Lois
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
Le taux de formation de la population française est l’un des plus bas au monde
Statut de citoyen sauveteur -
Par Éliane Assassi / 25 juin 2020Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, chaque année, plus de 40 000 personnes meurent d’un arrêt cardiaque faute de soins immédiats. Les arrêts cardiaques inopinés causent donc 9 % des décès et le taux de survie des victimes est aujourd’hui particulièrement faible ; 70 % des arrêts cardiaques ont lieu devant témoins, mais, parmi ceux-ci, à peine 20 % réalisent les gestes de premiers secours.
Cette faible proportion s’explique en partie par le fait que seulement 30 % des Français sont formés à ces gestes ; j’ajoute que, parmi ces 30 %, certains ont peur d’utiliser les défibrillateurs à leur disposition.
Pourtant, chacun le sait, les premières minutes suivant l’arrêt cardiaque sont décisives, puisque les chances de survie d’une victime déclinent à chaque minute perdue. En France, ces chances sont seulement de 5 % à 7 %, alors qu’elles s’élèvent à 20 %, voire à 40 %, dans certains pays scandinaves ou anglo-saxons.
Améliorer la capacité d’intervention, dès les premiers instants, des citoyens sauveteurs est donc indispensable si l’on veut réduire de manière significative le nombre des décès par arrêt cardiaque. En avril 2017, le rapport Faure-Pelloux s’inquiétait de ce que le taux de formation de la population française dans ce domaine soit parmi les plus faibles au monde. Il préconisait d’atteindre un taux de formation de la population de 80 %, et l’Académie nationale de médecine a confirmé cette préconisation dans son rapport du 2 octobre dernier.
La présente proposition de loi s’inspire directement de ces préconisations. Par conséquent, nous ne pouvons qu’en partager les objectifs, consensuels sur l’ensemble des travées : il s’agit de sensibiliser aux gestes qui sauvent et créer, conformément au souhait des professionnels de santé, un statut de citoyen sauveteur, le mot de « citoyen » étant très important…
Notons tout de même que, malgré l’esprit de concorde qui règne à propos de cette proposition de loi, la navette aura eu raison de certains articles, puisque le texte n’en comporte plus que neuf, dont six seulement restent en discussion. Cela étant, grâce à Mme la rapporteur, notre commission des lois a su faire preuve de sagesse pour que ce texte puisse être adopté.
Derrière cette unanimité se cachent pourtant quelques questions. Il faut notamment souligner que, pour atteindre les objectifs ambitieux de formation fixés par le rapport Faure-Pelloux, il conviendrait d’impliquer de nombreux intervenants dans la chaîne de formation ; je pense en particulier aux enseignants et au personnel de santé, dont les tâches sont pourtant déjà bien lourdes.
Sur le fond, si les premières minutes suivant un accident cardiovasculaire majeur sont décisives, nous ne perdons pour autant pas de vue que la survie du patient dépend aussi de la fiabilité de toute la chaîne d’intervention. Or celle-ci est particulièrement affaiblie. Les pompiers ont ainsi largement manifesté pour dénoncer un déficit de financement de l’ordre de 60 000 à 80 000 euros par caserne ; quant aux services des urgences, ils sont eux-mêmes en grande difficulté.
Comme nous l’avions déjà indiqué en première lecture, la notion de collaborateur occasionnel et bénévole du service public ne manque pas de nous interpeller, dans cette période de disette budgétaire et de grandes difficultés pour maintenir l’offre de services publics du fait des politiques d’austérité…
Quant à la situation des hôpitaux, les circonstances m’obligent à y revenir ; je pense aux récentes manifestations du personnel soignant, soutenues par l’opinion publique et par la majeure partie de nos concitoyens, qui ont applaudi chaque soir les soignants pendant la période de confinement. Malgré les appels à une revalorisation des carrières et à une augmentation des moyens, rien n’est aujourd’hui réglé. Le « quoi qu’il en coûte » prononcé lors du débat sur la crise de la Covid-19 semble déjà bien loin ; nos concitoyens et les soignants continuent de réclamer « du fric pour l’hôpital public »...
Il faut bien l’avouer, la situation reste extrêmement tendue et ne permet pas de garantir une chaîne de soins qui soit digne d’un pays comme le nôtre. Nous prenons donc ce texte comme un premier pas, certes important, mais insuffisant pour garantir une baisse significative du nombre de décès par arrêt cardiaque. Ses mesures doivent maintenant, monsieur le secrétaire d’État, être prises en compte dans le cadre d’un Ségur de la santé qui ne saurait se résumer à une simple opération de communication.
En tout état de cause, les sénateurs du groupe CRCE voteront en faveur de l’adoption de ce texte, dont nous saluons la pertinence, malgré ses évidentes limites.