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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Le projet de loi initial manquait d’ambition

Droit des étrangers en France (nouvelle lecture) -

Par / 16 février 2016

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, lors de la première lecture du présent texte, le groupe communiste républicain et citoyen avait déposé une motion tendant à opposer la question préalable, afin que soit rejeté l’ensemble du projet de loi…

Cela étant, la version du texte retenue par la droite sénatoriale a été rejetée par les députés, car elle aggravait la précarité de la situation des étrangers en situation régulière et réorientait les dispositions sur la maîtrise de l’immigration irrégulière en renforçant les dispositifs de contrôle, tout en facilitant l’éloignement.

À notre sens, le texte initial du gouvernement était, quant à lui, loin d’être ambitieux.

Des collègues, sur les travées du groupe socialiste et républicain, ont affirmé, avec raison, que « la droite sénatoriale court après l’extrême droite, en amalgamant réfugiés et immigrés et en voulant faire des étrangers des boucs émissaires ».

M. Roger Karoutchi. Oh là là !

Mme Éliane Assassi. Ce n’est qu’une citation, monsieur Karoutchi !

Cependant, on ne peut manquer de relever que les mêmes, qui s’étaient élevés, en d’autres temps, contre la loi Besson de 2011, laissent place aujourd’hui au parachèvement de celle-ci.

Avec cette nouvelle lecture, nous nous retrouvons dans une situation comparable, à ceci près que la droite sénatoriale a considéré inutile de délibérer, une nouvelle fois, sur ce projet de loi, compte tenu des nombreuses divergences avec l’Assemblée nationale et le Gouvernement.

Selon vous, monsieur le rapporteur, « si de nombreux désaccords entre l’Assemblée nationale et le Sénat ont conduit les députés à revenir sur un grand nombre de choix opérés par le Sénat, plusieurs dispositions adoptées auraient pu donner lieu à un accord, notamment l’extension de la durée d’interdiction de retour à cinq ans, au lieu de trois ans. »

Pour notre part, il va sans dire que nous ne sommes pas mécontents du rejet par les députés des mesures aggravantes et sécuritaires inscrites par votre majorité dans ce texte, concernant, par exemple, l’aide médicale pour les étrangers, ou encore les facilités d’éloignement.

Par ailleurs, madame la secrétaire d’État, nous saluons la modification proposée par le Gouvernement qui vise à élargir les possibilités pour les étrangers d’accéder au service civique, même si je considère, moi aussi, que cette mesure aurait pu être inscrite dans un autre texte que celui-ci.

En revanche, la majorité de l’Assemblée nationale s’est bien gardée de revenir sur le principe de surveillance permanente que met en place ce projet de loi.

Déjà soumise à un dédale d’obligations, de vérifications et de productions de preuves, l’obtention d’un titre de séjour pourra maintenant être remise en cause à tout instant, ce qui crée finalement un climat de doute sur la sincérité de la situation des potentiels fraudeurs.

Les articles 8 et 25 du projet de loi, dont nous proposerons de nouveau la suppression, si la motion tendant à opposer la question préalable n’était pas adoptée – certes, je n’ai guère de doute sur ce point –, créent en effet les conditions de tels contrôles, avec la levée inédite du secret professionnel pour plusieurs organismes et leurs personnels. Pôle emploi, les écoles et les universités, les établissements de santé publics et privés, les fournisseurs d’énergie et les opérateurs de téléphonie, tout comme les établissements bancaires, auront désormais l’obligation, sous peine d’amende, de fournir toute information que les agents de la préfecture jugeront utile pour contrôler la sincérité et l’exactitude des déclarations et l’authenticité des pièces produites par les personnes titulaires d’une carte de séjour. Nul besoin de commenter !

Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des dispositifs que comporte ce projet de loi ; nous les avons déjà vertement critiqués et nos propositions ont été doctement battues en brèche en première lecture.

Mais, en définitive, dans la continuité des réformes passées sur le sujet, le Gouvernement a souhaité maintenir l’inversion de la logique d’intégration : les personnes étrangères ont besoin de droits pour s’intégrer, et non de s’intégrer pour mériter des droits. L’immigration « autorisée » est ainsi maintenue dans une situation administrative précaire, qui empêche celles et ceux qu’elle concerne de trouver toute leur place en France.

Monsieur le rapporteur, vous dénoncez la « position laxiste » de l’Assemblée nationale et l’« aveuglement » du Gouvernement sur les questions migratoires. Pourtant, de récentes déclarations du Premier ministre, lors d’une conférence sur la sécurité à Munich, devraient vous rassurer : il a estimé bon de « faire passer un message d’efficacité et de fermeté », selon ses propres termes, et assené que « l’Europe ne peut accueillir davantage de réfugiés ».

Il ne s’agit pas de discuter ici du droit d’asile – encore que – ni même du dispositif d’accueil des réfugiés, sur lequel nous reviendrons, dans cet hémicycle, le 1er mars prochain.

Mais ces propos sont tout de même édifiants ! Outre qu’ils sont révélateurs d’un glissement politique certain, ils sont de nature à militer pour une Europe fermée sur elle-même et qui érige en dogme la peur du monde, la peur des mouvements du monde et ce, au nom de sa protection et de sa sécurité.

C’est ainsi que le Parlement danois vient d’adopter, à une écrasante majorité, un projet de loi sur l’immigration, dont plusieurs mesures scandaleuses nous ont heurtés, de même que tous les défenseurs des droits de l’homme. Je pense en particulier à la mesure sur la confiscation d’une partie des biens des migrants. Il est « raisonnable que l’État ne paie pas pour ceux qui peuvent le faire par eux-mêmes », a fait valoir la ministre danoise chargée de l’intégration. Il s’agit d’un dispositif contraire aux « standards européens et internationaux de protection des droits de l’homme », s’est indigné le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.

Ces dérives identitaires, ces égoïsmes nationaux, tout droit issus de l’ordre économique mondial établi, ne sont pas dignes de notre vieux continent, et encore moins de notre République.

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de société – vous le savez – n’est pas le nôtre.

« C’est par la différence et dans le divers que s’exalte l’existence » : j’ose encore croire que l’essence de ces mots du poète breton Victor Segalen puisse alléger le climat lourd des craintes et des replis identitaires nauséabonds, qui sévissent ces temps-ci.

Pour conclure, et vous l’aurez compris, les sénatrices et sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen s’opposeront, de nouveau, à ce projet de loi, qui ne rompt pas avec la logique répressive et suspicieuse du gouvernement précédent.

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