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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Les élus restent privés de la sécurité que procure un statut

Statut de l’élu communal -

Par / 12 juin 2019

Vous êtes sûrs qu’il n’y a pas encore un membre du Gouvernement qui veut parler ?...

M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Je peux partir si vous voulez !

M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est pas vous qui êtes en cause, monsieur le ministre,…

M. Sébastien Lecornu, ministre. Merci !

M. Pierre-Yves Collombat. … mais on attend depuis un certain temps…
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, encore aujourd’hui les mots mêmes de « statut de l’élu communal » sonnent comme une incongruité, que dis-je, un gros mot, une injure à tous ces hussards de la République honorés de se dévouer gratuitement pour nos communes. À en croire les croyants, non pratiquants d’ailleurs, de cette morale très exigeante.

Nous allons voir si les temps sont venus de mettre fin à cette hypocrisie séculaire : reconnaître que la commune est le terreau de la République et de la démocratie françaises, le premier garant de la cohésion sociale, le premier pourvoyeur de services publics de proximité, le premier investisseur public et, directement ou indirectement, le deuxième employeur public, et en même temps que les élus qui l’administrent, qui la font vivre, resteront éternellement privés de la reconnaissance de leur fonction essentielle et de la sécurité que représenterait un statut de l’élu communal.
Un statut, en effet, fixe l’ensemble des garanties et des obligations qui, s’attachant à une personne, à un groupe, à un territoire, les distingue des autres, facilitant ainsi l’accession du plus grand nombre aux fonctions électives, sans préjudice professionnel ou financier, et permettant la représentation de la population dans toute sa diversité.
Instituer un tel statut serait prendre au sérieux notre Constitution, laquelle donne un fondement politique aux institutions locales. Selon les termes de celle-ci, « l’organisation » de la France est « décentralisée » – c’est l’article 1er – ; « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon » et elles « s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences » – c’est l’article 72.

Les communes sont donc loin d’être des institutions destinées à donner un vernis démocratique à une administration d’État déconcentrée ou, encore moins, à offrir un passe-temps à des notables rentiers.

Prendre au sérieux l’idée de décentralisation, ce serait d’abord reconnaître symboliquement l’importance de la mission de ceux qui administrent et donnent vie à la commune, ce que fait d’ailleurs la loi fondatrice de la nouvelle décentralisation du 2 mars 1982 qui prévoyait déjà une loi instituant un statut de l’élu local.
Celle-ci sera semi-enterrée sous les couches de projets et propositions destinés à « améliorer » ou « faciliter » telle ou telle « condition d’exercice des mandats locaux ». Mais c’est pour les élus de la commune que l’hypocrisie bat des records, puisque pour eux seuls a été conservé l’article L. 2123-17 du code général des collectivités territoriales, issu de la loi du 21 mars 1831 qui prévoyait que « les fonctions de maire, d’adjoint et de membre du corps municipal sont essentiellement gratuites ». Par ailleurs, aux termes de cette loi, « aucun électeur ne pourra déposer son vote qu’après avoir prêté, entre les mains du président, serment de fidélité au Roi des Français, obéissance à la Charte constitutionnelle et aux lois du royaume ». Étrange hommage de la République à la Monarchie de juillet !

Accessoirement, supprimer l’article L. 2123-17 du code général des collectivités territoriales, comme le prévoit le présent texte, permettrait de sortir du dilemme qui fait actuellement des indemnités de fonction soit le salaire d’une fonction publique croupion – c’est le cas du rapport Mauroy de 2000 –, soit une forme de dédommagement soumis à impôt et à cotisations sociales, ce qui n’est pas banal pour un dédommagement. Un dédommagement d’on ne sait quoi – perte de revenu même si on est retraité, frais divers... – cohabitant avec la compensation de frais annexes, comme les frais de représentation !

Tout cela resterait une entorse à la logique si, de glissement en glissement, « l’indemnité » n’était pas devenue pour Bercy un salaire comme les autres, imposable selon les modalités communes, et pour les percepteurs sociaux un revenu à taxer comme les autres. Ainsi l’article 10 de la loi de finances pour 2017, sans crier gare, supprimait-il la possibilité de déclaration fiscale séparée des indemnités électives et des autres revenus, entraînant de fait une majoration importante de l’impôt pour nombre d’élus : « Les indemnités de fonction perçues par les élus locaux en application du code général des collectivités territoriales sont imposables à l’impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux traitements et salaires. » Étranges « fonctions gratuites » !

On s’aperçoit aussi qu’outre la valeur symbolique de la reconnaissance de la fonction communale, instituer un statut de l’élu municipal est le seul moyen d’endiguer la dérive qui fait de l’élu territorial, et particulièrement communal, dans l’exercice de ses fonctions, exercées – je le rappelle – au nom de la collectivité et dans l’intérêt général, un simple citoyen ou un professionnel.

En effet, si la longue liste des responsabilités des élus n’a rien à voir avec celle du citoyen lambda ou même d’un chef d’entreprise, d’un médecin ou d’un avocat, il en va différemment de sa responsabilité pénale. Au mieux, elle est la même ; souvent, elle est plus lourde, au motif que l’intéressé est « investi d’un mandat électif public », d’un pouvoir général de police ou « dépositaire de l’autorité publique ».

Le meilleur résumé de la situation nous est donné par Camille et Jean de Maillard : aujourd’hui, « on n’est plus citoyen que pour s’abstenir d’agir, à moins de vouloir assumer une responsabilité dont on devient l’infamant débiteur ». Tant qu’on refusera d’articuler principe d’égalité devant la loi et réalité de l’inégalité devant les charges, responsabilités et obligations, ce qui devrait être au cœur d’un authentique statut de l’élu territorial, on en restera là... Tant qu’il y aura évidemment des amateurs au rôle « d’infamant débiteur ».

Trois urgences : préciser les notions de « prise illégale d’intérêts » et de « délit de favoritisme », ce que le Sénat a déjà fait à l’unanimité à trois reprises, mais qui a disparu dans le trou noir de la navette ; préciser l’article 122-4 du code pénal en donnant force de loi à l’arrêt de la cour d’appel de Douai du 10 octobre 2012 relaxant le maire de Cousolre, dans le Nord, précédemment condamné pour avoir donné une gifle à un adolescent provocateur.

Mais l’institution d’un statut de l’élu communal ne saurait se limiter à une reconnaissance des responsabilités particulières des administrateurs communaux élus et à l’amélioration des conditions d’exercice de leur mandat. Elle doit aussi préciser les droits des conseillers municipaux, tout particulièrement ceux de l’opposition, trop souvent tributaires de la bonne ou mauvaise volonté du maire et de sa majorité.
Pour que la commune soit réellement la « cellule de base » de la démocratie, il faut que ce soit un lieu réel de débat informé sur un pied d’égalité. Avant de succomber aux charmes imaginaires de la démocratie « post représentative », l’urgence est pour moi de revivifier la démocratie représentative, en donnant toute sa place à un débat démocratique trop souvent réduit à l’exposé de discours parallèles – pour ne pas dire à un dialogue de sourds. La démocratie, avant d’être le pouvoir des majorités, c’est d’abord le débat démocratique à égalité d’information.

Tel est l’esprit de cette proposition de loi qui évidemment aborde aussi l’ensemble des dispositions pratiques susceptibles d’améliorer les conditions d’exercice des mandats municipaux : disponibilité des élus, formation, sécurité matérielle, professionnelle et juridique pour s’en tenir à l’essentiel.

À vous de dire, chers collègues, monsieur le ministre, si vous entendez lui donner une suite ou lui réserver l’habituel enterrement de première classe qui suit en général les propositions de loi que j’ai faites jusqu’à présent ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. Loïc Hervé. En tout cas, ce seront des funérailles républicaines !

M. Pierre-Yves Collombat. J’espère que ce ne sera pas une incinération.

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