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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Le décalage entre les normes et les réalités de l’incarcération n’a que trop duré

Respect de la dignité en détention -

Par / 8 mars 2021

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, cette proposition de loi arrive tardivement, mais elle a au moins le mérite d’arriver, après une série de décisions d’instances européennes et nationales relevant de graves atteintes aux droits et à la dignité des personnes détenues.
La condamnation historique de la France, le 30 janvier 2020, par la Cour européenne des droits de l’homme a conduit à l’indemnisation de trente-deux personnes incarcérées dans différents centres pénitentiaires, en métropole et outre-mer, notamment pour violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui prohibe les traitements inhumains et dégradants. La CEDH a estimé que les voies de recours prévues par le code de justice administrative n’étaient pas satisfaisantes, car elles ne permettaient pas de répondre aux problèmes structurels causés par la surpopulation carcérale, lesquels nécessitaient des mesures de réorganisation du service public de la justice.

Cette décision forte a eu pour conséquence un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation, qui a estimé, le 8 juillet 2020, que le juge judiciaire avait l’obligation de garantir à la personne placée dans des conditions indignes de détention un recours préventif et effectif, sans que le législateur intervienne. Cette situation a été jugée insatisfaisante par le Conseil constitutionnel, qui a donc affirmé, en octobre dernier, qu’il incombait au législateur de garantir aux personnes placées en détention la possibilité de saisir le juge de conditions de détention contraires à la dignité de la personne humaine afin qu’il y soit mis fin. Aussi, la présente proposition de loi tire les conséquences de cette censure et prévoit un dispositif de nature à garantir le droit à des conditions dignes de détention.

Nous n’avons rien à redire sur le dispositif proposé par l’article unique : si, après saisine d’une personne se plaignant de conditions de détention indignes, l’administration pénitentiaire n’a pas pris des mesures, comme un transfèrement, dans le délai prescrit pour mettre fin au traitement indigne, le juge a la possibilité d’ordonner soit un transfèrement du détenu, soit sa mise en liberté provisoire ou bien encore un aménagement de peine.
Malgré le caractère extrêmement grave des causes qui ont conduit à légiférer, bien tardivement, et même si je peux partager, pour une bonne partie, les propos de Jean-Pierre Sueur, je tiens à exprimer notre satisfaction de voir aujourd’hui cette question abordée avec des mesures générales pour mettre fin à cette situation inacceptable. C’est pourquoi nous voterons en faveur de cette proposition de loi.

Néanmoins, il est primordial de rappeler que le profond décalage entre les normes applicables et la réalité quotidienne des conditions de vie des personnes détenues n’a que trop duré, comme le notait le Contrôleur général des lieux de privation de liberté dans son rapport en 2018 : « Ni les lois sur l’encellulement individuel ni les normes relatives à l’espace vital par personne détenue, telles que recommandées par le Comité européen de prévention de la torture, ne sont respectées, pas plus que ne le sont les propres normes de l’administration pénitentiaire. »

Permettez-moi enfin, monsieur le garde des sceaux, de condamner, en cette Journée internationale des droits des femmes, les mauvaises conditions de vie des femmes en prison, qui portent trop souvent atteinte à leur dignité.
La construction de nouvelles places de prison, comme le souligne le président de la commission des lois, auteur de la proposition de loi, à la fin de l’exposé des motifs, ne peut être une réponse satisfaisante au problème. C’est pourtant, hélas, ce que vous proposez. Vous souhaitez également mettre fin aux réductions automatiques de peines en les assortissant de conditions, celle relative à la bonne conduite existant déjà. Or, comme le signalait hier la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, Dominique Simonnot : « Il y a sans doute beaucoup de détenus qui voudraient être soignés, trouver un boulot ou une formation en prison,…

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Bien sûr !

Mme Éliane Assassi. … mais on ne leur en donne pas les moyens. »
Plutôt que de prendre des mesures qui ne feront qu’aggraver les conditions de détention, il est au contraire urgent, selon nous, de réfléchir globalement au système pénal que nous souhaitons pour notre pays. Les études sur le sujet sont unanimes : la seule manière de lutter contre la surpopulation carcérale, et donc contre les conditions de détention indignes, est d’engager un grand plan de décroissance carcérale.

Cela irait à rebours des choix des gouvernements successifs, qui ont prôné une plus grande sévérité en matière de répression et une plus grande rapidité dans l’exécution des réponses pénales : alourdissement des peines et de la fermeté des sanctions prononcées par les juridictions, d’un côté ; extension du champ d’action de la procédure de comparution immédiate et volonté de mise à exécution des peines, de l’autre. Il faut y ajouter l’augmentation du nombre de personnes placées en détention provisoire.

Seule la mise en place d’une politique publique de désinflation carcérale sera en mesure de mettre un terme aux échecs des politiques antérieures. Cette proposition de loi doit entrer en vigueur rapidement, mais, surtout, ouvrir la voie à un débat plus large en la matière et à d’autres propositions pour améliorer notre système punitif.

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