Lois
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
Une colonisation de peuplement en Nouvelle-Calédonie
Projet de loi organique pour reporter les élections en Nouvelle-Calédonie -
Par Robert Xowie / 27 février 2024Le Gouvernement propose de reporter les élections du pays au plus tard au 15 décembre 2024. En facilitant l’intégration des nouveaux arrivants ayant une durée de résidence de dix ans, il justifie une colonisation de peuplement et organise la noyade démographique du peuple originaire.
C’est contraire aux résolutions des Nations unies, qui recommandent aux puissances administrantes de veiller à ce que le droit à l’autodétermination ne soit pas entravé par l’immigration ou le déplacement de populations.
Or le Gouvernement français décide seul de qui sera citoyen et met fin aux équilibres négociés entre partenaires calédoniens. Rappelons-nous que l’ouverture du droit à l’autodétermination aux communautés arrivées par la colonisation est le fruit de l’accord de NainvilIe-Ies-Roches de juillet 1983. Rappelons-nous que la citoyenneté calédonienne est un enjeu essentiel de l’accord de Nouméa.
Avec ce texte, l’État la préempte définitivement et unilatéralement : le Gouvernement revient ainsi sur l’accord de 2007 initié par Jacques Chirac, dont je salue la mémoire.
Le 17 janvier dernier, le congrès a rendu hommage à Louis Le Pensec et à Michel Rocard, qui avaient bâti des accords de paix. Cette méthode est malheureusement révolue.
Sous prétexte d’encourager les parties à dialoguer, le Gouvernement accélère la cadence. Sa justification est maladroite : ce changement brutal de méthode suscite de très vives inquiétudes.
Les indépendantistes doutent de la capacité de l’État à résoudre le dossier calédonien. Les éléments fondamentaux de l’accord de Nouméa sont traités avec trop de légèreté : cette discussion appartient aux acteurs locaux. L’État veut aboutir à un accord global avant le 1er juillet, mais échanger prend du temps : les accords de Matignon et de Nouméa ont été cités en exemple à plusieurs occasions dans le monde.
Nos interlocuteurs actuels ne sont plus animés par le même esprit du vivre-ensemble : le Gouvernement a choisi son camp en modifiant le corps électoral, pourtant l’essence même de ce processus novateur et inédit de décolonisation.
Si un accord était conclu avant le 1er juillet, les élections provinciales pourraient être repoussées jusqu’en décembre 2025. Or, dans son arrêt du 22 juin 2023, la Cour de cassation considère que celles-ci pourraient se tenir normalement.
Au nom de la démocratie, le report du troisième référendum a été refusé ; le ministre Lecornu indiquait alors que, dans une démocratie, on tient les élections à l’heure. Au nom de la même démocratie, l’État propose aujourd’hui un report des élections provinciales. Mais pourquoi avoir refusé le report du troisième référendum ? C’est le « deux poids, deux mesures » !
Chez nous, le temps du palabre est préférable à la témérité. N’oublions jamais que les accords de Matignon et de Nouméa ont permis aux Calédoniens de vivre en paix pendant trente-six ans. Laissons les partenaires calédoniens renouveler leur légitimité en mai 2024 : je voterai contre ce projet de loi.