l’amende forfaitaire pour les délits correctionnels.

Enfin, au-delà d’une volonté affichée de répression systématique, le texte traduit un mouvement de fond qui tend à évincer le juge du débat pénal ou, à défaut, à contraindre le contenu de ses décisions en battant en brèche le principe d’individualisation des peines, sans bien sûr aucune garantie corrélative d’indépendance des parquets.

L’Union syndicale des magistrats a dénoncé devant la commission des lois les ressorts « démagogiques » d’un texte « à visée incarcératrice ».

Étant donné l’importance des mesures envisagées, nous nous étonnons que cette proposition de loi n’ait pas été soumise pour avis au Conseil d’État avant son examen en commission, comme le prévoit l’article 39, alinéa 5, de la Constitution, introduit par la révision constitutionnelle de 2008 portée par MM. Sarkozy et Fillon…

En tout état de cause, nous avons demandé au président du Sénat de bien vouloir mettre en œuvre cette disposition importante de notre Constitution à l’occasion de l’examen de cette proposition de loi, par courrier qui lui a été transmis hier.

Le travail du rapporteur François Pillet sur ce texte est révélateur des difficultés qu’il pose. Plusieurs propositions qui présentaient un caractère inconstitutionnel ont été supprimées ou modifiées pour entrer en conformité avec nos principes constitutionnels et fondamentaux applicables en matière de droit pénal, notamment celui de l’individualisation des peines.

Cependant, l’esprit du texte reste le même. Il s’agit, comme l’a dénoncé le Syndicat de la magistrature, « d’une nouvelle tentative pour introduire dans notre arsenal judiciaire des dispositions sécuritaires visant à incarcérer toujours plus ». En témoigne la volonté de créer de nouveaux « centres de rétention pénitentiaire » pour les détenus de brève durée.

Cette vision du tout-répressif et l’aggravation des sanctions pénales pour la « petite délinquance » sont inadmissibles lorsqu’on lui oppose la « grande délinquance », financière par exemple, qui est pour sa part rarement sanctionnée par des peines de prison effectives en raison de multiples dispositions législatives ou réglementaires qui permettent d’y échapper. Ainsi, certains et certaines parviennent à échapper à toute sanction et conservent un casier judiciaire tout à fait vierge alors qu’ils encourent jusqu’à 15 000 euros d’amende et un an de prison. Et dans ce cas, mes chers collègues, on ne vous entend guère vous émouvoir sur l’absence de fermeté et de sévérité de la justice.

Pourtant, d’autres solutions que la création de nouveaux centres pénitentiaires existent pour lutter contre la surpopulation carcérale, comme faire de la détention provisoire une exception, et non la règle !

« C’est comme si la pire des situations devait peser sur des personnes n’ayant pas, ou pas encore, été condamnées », explique à ce sujet Jean-René Lecerf, qui préside la commission du Livre blanc sur la pénitentiaire que vous avez installée la semaine dernière, monsieur le garde des sceaux.

Ceux qui partagent les valeurs du progrès doivent avoir le courage de réaffirmer que la prison n’est pas la seule solution.

Chacun ici dénonce le taux de récidive. Vous savez tous qu’il est de notre responsabilité de préciser les conditions de l’emprisonnement, y compris pour les délits mineurs. Notre attitude n’est pas laxiste, elle vise l’efficacité en dehors de l’émotion et de la démagogie. Donner la priorité aux peines alternatives, réorienter les peines vers la réinsertion, c’est une nécessité pour les victimes comme pour les coupables.

En définitive, pour tendre vers une justice pénale efficace et humaine, il faudrait lancer un vaste chantier de réflexion et d’enquête sur les peines : leur sens, leur échelle et leurs modalités. Peut-être qu’il faudrait s’inspirer de ce qui a été fait en la matière depuis un certain nombre d’années dans les pays scandinaves, où le droit pénal est très avancé, comme en Norvège, où la criminalité est plutôt basse avec des taux de récidive très satisfaisants, à mettre en lien avec un traitement humain et individualisé des prisonniers.

Mais il n’y a guère de mystère : la Norvège consacre à la justice cinq fois plus de moyens que la France lorsqu’on les rapporte au nombre d’habitants.

Cela nous ramène inlassablement à la question des moyens indigents de notre justice. Inutile de multiplier les textes, la justice pénale de notre pays ne sera efficace et humaine que lorsque ses moyens seront revalorisés et les magistrats augmentés. C’est pourtant tout le contraire que laissent présager les importantes suppressions de postes de fonctionnaires annoncées par celui qui est encore le candidat à l’élection présidentielle des Républicains.

Sans surprise, et comme nous l’avons déjà dit en commission, nous ne voterons pas ce texte antinomique avec notre conception de la justice.

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