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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Quid des moyens ?

Agressions sexuelles sur mineurs -

Par / 20 octobre 2015

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame Troendlé, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, de précédents orateurs l’ont rappelé : nous examinons le présent texte à l’aune de deux affaires de violences sexuelles sordides survenues au début de l’année, l’une dans l’Isère, l’autre en Ille-et-Vilaine.

Extrêmement graves, ces violences ont été commises en milieu scolaire par des éducateurs aux antécédents judiciaires avérés de violences sexuelles ou de pédophilie.

Personne ne peut accepter de tels actes.

La proposition de loi initiale présentée par Mme Troendlé consistait, pour l’essentiel, à introduire deux nouvelles dispositions dans notre droit pénal.

Premièrement, les articles 1er et 2 permettaient à la juridiction de jugement de prononcer une interdiction définitive d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact avec des mineurs lorsqu’une personne avait été condamnée pour un crime ou un délit sexuel commis contre un mineur.

Deuxièmement, l’article 3 prévoyait que, dès l’ouverture d’une information judiciaire pour un crime ou un délit sexuel commis contre un mineur, l’autorité judiciaire informait l’organisme auprès duquel la personne exerçait une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact avec des mineurs.

En l’état, ce texte n’était pas, à nos yeux, acceptable.

Juridiquement, les articles 1er et 2, rendant définitive la peine complémentaire, tombaient sous le coup de la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à l’individualisation des peines. (Mme Catherine Troendlé le confirme.) Ces dispositions, en effet, ne permettaient pas à la juridiction de moduler l’importance de ces sanctions, en fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité de l’auteur.

Par ailleurs, soulignons le caractère excessif d’une condamnation à vie, quelle que soit la gravité de l’agression commise. (Mme Catherine Troendlé manifeste sa circonspection.)

Ce constat a été rappelé : les dispositions de l’article 3 ont déjà été débattues par le Sénat en juillet dernier, au titre d’un projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne. Les membres du groupe communiste, républicain et citoyen avaient alors voté la motion d’irrecevabilité déposée par le rapporteur, M. Zocchetto.

Par un article introduit à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a repris les mêmes dispositions, il est vrai dans une version « allégée ». Mais ce dispositif contrevenait au secret de l’instruction et au principe constitutionnel de présomption d’innocence. En effet, il permettait au parquet d’informer les administrations de tutelle de l’existence de procédures judiciaires en cours, en dehors de tout contrôle judiciaire, lorsqu’elles concernent des personnes conduites, par leur activité professionnelle, à travailler régulièrement au contact de mineurs.

Pour toutes ces raisons, nous nous serions fermement opposés à la proposition de loi de Mme Troendlé, telle qu’elle était initialement rédigée. Mais force est de constater que la commission, en adoptant les amendements du rapporteur, François Zocchetto, s’est efforcée, comme le mentionne le rapport, « de définir un équilibre entre la nécessaire protection des mineurs et le respect des principes constitutionnels ». (Mme Catherine Troendlé acquiesce.)

Aussi, nous saluons la mise en conformité de ce texte avec ces grands principes constitutionnels que sont la présomption d’innocence et l’individualisation des peines.

De surcroît, cette réécriture respecte, selon nous, le secret de l’enquête et de l’instruction, élément essentiel de la procédure pénale. De fait, les mesures envisagées via cette « nouvelle » proposition de loi tendent à protéger les mineurs des auteurs d’agressions sexuelles, en permettant de mieux tenir les personnes concernées à l’écart.

D’une part, la peine complémentaire d’interdiction d’exercer, qui figurait déjà dans le code pénal, est érigée en principe. D’autre part, la transmission de l’information est étendue aux personnes placées sous contrôle judiciaire.

Toutefois, je sais, moi aussi, faire preuve d’équilibre (Sourires.) : deux questions restent en suspens, à commencer par celle des moyens.

La conclusion du rapport des deux inspections générales est sans appel : « Rien ne permet d’affirmer, à ce jour, que toutes les condamnations concernant des agents en fonction dans des établissements scolaires ont bien été transmises à l’éducation nationale ; il ne peut, en conséquence, être exclu que des situations identiques à celles de l’Isère et de l’Ille-et-Vilaine se reproduisent ».

Cependant, les motifs de ces dysfonctionnements n’en sont pas moins clairs : les obstacles à la transmission s’expliquent essentiellement par des problèmes d’organisation, par l’insuffisance des moyens informatiques, par le manque d’interlocuteurs clairement identifiés, porteurs de responsabilités claires au sein des rectorats et par l’absence de dispositif d’alerte structuré.

Tous ces dysfonctionnements techniques et organisationnels contribuent à la déperdition d’informations entre les deux institutions et nous plongent aujourd’hui dans un climat d’incertitude glaçant.

La seconde question touche à l’opportunité de légiférer.

Dans la précipitation, le Gouvernement avait d’abord souhaité ajouter des dispositions de dernière minute à la loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne.

La présente proposition de loi apparaît comme un texte de surenchère, que nous examinons aujourd’hui dans sa version entièrement révisée par la commission des lois.

Dans le même temps, en effet, le Gouvernement a annoncé son intention de soumettre prochainement au Parlement un projet de loi, en cours d’examen par le Conseil d’État, et a adressé aux recteurs et aux procureurs le 16 septembre dernier une circulaire visant à mettre en place des personnels référents afin de faciliter la communication entre les deux institutions.

L’effervescence et la confusion autour de ce sujet traduisent une émotion certaine. Il en va de même de la – surprenante – demande d’engagement de procédure accélérée, que le président Larcher a soumise hier au Premier ministre. Elle a été rejetée, et à raison : le Parlement se serait sabordé lui-même en se privant d’une deuxième lecture. Je garde à l’esprit les propos du président Larcher concernant ladite procédure accélérée et le combat farouche qu’il mène en défense du bicamérisme !

Face à une problématique de la gravité de celle qui nous occupe aujourd’hui, il nous paraît essentiel de réfléchir calmement aux dispositions qu’il est effectivement nécessaire de mettre en œuvre. Elles sont, à nos yeux, d’abord d’ordre réglementaire. Il revient au Gouvernement de s’emparer des neuf recommandations, de nature technique et organisationnelle, qu’ont formulées les inspections générales concernées.

Notre groupe mesure, comme tous ici, l’importance de ce sujet. Si nous ne sommes pas opposés au texte issu des travaux de la commission, dont les objectifs et les nous semblent aller dans le bon sens, nos interrogations concernant les moyens comme l’opportunité de légiférer dans l’émotion nous empêchent d’y être pleinement favorables. Les sénatrices et les sénateurs du groupe communiste, républicain et citoyen privilégieront donc la prudence en s’abstenant.

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