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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Un immense chantier social et sociétal

Lutte contre les violences sexuelles et sexistes -

Par / 4 juillet 2018

Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, mes chers collègues, si un important travail a été effectué jusqu’ici par les associations féministes et celles qui luttent contre les violences sexistes et sexuelles, ainsi que par les délégations aux droits des femmes des deux chambres du Parlement, le sentiment prévalant est toujours celui de la maltraitance des victimes et de l’impunité des agresseurs. Le texte qui nous est soumis propose d’apporter une réponse législative à ce qui est surtout un immense chantier social et sociétal à ses balbutiements.

M. Philippe Bas, président de la commission. Très juste !

Mme Esther Benbassa. Quoi que l’on puisse penser de ses dispositions, la première chose qui frappe, c’est son relatif manque d’envergure.

Qui peut vraiment penser que quatre modifications législatives suffiront pour lutter efficacement contre les violences sexistes et sexuelles ? Elles peuvent au mieux lancer un processus permettant de mieux aborder ces questions, mais elles ne s’attaqueront pas à la racine du mal. La réalité de notre société, qui méconnaît encore souvent la gravité, la fréquence et la prégnance des violences sexistes et sexuelles, devrait nous inciter à plus d’ambition.

La parole féminine qui s’est exprimée ces derniers mois et les hashtags #MeToo et #BalanceTonPorc qui ont déferlé sur les réseaux sociaux sont venus nous rappeler que les violences sexistes et sexuelles s’exercent sur nos concitoyennes de manière massive, sans distinction de milieu social ou professionnel. Ce mouvement, souvent présenté comme une libération de la parole des femmes, nous interroge d’abord sur le silence qui l’a précédé et qui, quoi qu’on dise, s’impose toujours à l’immense majorité des victimes.
Ces problématiques ne sont pas nouvelles. Elles ont d’ailleurs été évoquées ici même en février 2017 lors d’un débat lancé sur mon initiative sur le thème : « Violences sexuelles : aider les victimes à parler ». Modifier la loi est-elle la réponse ? Le législateur ne peut certes plus occulter le problème, mais c’est aussi la société tout entière, femmes et hommes ensemble, qui se doit d’apporter des réponses à ces atteintes majeures à l’intégrité même du corps féminin.

Cette histoire remonte à loin. Longtemps soumise à une domination masculine sans partage, considérée d’abord comme reproductrice, comme objet de convoitise sexuelle, la femme continue de subir les effets de sa supposée « infériorité » sociale. En témoignent entre autres l’inégalité salariale entre les femmes et les hommes, le peu de place que les femmes occupent en politique, dans les conseils d’administration, à la tête des entreprises, aux postes à responsabilité. Les exemples sont nombreux, jusqu’à la circulation de la parole féminine elle-même sans cesse interrompue, ici… (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.) et là. Les violences sexistes et sexuelles découlent d’une perception globale, directe ou indirecte, de la femme comme objet plutôt que comme sujet, perception que nombre de femmes elles-mêmes ont fini par intérioriser.

Leur silence face aux violences sexistes et sexuelles n’est pas étranger à cette situation, même si des garçons mineurs sont également agressés sexuellement, violés, mais en nombre toutefois inférieur à celui des femmes.

Ce n’est pas un hasard si, en France, une femme victime de viol sur dix porte plainte contre son agresseur. Ce chiffre est certes impressionnant, mais il ne peut être imputé à la seule faiblesse supposée de notre arsenal législatif. Ce silence est lié aussi à ce qu’il convient d’appeler la culture du viol, qui consiste à faire porter à la victime d’une agression une partie de la culpabilité.
Pour démonter cette culture du viol, il est nécessaire de rappeler inlassablement qu’une victime de harcèlement ou d’agression sexuelle n’est jamais responsable de ce qu’elle subit ! Il est indispensable de développer l’information et la prévention dans les écoles, les universités, les administrations, les entreprises, pour que les citoyennes et les citoyens puissent appréhender clairement ce qui relève d’une infraction sexuelle, la repérer, y réagir et surtout le dénoncer.

Si tout cela n’est pas accompagné d’une valorisation de la place de la femme dans la société, les efforts déployés pourraient se révéler vains. Éducation et manuels scolaires ont un rôle important à jouer en la matière en faisant évoluer leur contenu.

On ne peut pas se dispenser non plus, pour les victimes osant parler, d’un véritable accompagnement au moment du dépôt de la plainte, puis tout au long de la procédure.

De même, si la police et la justice ne sont pas dotées des moyens financiers et des formations nécessaires à cette mission, il est à craindre que tout cela ne soit qu’un coup d’épée dans l’eau.

Toutes ces questions méritent débat. Nos divergences seront probablement nombreuses. Convenons toutefois toutes et tous que ce sujet doit définitivement cesser d’être un tabou. La parole libérée des femmes doit nous pousser à nous saisir enfin de cette question à bras-le-corps.

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