Lois
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
Le Conseil de défense est devenu l’organe suprême de la gouvernance sanitaire !
Passe vaccinal (nouvelle lecture) : article premier -
Par Pierre Ouzoulias et Pierre Laurent / 15 janvier 2022Nous ne saurions débattre de ce douzième texte sur la gestion de la crise sanitaire sans évoquer la dérive démocratique évidente à laquelle nous assistons – je veux parler du rôle saugrenu et extraordinaire donné au conseil de défense et de sécurité nationale.
La santé est actuellement considérée comme un domaine réservé du Président de la République, au même titre que la défense, et M. Macron n’est plus seulement le chef des armées : il est aussi le chef de la santé. Le conseil de défense a ainsi été intronisé comme organe suprême de la gouvernance sanitaire.
Je vous donne lecture de l’article 15 de la Constitution : « Le Président de la République est le chef des armées. Il préside les conseils et les comités supérieurs de la défense nationale. »
Il semble vraiment très surprenant qu’un tel détournement de la Constitution puisse être banalisé et perdurer. Avec cette pratique, le Parlement, mais aussi le conseil scientifique, et même le conseil des ministres, ont été complètement écartés. Il y a plus grave : tous les comptes rendus de ce conseil de défense sont classés secret défense, c’est-à-dire sont complètement inaccessibles aux citoyens et à bon nombre de parlementaires.
Une telle situation nous semble totalement contraire à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, dont je vous rappelle l’article XV : « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. » On comprend bien que le conseil de défense est destiné à contourner cet article de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Mon avis ne peut être que défavorable – je m’en suis longuement expliqué. S’il était adopté, cet amendement créerait un trouble dans la séparation des pouvoirs : c’est au Président de la République de décider ce qu’il entend faire du conseil de défense, qui est mentionné, en effet, dans la Constitution, et il ne nous appartient pas de déterminer le contenu de ses réunions.
J’ai aussi rappelé à quel point je trouve que son utilisation dans le cadre de la crise sanitaire procède d’une véritable dénaturation de cette institution constitutionnelle, si bien que, sur le fond, je suis tout à fait d’accord avec les auteurs de cet amendement : il y a là aussi une authentique incongruité qui porte l’empreinte d’une méconnaissance des principes fondamentaux de nos institutions.
L’avis de la commission, néanmoins, demeure défavorable, parce que, précisément, nous respectons, nous, les institutions et parce que, ce faisant, nous n’empiétons pas sur des décisions qui incombent exclusivement au pouvoir exécutif.
M. Christian Cambon. Très bon raisonnement !
Mme Éliane Assassi. C’est un peu contradictoire…
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Défavorable.
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Permettez-moi de revenir sur l’argumentaire de M. le rapporteur, qui nous avait déjà répondu en ce sens lorsque nous avions soulevé ce problème en première lecture dans la nuit de mercredi à jeudi.
Le problème, en l’espèce, c’est que la Constitution définit très clairement le rôle du conseil de défense. L’article qui mentionne cette instance, à savoir l’article 15, dispose en effet que c’est le Président de la République qui le préside en tant que chef des armées. L’objet du conseil de défense est donc très clairement défini.
M. Gérard Longuet. Absolument !
M. Pierre Laurent. Ce n’est pas celui que lui assigne le Président de la République. Ce dernier est peut-être hors de nos pouvoirs, mais il n’est pas au-dessus de la Constitution.
Quoi que je pense de la Constitution, celle-ci définit bel et bien le rôle du conseil de défense : présidé par le Président de la République en tant que chef des armées, il a vocation à traiter des questions de défense et non de la crise sanitaire.