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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Les mesures dérogatoires ne sont plus utiles

Code de la sécurité intérieure -

Par / 14 octobre 2020

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi s’inscrit, comme d’autres, dans la lignée des dispositifs reconduits par le Gouvernement pour cause d’épidémie de la covid-19.

Son article 1er proroge, dans la version initiale du texte du Gouvernement, les quatre premiers articles de la loi SILT d’octobre 2017.

Ceux-ci revêtaient un caractère temporaire, avec, pour les dispositions qu’ils instauraient, une échéance fixée au 31 décembre prochain. Prenant prétexte de la crise sanitaire et considérant, de ce fait, que le Parlement ne disposait pas du temps nécessaire pour débattre des conditions dans lesquelles ces dispositifs doivent être abandonnés, pérennisés ou aménagés, le Gouvernement a souhaité les proroger d’un an.

Alors que les députés ont raccourci ce délai au 31 juillet 2021, le rapporteur de la commission des lois du Sénat a tout simplement modifié le texte pour pérenniser, d’emblée, les mesures en question. Or aucune évaluation n’en a été faite et leur application suscite au contraire de nombreuses dénonciations.

Ainsi, comme l’indique dans l’une de ses motions le Conseil national des barreaux, « les dispositifs mis en place par la loi dite “SILT”, très intrusifs, qui s’apparentent à des assignations à résidence et des perquisitions contrôlées par l’administration, contournent la procédure judiciaire et les droits de la défense ». Et d’ajouter : « ces dispositifs ont des conséquences très lourdes pour les personnes visées ».

En effet, la loi SILT a transformé les assignations à résidence en « mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance » et les perquisitions en « visites et saisies ». Mais il s’agit bien des mêmes mesures liberticides que celles de l’état d’urgence, contournant la justice pénale ordinaire et les protections qui lui sont associées, mesures, dans leur très grande majorité, fondées sur des informations confidentielles, difficiles à contester et qui ouvrent donc la voie à des discriminations.

L’état d’urgence n’a malheureusement pas prouvé son utilité pour prévenir les actes de terrorisme et il a été la source de dérives inacceptables, comme les assignations à résidence détournées de leurs objectifs initiaux en étant, par exemple, utilisées à l’encontre de militants écologistes.

La loi SILT n’est pas plus utile, malgré ce que veut nous faire croire le rapport rendu chaque année par les services du ministère de l’intérieur, ou encore celui que vous avez produit en début d’année, monsieur Daubresse, et sur lequel vous vous appuyez pour pérenniser ces articles. En quoi votre rapport nous prouve-t-il que ce régime dérogatoire est nécessaire pour notre sécurité ? Le droit pénal et nos services de renseignement, dont les moyens humains doivent être renforcés, sont largement suffisants !

Amnesty international a d’ailleurs déjà démontré que les dispositions de la loi pouvaient mener à des violations du droit au respect à la vie privée et familiale, du droit au travail, de la liberté d’aller et venir et du droit à une procédure équitable, en plus des graves conséquences psychologiques qu’elles pouvaient entraîner.

En outre, en 2018, lors de l’examen périodique universel de la France à l’Assemblée générale des Nations unies, plusieurs États se sont inquiétés du manque de respect des droits humains dans le cadre de la lutte contre le terrorisme en France et ont insisté sur la nécessité de mettre en place un mécanisme indépendant de suivi.

Quant à l’article 2 du projet de loi, il vise à proroger la disposition expérimentale issue de la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement : la technique de recueil de renseignement algorithmique.

Plus que critiquable sur le fond, cette technique de renseignement apparaît de surcroît inutile, puisque l’analyse en continu des données par les boîtes noires n’aurait permis de détecter qu’une petite dizaine de profils faiblement à risque. La disproportion entre ces résultats et les moyens mis en œuvre pour écouter et observer la société tout entière est, pardonnez-moi, aberrante !

De plus, dans son arrêt du 21 décembre 2016, la Cour de justice de l’Union européenne a estimé qu’une réglementation nationale prévoyant, à des fins de lutte contre la criminalité, une telle conservation des données constituait en soi une atteinte disproportionnée aux droits fondamentaux.

Au moment des débats sur la loi SILT, nous dénoncions déjà la banalisation des mesures d’urgence et la fragilisation de l’État de droit et des libertés fondamentales. Aucune évaluation des dispositifs prorogés n’a été faite. En dépit des décisions de censure de certaines dispositions par le Conseil constitutionnel, ni la nécessité, ni la proportionnalité, ni l’efficacité de telles mesures n’ont été démontrées.

Nous restons aujourd’hui convaincus que les vraies réponses à apporter pour lutter contre le terrorisme résident dans les moyens donnés à la justice et aux services de renseignement, plutôt que dans la surenchère en matière législative. Tous les fonctionnaires de terrain en témoignent : les lois ne manquent pas, les moyens oui !

Pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, nous voterons définitivement contre ce projet de loi.

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