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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Le décalage entre les besoins des entrepreneurs et les mesures prises est encore une fois patent

Activité professionnelle indépendante -

Par / 26 octobre 2021

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, deux ans à peine après le vote de la loi Pacte, le présent texte a été élaboré pour « offrir aux entrepreneurs un cadre plus simple et protecteur au moment de la création d’entreprise et pour les accompagner tout au long de l’exercice de leur activité ».

Il s’agit d’alléger encore les formalités de création d’entreprises via ce nouveau statut d’entrepreneur individuel et l’extension de l’allocation des travailleurs indépendants, cette prestation « mal née » qu’ils ne demandaient pas, pour reprendre les mots de la commission des affaires sociales.

Ce texte concernera près de 3 millions de personnes – commerçants, artisans, professions libérales, professionnels du spectacle, entrepreneurs agricoles… Encore une fois, monsieur le ministre, nous observons un décalage entre les besoins des entrepreneurs et les mesures proposées.

S’il apparaît effectivement important de mieux protéger les travailleurs indépendants, la scission des patrimoines personnels et professionnels de l’entrepreneur nous interroge à plusieurs titres et nous laisse penser qu’il s’agit d’une mesure d’affichage.

En effet, le formalisme, les procédures servent à protéger l’entrepreneur et les tiers. Il en est ainsi de la description, sous forme d’inventaire, de ce qu’est le patrimoine professionnel – inventaire qui sera d’ailleurs supprimé et remplacé par une définition légale aux contours assez flous. Comme cela a été souligné lors des débats en commission, la notion d’« utilité », qui servira de ligne à la séparation des deux patrimoines, risque d’être élargie au maximum par les créanciers.

De plus, théoriquement, ce projet de loi devrait limiter significativement le risque encouru par l’entrepreneur de voir ses biens propres saisis par ses créanciers. Je dis bien « théoriquement », car il semble peu probable, dans la pratique, que ce texte atténue réellement ce risque. Et c’est bien là la limite de ce texte : l’entrepreneur pourra renoncer à la scission de son patrimoine à la demande d’un créancier. Dans ce cadre, comment ignorer que les créanciers les plus importants exigeront de l’entrepreneur qu’il renonce expressément à la protection de son patrimoine personnel ou demanderont des sûretés conventionnelles ? Dans les faits, il n’aura guère le choix.

En ce sens, ce projet de loi n’apporte pas de réponse claire aux problèmes réels des entrepreneurs individuels. Le texte ne contient aucune obligation à la charge des banques et ne mettra pas fin à leurs pratiques actuelles. Pour notre part, nous renouvelons ici notre proposition de créer une banque publique offrant des prêts à taux zéro pour accompagner ces entrepreneurs.

En ce qui concerne l’ATI, même si les indépendants ont été, eux aussi, durement touchés, il faut garder à l’esprit que l’impact de la crise a été inégal : beaucoup ont pu bénéficier de nombreuses aides directes, mais aussi de reports de cotisations fiscales et sociales, ce qui a leur a permis de reprendre une activité après les confinements successifs.

Par ailleurs, en sus de l’extension de l’ATI, il est proposé de mettre en place un « délai de carence » entre deux demandes. Ainsi, une personne ne peut bénéficier de l’ATI pendant cinq ans à la suite d’une défaillance. Or on peut se demander s’il ne serait pas plus opportun d’aider un entrepreneur à sortir d’un statut qui ne lui convient pas plutôt que de le laisser potentiellement en difficulté pendant cinq ans.

Au fond, nous pensons que les obstacles à la création d’entreprise sont d’une autre nature et que votre projet de loi ne les aborde pas. C’est d’un accompagnement véritablement pédagogique dont les aspirants entrepreneurs ont besoin.

En ce sens, la suppression du stage de préparation à l’installation est pour nous une erreur, car il important d’avoir une formation minimale à la gestion d’entreprise, notamment en matière de fiscalité et de régimes sociaux.

M. André Reichardt. Très bien !

Mme Éliane Assassi. Il est aussi essentiel de trouver des informations sur les entreprises récemment créées sur les secteurs porteurs. Par exemple, quel est le pourcentage des entreprises qui survivent au-delà de la première année ?

De même, la question du financement et du rôle des banques n’est pas abordée, alors que l’échec des réformes de l’entrepreneuriat individuel s’explique aussi par la frilosité des banques à financer les entrepreneurs. Aucune charte ne pourra obliger les banques à jouer leur rôle de financement tout en acceptant la séparation des patrimoines.

De plus, le texte oublie les travailleurs victimes de l’ubérisation, faux indépendants compte tenu des liens de subordination qui les unissent à leurs employeurs. Nous savons pourtant tous que le statut d’autoentrepreneur permet à certains de contourner les garanties du salariat et de faire l’économie des cotisations patronales.

Enfin, rien sur la baisse de pouvoir d’achat des Français, qui emporte nécessairement des conséquences sur les indépendants.

Comme le disait en 2010 mon amie Nicole Borvo à propos de la création de l’EIRL : « Le projet de loi qui nous est aujourd’hui soumis affiche une bonne intention : réformer le statut de l’entrepreneur individuel pour le protéger, lui et sa famille, contre les conséquences désastreuses d’une faillite ; il est loin, je le crains, de tenir ses promesses. » Je crois qu’elle n’avait pas tort.

Aujourd’hui, sous le prétexte de libérer le travail et d’agir dans l’urgence, le Gouvernement est en train de créer un statut qui ne résistera pas non plus à l’épreuve de la pratique. Pour autant, même si, comme je l’ai souligné, les conséquences de la crise sont inégales selon les travailleurs indépendants, beaucoup d’entre eux ont été et sont encore fragilisés. C’est la raison pour laquelle nous ne nous opposerons pas à ce texte, malgré ses limites et ses imperfections : nous nous abstiendrons.

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