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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Souhaitez-vous laisser le débat aux seules chaînes d’information et aux seuls réseaux sociaux ?

Modification du règlement du Sénat -

Par / 1er juin 2021

Madame la présidente, mes chers collègues, pour la troisième fois en six ans, notre assemblée remet son règlement sur le métier. Je le dis d’emblée, notre déception est grande, car nous aurions pu penser que l’affaiblissement constaté par tous du Parlement, du législatif face à l’exécutif, en particulier lors de la crise sanitaire, aurait débouché sur une réflexion relative à ses moyens d’intervention. Je pense à ses moyens d’action, et pas seulement de contrôle, les missions de contrôle ressemblant trop souvent à un lot de consolation pour un Parlement abaissé du point de vue législatif.

M. le président du Sénat ne cesse de répéter que « notre cœur de métier », c’est de faire la loi. En quoi cette proposition de résolution améliorera-t-elle les pouvoirs du Sénat et des parlementaires ? En rien, ou en si peu de chose…

Depuis des années, nous répétons inlassablement une évidence : pour renforcer une institution, il ne faut pas amoindrir ses prérogatives essentielles. La prérogative essentielle du parlementaire est de faire la loi et, à ce titre, de pouvoir susciter le débat, d’exposer des arguments. C’est, en un mot, le droit à la parole, le droit à l’expression.

Ce temps d’expression est systématiquement rogné depuis trente-cinq ans au nom de la rationalisation du travail parlementaire. Ce concept, que nous considérons comme profondément antidémocratique, vise à convaincre que débattre, mais aussi amender – j’y reviendrai –, ne serait pas raisonnable.

Nous manquons de temps pour traiter avec rigueur le nombre considérable de textes qui nous sont soumis. Mais qui en porte la responsabilité ? Pourquoi n’est-il pas dit une fois pour toutes que le pouvoir exécutif suscite, depuis des années, une formidable inflation législative et une frénésie de réformes bien souvent imposées, voire obligées, par les normes européennes ? Les responsables d’une éventuelle surchauffe du Parlement ne sont certainement pas les parlementaires eux-mêmes, mais bien ceux qui abreuvent l’ordre du jour de textes trop souvent mal préparés ou de circonstance.

Mes chers collègues, nous avons déjà beaucoup cédé, et nos interventions sont parfois si courtes sur des sujets qui pourraient susciter des thèses que le sens même du débat peut se perdre. Ce sont des échanges, du travail et de la confrontation pluraliste des idées que peuvent naître les équilibres chers à beaucoup d’entre vous.

Aujourd’hui, de manière presque incongrue, sinon provocatrice, la majorité souhaite réduire de deux minutes trente à deux minutes le temps de parole des interventions en dehors d’une discussion générale ou d’une motion de procédure. Pourtant, en 2015 et en 2019, le Conseil constitutionnel avait émis une réserve d’interprétation sur cette volonté dogmatique de contraindre le droit d’expression des parlementaires. Pourquoi prendre une telle mesure ? Quelle leçon tirez-vous de l’affaiblissement renforcé de notre pouvoir depuis mars 2020 ? Quelles leçons tirez-vous de la crise politique en cours ? Souhaitez-vous laisser le débat aux seules chaînes d’information en continu et aux seuls réseaux sociaux ? La démocratie est intimement liée au temps. Sans ce temps, ce sera l’avènement de la dictature de l’instant.

Cette proposition de résolution ne retient aucunement les propositions d’un débat sur l’état du droit d’amendement, émanant au moins de deux groupes. Depuis des années, chacun ici se plaint – souvent hors micro, malheureusement – des excès d’application des irrecevabilités constitutionnelles concernant les amendements. Nous avons déposé volontairement plusieurs propositions pour tenter d’obtenir des réponses, afin d’améliorer ce droit essentiel pour l’existence du Parlement.

L’exemple du débat budgétaire est frappant. La réduction considérable du droit d’amendement depuis l’application de la LOLF (loi organique relative aux lois de finances), qui a amplifié les effets de l’article 40, tue la discussion et annihile les échanges sur des propositions alternatives. Peut-on parler de démocratie parlementaire si la confrontation des projets ne peut avoir lieu ?

Cette proposition de résolution passe donc, selon nous, à côté de l’essentiel : riposter au projet constitutionnel d’Emmanuel Macron visant justement les prérogatives des assemblées, en critiquant le manque d’efficacité ou le temps perdu. Avec M. le président du Sénat, nous avons toutes et tous combattu cette tentative dangereuse pour la démocratie. Pourquoi, aujourd’hui, ne pas agir pour redonner au débat toute sa force au sein du Sénat ?

La proposition de résolution met en avant une amélioration du contrôle des ordonnances. Bien ! Mais vous savez tous ici que, tant que l’article 38 de la Constitution ne sera pas supprimé ou encadré, la force des ordonnances pourra difficilement être contrainte.

Enfin, vous aménagez le droit de pétition. Cela pourrait être une action utile pour l’exercice de la citoyenneté. Mais pourquoi avoir placé l’exercice de ce droit utile sous le contrôle de la majorité sénatoriale, puisque c’est elle qui décidera de la vie ou de la mort d’une pétition ? Nous proposerons par amendement de desserrer cet étau.

Nous avons du mal à saisir le sens de cette énième réforme de nos méthodes de travail, qui ne répondra certainement pas aux besoins démocratiques que j’ai évoqués. Au bout du compte, nous assistons à une réaffirmation du fait majoritaire, assorti d’une nouvelle réduction des prérogatives parlementaires.

Le groupe CRCE votera donc contre ce texte.

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