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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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On confond demandeur d’asile et immigré

Réforme de l’asile -

Par / 11 mai 2015

Avec le naufrage et la mort de centaines de migrants survenus au large des côtes libyennes ces dernières semaines, l’examen du présent texte relatif au droit d’asile s’inscrit dans une actualité dramatique et – malheureusement – répétitive qu’il ne suffit pas de constater. Ces drames humains, qui bénéficient d’une large couverture médiatique, ne sont que la partie visible de la souffrance de ces hommes, femmes et enfants confrontés, après les sentiers de l’exil, aux dédales de notre système d’accueil.

Ces êtres humains ont plusieurs visages : Soudanais persécutés par Boko Haram, Rohingyas – musulmans de Birmanie apatrides –, Yézidis et chrétiens qui fuient l’arrivée de l’État islamique en Irak, ou encore Bangladais réfugiés climatiques, victimes de la montée des eaux, par conséquent, des peuples entiers, mais aussi des individus persécutés en raison de leur minorité, de leur orientation sexuelle, voire de leur simple appartenance au genre féminin. Tous ces exemples nous rappellent, avec une féroce acuité, la nécessité du droit d’asile.

À cet égard, je tiens à saluer le travail des associations de soutien aux réfugiés, ainsi que celui des professionnels du droit qui incarnent au jour le jour les valeurs de notre République, aux côtés des réfugiés.

Ce qui se joue est très grave. Nous parlons du destin de femmes, d’enfants et d’hommes contraints de s’exiler dans la détresse, en quête de sécurité et d’une vie meilleure, et que l’on renvoie parfois tout simplement à la mort.

Prenons en compte l’humain d’abord et non les chiffres, tels ceux qui ont été récemment évoqués par la Cour des comptes et qui ont conduit au report de la publication du rapport de la commission des lois – ce que j’avais approuvé – et à un durcissement du présent texte – ce que je ne peux que réprouver.

Malgré le dévouement et le professionnalisme de l’ensemble des personnels concernés, notre système d’accueil en matière d’asile est défaillant : manque de places en CADA, saturation des dispositifs d’urgence, procédures trop complexes, allongement des délais de traitement, manque d’accompagnement des demandeurs d’asile, faible intégration des personnes ayant obtenu le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire… Mais de là à le considérer « à l’agonie », il y a – me semble-t-il – de la marge. En ce sens, la Cour des comptes nous propose une vision très dangereuse de l’asile, car purement comptable.

Arrêtons-nous donc un instant sur les chiffres, tout en gardant à l’esprit que la situation de la France est incomparable à celle du Liban, de la Jordanie ou même de la Turquie qui accueillent, dans des structures collectives, des centaines de milliers de réfugiés. Rappelons-nous aussi que les Nations unies estiment que, chaque jour, 32 000 hommes, femmes et enfants sont contraints à l’exil quand la France fait l’objet de quelque 60 000 demandes annuelles et que plus de 80 % de ces réfugiés atterrissent dans des pays dits « en développement ».

Quant aux demandeurs d’asile qui parviennent à franchir la fameuse forteresse Europe, des quatre pays européens ayant reçu le plus grand nombre de demandes d’asile en 2014, la France est celui qui y accède le moins, avec 21,7 % de réponses positives. Ramené aux populations des États membres, c’est en Suède que le nombre de demandeurs d’asile est le plus élevé, devant la Hongrie, l’Autriche et Malte.

Contrairement aux idées reçues, ni l’Europe ni la France ne sont les principales zones destinataires du flux des demandeurs d’asile. Ces chiffres nous invitent à combattre les discours démagogues, ce que les membres du groupe communiste, républicain et citoyen s’engagent à faire tout au long de ces débats.

Mais au-delà de la question de savoir si nous accueillons trop ou pas assez de réfugiés, il devient urgent d’apporter à chacun d’entre eux un accueil de qualité, une réponse juste, rapide et effective. L’objectif est de rendre son sens au droit d’asile : il faut réduire les délais de traitement tout en améliorant la qualité de la décision, finalités tout à fait complémentaires.

Par le biais du présent projet de loi, le Gouvernement propose des améliorations au droit d’asile et la mise en lumière de certains grands principes incontournables qu’il reste toutefois à mieux définir.

Ce texte est porteur de plusieurs avancées issues des directives européennes, notamment d’un meilleur accès à la demande d’asile avec le droit au maintien sur le territoire français, pour tous les demandeurs, jusqu’à la décision définitive de l’OFPRA ou de la CNDA.

Les conditions de l’examen de la demande sont également améliorées, en particulier grâce à une mesure emblématique : l’entretien individuel systématique par l’OFPRA avec le demandeur d’asile et la possibilité, pour ce dernier, d’être assisté d’un avocat ou d’un représentant d’association.

D’autres avancées proposées à l’origine – vous pouvez le constater, monsieur le ministre, nous savons reconnaître et saluer les dispositions qui vont dans le bon sens…

M. Bernard Cazeneuve, ministre. C’est rare !

Mme Éliane Assassi. Si vous étiez plus souvent parmi nous, vous verriez que ce n’est pas si rare. Mais vous n’écoutez pas les communistes, que vous considérez sans doute aujourd’hui comme des adversaires.

Mme la présidente. Vous vous éloignez du sujet, madame Assassi.

Mme Éliane Assassi. À la tribune, ma parole est libre, madame la présidente.

D’autres avancées, disais-je, proposées à l’origine, ont été rognées par la commission des lois du Sénat.

Cependant, la mise en œuvre de ces mesures dépendra largement des moyens qui seront alloués pour garantir un hébergement et une allocation à tous les demandeurs. Nous attendons des précisions de la part du Gouvernement sur ce point.

De plus, plusieurs dispositifs d’amélioration sont porteurs de limitations, voire de contradictions qui vident les droits de leur substance. Il en est ainsi du droit d’être assisté par un tiers, fortement mis en cause. Nous vous proposerons de faire de cette mesure une véritable avancée pour l’accueil des demandeurs d’asile, en permettant à l’avocat ou à un représentant d’association de prendre la parole et des notes au cours de l’entretien.

Il en est de même du droit au maintien sur le territoire. Les dérogations prévues par la présente réforme sont plus étendues que celles qui sont définies dans la directive européenne dite « Procédures », pourtant d’interprétation stricte.

En cet instant, je souhaite rappeler que le législateur ne doit pas se borner à transposer les directives du « paquet asile », mais que chaque État est libre d’ajouter un certain nombre de mesures qu’il estime utiles pour régler sa propre situation. Gardons à l’esprit que les principes régissant l’asile sont garantis par la Constitution.

Par ailleurs, un certain nombre des dispositions préconisées sont pour nous source de grande préoccupation, à commencer les nouvelles missions confiées à l’OFII. Ces mesures laissent à penser que des considérations liées à la gestion des flux migratoires prendront le pas sur les besoins de protection des demandeurs d’asile.

Ainsi, au regard des travaux de l’Assemblée nationale en première lecture et de ceux de la commission des lois du Sénat auxquels nous avons assisté, nous sommes très inquiets d’un certain discours teinté d’humanisme, mais qui masque mal le choix d’une politique du chiffre inavouée et de préoccupations de gestion des flux.

À cet égard, nous sommes vivement opposés à la procédure d’asile accélérée, dès lors qu’elle repose sur l’idée selon laquelle le détournement du droit d’asile serait aujourd’hui la règle. Son champ d’application, bien trop élargi par rapport à la procédure prioritaire déjà existante, permettra, d’une part, à l’OFPRA de traiter de manière expéditive l’essentiel des demandes d’asile et, d’autre part, de faire juger par un juge unique, devant la CNDA – dans un délai également expéditif –, l’essentiel des demandes rejetées par I’OFPRA. Ainsi, le principe deviendra assurément la procédure accélérée à juge unique en méconnaissance flagrante de toutes les garanties procédurales et de fond prévues par le droit européen, national et international des droits de l’homme.

De plus, le texte soumis à notre examen à l’issue des travaux de la commission est empreint de l’amalgame – croyez bien que je le regrette – entre demandeurs d’asile et immigrés. Pis encore, entre demandeurs d’asile et fraudeurs. Un article entier a été inséré pour écarter les « étrangers déboutés de leur demande d’asile » de l’hébergement d’urgence. Il s’agit là d’une vision scandaleuse de l’asile qui repose sur des chiffres par ailleurs inexistants et ne résiste à aucune analyse. Nous nous opposerons fermement à ces nouvelles dispositions inhumaines, tout comme à d’autres mesures directives ou discriminatoires.

Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue !

Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, des orateurs précédents ont dépassé leur temps de parole de deux minutes !

Nous nous sommes d’autant plus réjouis de la volonté du Gouvernement d’améliorer le fonctionnement du droit d’asile en France que nous plaidons depuis des années pour une véritable réforme. Cependant, au regard des arguments que je viens d’avancer, nous ne pouvons que douter de certaines de vos intentions qui semblent à la fois floues et guidées par une politique du chiffre…

M. Alain Néri. Que ne déposez-vous des amendements, alors !

Mme Éliane Assassi. Je ne vous ai pas attendu, monsieur Néri ! Laissez-moi finir mon propos, vous comprendrez mieux ce que je veux dire !

Cette politique du chiffre permet donc à la droite sénatoriale, …

M. Stéphane Ravier. Calmez-vous !

Mme Éliane Assassi. … par l’intermédiaire des travaux de la commission, de durcir le texte initial. Vous êtes content comme ça, monsieur Néri ?

M. Alain Néri. C’est vous qui n’êtes pas contente ! Déposez des amendements !

M. Roger Karoutchi, rapporteur pour avis. Mais faites-le taire !

Mme Éliane Assassi. Avez-vous déjà vu le groupe communiste ne pas déposer d’amendements sur un texte ? (Sourires.)

M. Alain Néri. Vous avez raison !

Mme Éliane Assassi. Les idées que j’avance à la tribune, nous les défendrons par voie d’amendement !

C’est dans cet état d’esprit que nous présenterons au cours des débats un certain nombre d’amendements tendant à améliorer le texte.

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