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Les communiqués de presse

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Le gouvernement s’est rendu responsable d’un gaspillage de fonds publics

Rapport de la commission d’enquête sur la gestion de la grippe H1N1 : contribution du groupe CRC-SPG -

Par / 5 août 2010

Au cours de ces six mois d’enquête menée par la commission du Sénat, il est apparu que le Gouvernement n’avait pas su prendre les bonnes décisions au bon moment.

La France, comme de nombreux pays, s’était minutieusement préparée à une pandémie... qui n’a pas eu lieu ; celle qui s’est produite n’avait rien à voir avec celle que l’on attendait.

Cette erreur de prévision n’aurait pas eu de conséquences fâcheuses si elle avait été analysée et assumée dans les temps, si le Gouvernement avait procédé aux révisions nécessaires que la situation impliquait.

Il n’en a rien été.

Tout s’est déroulé comme s’il n’y avait pas eu d’alternative au plan conçu pour une pandémie cent fois plus meurtrière que celle qui se présentait, comme s’il fallait l’appliquer quoi qu’il en coûte, fût-ce au prix d’un travestissement de la réalité.

C’est ainsi que les scénarios les plus pessimistes ont été privilégiés sans qu’aucun fait ne vienne les étayer et que toutes les informations rassurantes disponibles ont été écartées ou ignorées.

Ce déni de réalité connaîtra son épilogue le 4 janvier dernier avec la résiliation de la commande de 50 millions de doses de vaccin sur les 94 millions prévues initialement. Cette commande aurait pu être modulée, comme en Espagne, en fonction du schéma vaccinal, ou plus mesurée, comme en Allemagne ou en Italie.

Pourquoi ce qui est possible à Rome, Madrid ou Berlin ne l’a pas été à Paris ? Pourquoi certains gouvernements ont-ils cédé au chantage de l’industrie pharmaceutique alors que d’autres ont tenu bon ?

Le rapport sur ce point n’apporte pas les réponses que l’on était en droit d’attendre.

Peut-on, par ailleurs, comme le fait un peu hâtivement le rapporteur, donner quitus au Gouvernement de sa gestion au seul motif que « la catastrophe n’a été que financière » ? Pour notre part, nous ne le pensons pas et nous considérons avec le professeur Gentilini que « l’erreur par excès, au même titre que l’erreur par défaut, est une faute grave »177(*). Il n’est pas acceptable, singulièrement dans la situation actuelle des comptes publics et de l’assurance maladie, que le Gouvernement n’ait pas mesuré les conséquences financières des décisions qu’il prenait et se soit rendu responsable d’un gaspillage de fonds publics.

Ainsi les estimations provisoires font-elles apparaître que chaque injection de vaccin pandémique a représenté un coût supérieur à 100 euros, c’est-à-dire 5 fois plus que pour le vaccin saisonnier. Voilà qui fait beaucoup pour cette nouvelle « défaite de la santé publique »178(*). Quel crédit accorder désormais au Gouvernement ?

Quelques éléments nous semblent mériter d’être soulignés car ils complètent utilement ce rapport.

LE CONTEXTE DE LA PRISE DE DECISION

Les risques de surévaluation

Contrairement à ce qu’a pu avancer la ministre de la santé lors de son audition, la définition de la pandémie a bel et bien changé puisque le critère de gravité a été supprimé. C’est aussi le constat dressé par notre rapporteur.

La nouvelle définition de la pandémie souffre de cette contradiction originelle car « il peut y avoir des infections géographiquement très répandues mais qui ne sont pas graves : on peut donc avoir un phénomène de dissémination importante sans pour autant parler de pandémie », a constaté devant la commission d’enquête John Ryan, chef de l’unité « Menaces pour la santé » au sein de la direction générale de la santé et des consommateurs de la commission européenne179(*).

C’est précisément une infection de ce type, très contagieuse et bénigne, que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2009 a qualifié de pandémie.

L’OMS a ainsi mis en place des conditions favorables pour permettre de décréter la planète en état de pandémie perpétuelle, l’hémisphère Sud prenant le relais de l’hémisphère Nord pour en assurer la continuité dans le temps, puisqu’il est désormais loisible de « considérer les grippes saisonnières comme des pandémies », comme l’a remarqué Tom Jefferson au cours de son audition180(*).

Ulrich Keil insistant quant à lui sur le fait que le niveau maximal de l’alerte pandémique n’aurait jamais été déclenché concernant la grippe A (H1N1) si l’on avait maintenu la précédente définition de la pandémie et que cette dernière n’avait toujours pas été levée au moment où il s’exprimait devant notre commission d’enquête le 17 mai - c’est toujours le cas aujourd’hui - a considéré qu’« au regard des faits, la grippe A apparaît comme une énorme bulle de marketing. L’OMS, et ses conseillers nationaux et internationaux ainsi que les autorités nationales doivent révéler leurs processus de décision et tirer les conséquences de leurs erreurs de jugement. Sinon, un mouvement perpétuel mondial d’épidémies imaginaires ne cessera de nous hanter, avec des conséquences financières désastreuses. »

Concernant la démarche entreprise par l’OMS pour tirer les leçons de la pandémie, nous ne partageons pas l’optimisme du rapporteur quant à l’issue des travaux du comité d’examen du Règlement sanitaire international (RSI).

1) Tout d’abord parce qu’il ne s’agit pas là d’un comité ad hoc : créé en 2008 pour contrôler le RSI et non spécifiquement pour se pencher sur la gestion de la grippe, il s’est vu rajouter cette mission en janvier 2010 lors de sa mise en place.

2) Ensuite son indépendance, en dépit de la présence à sa tête d’une personnalité incontestée, aurait sans doute été moins contestable si ce comité avait été constitué d’experts étrangers à l’institution, gage d’une plus grande objectivité.

German Vélasquez, ancien directeur du programme d’accès aux médicaments pour les pays en développement de l’OMS, au cours de l’entretien qu’il a bien voulu accorder à une délégation de la commission d’enquête à Genève, est venu renforcer nos craintes en qualifiant de « comédie » cette initiative prise par la directrice de l’OMS, Margaret Chan.

Les experts

Comme il est écrit dans le rapport, « aucun élément dont elle dispose ne [permet] à la commission d’enquête de conclure que des préconisations [ont] été faites, en raison des liens d’intérêts de certains experts ».

Nous aurions souhaité que le raisonnement soit poussé plus loin et que le rapport précise également qu’aucun élément tangible ne lui permet de soutenir qu’il n’y en a pas eu.

D’une manière générale, tant que la neutralité de l’expertise ne sera pas organisée et tant que les experts ne parviendront pas à exercer leurs activités en dehors de tout soupçon, il subsistera toujours un doute quant à l’impartialité de leurs avis et de leurs recommandations.

Pour illustrer la situation ambiguë dans laquelle se trouve l’expertise, on peut évoquer quelques éléments récoltés par la commission d’enquête auxquels viennent s’ajouter des exemples mentionnés dans un article publié dans le British Medical Journal181(*).

Ainsi le professeur Ulrich Keil, au cours de son audition, a-t-il souligné le rôle déterminant joué par le conseiller du gouvernement britannique Roy Anderson dans le changement de définition de la pandémie opérée par l’OMS182(*). C’est sans attendre la décision de l’OMS concernant le niveau d’alerte que Monsieur Anderson a en effet qualifié dès le 1er mai 2009 - c’est à dire à peine quelques jours après la découverte du premier cas au Mexique - la grippe porcine de pandémique.

Il n’a pas manqué au passage d’insister sur la disponibilité de « deux antiviraux efficaces ». Ce qu’il a tu en revanche, c’est qu’il percevait l’équivalent de 136 000 euros par an pour ses activités de lobbyiste du laboratoire GlaxoSmithKline (GSK) qui commercialise précisément les antiviraux Relenza et le Pandemrix183(*).

Parmi les experts actifs à l’OMS et cultivant leurs liens d’intérêts, on compte le professeur Albert Osterhaus de l’université néerlandaise Erasmus.

Membre actif de l’ESWI, qui est un « groupe multidisciplinaire composé par des leaders d’opinion dans le domaine de la grippe ayant pour objectif de combattre les grippes épidémiques et pandémiques » fondé en 1992 et financé à 100 % par les laboratoires pharmaceutiques, Monsieur Osterhaus a été l’un des rédacteurs de la documentation utilisée par Roche pour ses opérations de promotion. En cohérence avec cette activité, il a publié en 1999 un article prônant le recours aux antiviraux durant les pandémies. Il a participé également en 2000 à une étude randomisée sur l’antiviral oseltamivir financée par son fabricant, Roche.

Le professeur Osterhaus est expert au sein du groupe de travail « Influenza A H1N1 » au sein du SAGE (Strategic Advisory Group of Experts) de l’OMS : ce n’est qu’au début du mois de décembre 2009 que l’Organisation a fait connaître ses liens d’intérêts.

Intervenue tardivement, cette déclaration d’intérêts était nécessaire, elle n’exonère pas pour autant le professeur Osterhaus de tout soupçon d’impartialité, bien au contraire.

Enfin, il faut hélas reconnaître que la situation des experts au niveau français n’est pas non plus sans équivoque.

Parmi les experts ayant fait part à la presse de pronostics alarmistes, on compte le professeur Antoine Flahault. Celui-ci, dès le mois de mai 2009, affirmait dans la presse que près de 35 % de la population française pourrait être touchée par le virus H1N1, ce qui pourrait entraîner 30 000 morts lors d’un pic intervenant après l’été.

Il a indiqué à la commission d’enquête qu’il n’entretenait pas de liens d’intérêts directs avec l’industrie pharmaceutique et qu’il n’appartenait plus au conseil d’administration du syndicat des entreprises du médicament, le « LEEM recherche ». Néanmoins, son nom apparaît parmi les membres de cette structure au titre de ses fonctions de directeur de l’Ecole des hautes études en santé publique, ce qui « ne constitue pas à ses yeux un lien d’intérêt »184(*), mais peut légitimement poser problème au regard de l’impartialité des recommandations qu’il peut faire au titre d’expert de santé publique.

Il en est de même pour le professeur Delfraissy qui est membre de la fondation du laboratoire pharmaceutique GSK.

Quant à Bruno Lina qui a conseillé la ministre de la santé durant cette crise, il a tenu lui aussi des propos très alarmistes devant les journalistes.

Il a appris à la commission d’enquête qu’« en tant que membre de droit du Comité de lutte contre la grippe (CLCG) il lui avait été indiqué qu’il n’était pas obligé de remplir une déclaration d’intérêt » ; c’est donc tardivement et à sa demande que la sienne a été publiée185(*).

On le voit, les experts soumis à des liens d’intérêt directs ou indirects avec les fabricants n’ont pas contribué à clarifier les nombreuses incertitudes liées à l’évaluation du risque, bien au contraire186(*).

Il faut également reconnaître que le peu d’entrain avec lequel le ministère de la santé a rendu publics les liens d’intérêts de ses experts - les liens d’intérêts des membres du Comité de lutte contre la grippe n’ont été rendus publics qu’au début du mois de novembre 2009 - n’a pas joué positivement sur la confiance des Français qui, bien que majoritairement très favorables jusqu’à l’été au principe de vaccination contre la grippe A (H1N1), n’étaient plus qu’une minorité à partir du mois de septembre à être prêts à passer à l’acte, convaincus de la bénignité de la maladie.

Les laboratoires pharmaceutiques

Force est de constater qu’en matière de fabrication de vaccins pandémiques, parler de mise en oeuvre d’appels d’offres destinés à faire vivre les règles de la « concurrence libre et non faussée » apparaît bien dérisoire.

S’il existe en effet 35 laboratoires fabricants de vaccins, seuls 4 d’entre eux ont répondu effectivement aux sollicitations des pouvoirs publics.

Par ailleurs, un certain nombre d’éléments qui nous ont été fournis lors du déplacement de la commission d’enquête en Pologne sous réserve du respect de leur confidentialité, tendent à prouver que le principe de libre concurrence a pu même parfois être entravé.

Enfin notons que ces vaccins, pour la fabrication desquels les firmes se fournissent en souches auprès des pays en voie de développement, leur sont revendus à des prix exorbitants, leur interdisant pratiquement l’accès.

LES FONDEMENTS DE LA DECISION

Les bases scientifiques

Concernant les modèles d’expertise utilisés, l’audition du professeur Antoine Flahault nous a semblé particulièrement instructive et aurait peut-être mérité que l’on s’y arrête un peu plus.

Ce denier a déclaré à la commission d’enquête : « Contrairement aux modèles utilisés en astrophysique ou en météorologie, dont la précision prédictive est bonne, les modèles réalisés dans les secteurs économique et épidémiologique sont plus aléatoires, dans la mesure où ils font intervenir des facteurs humains moins aisément prévisibles »187(*).

Les modélisations destinées à prévoir les scénarios d’évolution des pandémies manquent effectivement de solidité. Appliqués à des domaines où le nombre de données fiables disponibles est particulièrement faible par rapport au nombre de variables prises en compte dans leur construction, ces modèles relatifs à la diffusion du virus ne doivent pas être utilisés pour asseoir une politique de prévision en matière de santé.

Ils ne peuvent être que des hypothèses mises en forme et les prédictions qui en découlent restent pleines d’incertitude quant à leur relation avec la réalité.

Le professeur Ulrich Keil a complété ce diagnostic en évoquant, pour expliquer le décalage abyssal entre les chiffres annoncés par certains épidémiologistes et ce qui s’est passé, « la confiance excessive des spécialistes dans des théories extrapolées à partir de maigres données »188(*).

Cet état d’esprit a permis le développement de la croyance, reprise, amplifiée puis partagée par la quasi-totalité de la communauté scientifique, en la survenue d’une catastrophe pandémique à venir, nouvelle forme de millénarisme dont les conséquences se sont avérées très coûteuses pour la société.

De même, la théorie dite de la « seconde vague » a été mise en avant par certains experts auditionnés ; cette hypothèse, qui n’est pas nouvelle puisqu’elle date des années 1950, repose sur l’idée qu’un nouveau virus pandémique, après avoir infecté une première fois la population humaine mondiale, muterait pour devenir beaucoup plus virulent encore et frapper une seconde fois de façon beaucoup plus meurtrière.

Elle ne s’est pourtant pas vérifiée dans les faits et a de quoi être mise sérieusement en doute :

- tout d’abord d’un point de vue purement logique, car un virus qui arrive dans une population naïve ne subit pas de pression de sélection en raison du peu de résistance rencontrée et n’a pour cette raison aucune raison de muter ;

- ensuite si l’on se réfère à un article écrit par J. K. Taubenberg et D.M. Morens et publié dans la revue Journal of American Medical Association (JAMA)189(*), on apprend qu’« il existe peu de preuves solides de l’existence de vagues épidémiques ou pandémiques dans le passé. Dans les zones tempérées, la tendance générale observée pour les pandémies démontre qu’elles se calent rapidement sur la saisonnalité. La distinction entre les occurrences postpandémiques et les récurrences endémiques saisonnières semble disparaître dès lors que l’immunité de groupe augmente avec le temps et que le virus connaît une variation antigénique ». Dès lors, la théorie de l’existence de vagues, née d’observations faites au cours de la pandémie de 1918, ne s’est jamais vérifiée par la suite, notamment lors des deux autres pandémies qui ont suivi en 1957-1958 et 1968-1969.

Antoine Flahault, dans un entretien qu’il accorde au Quotidien du médecin, apporte des informations qui vont dans le même sens en confirmant qu’« en 25 ans, le réseau Sentinelles n’a pas eu à connaître de seconde vague » et qu’en définitive, « seule la mutation du virus [permet] de signer la fin définitive de la pandémie »190(*).

- enfin, d’après le travail d’historiens mené par J.M. Barry, C. Viboud et L. Simonsen191(*), il apparaît qu’en cas d’épidémie modérée, le mieux est probablement de ne rien faire, de telle sorte que le premier contact avec le virus permette à la population de bénéficier ultérieurement d’une protection naturelle efficace.

Si la gravité de la pandémie était naturellement impossible à apprécier à son début, il n’en reste pas moins que rapidement le Gouvernement a pu disposer d’un certain nombre d’éléments de nature rassurante.

Dès le 22 mai 2009, le Center for Disease Control (CDC) estimait « encourageant de constater que [le] virus n’[avait] pas l’air jusqu’à présent plus sévère qu’une souche de grippe saisonnière », par ailleurs il indiquait que les souches du virus issues de prélèvements effectués aux Etats-Unis et au Mexique étaient très homogènes sur le plan antigénique, ce qui constituait un gage de stabilité dans le temps et de la bonne réactivité du vaccin.

En juin 2009, l’Institut de veille sanitaire (InVS) indiquait qu’il « se confirme que la majorité des cas sont bénins, et la létalité du même ordre de grandeur que celle de la grippe saisonnière. La pandémie est qualifiée de « modérément grave » sur l’échelle de l’OMS. Les hypothèses les plus pessimistes sont abandonnées »192(*).

Enfin, remarquons que le revirement opéré le 28 septembre 2009 par l’InVS dans une note rédigée à l’attention du directeur général de la santé donne lieu à des évaluations qui de toute évidence sont inexploitables. Cette note indique notamment ceci : « pour la grippe pandémique en fonction du taux d’attaque, le nombre de cas attendus varie entre 6,4 et 19,2 millions, soit 2 à 6 fois plus qu’en période inter-pandémique, le taux d’hospitalisation varie entre 64 000 et 384 000, le nombre d’admissions en réanimation varie entre 9 600 et 96 000, enfin le nombre de décès varie entre 6 400 et 96 000, soit 2 à 30 fois plus que pour la grippe saisonnière ». Elle est contradictoire avec la précédente.

La commande des vaccins s’est fondée sur un avis du Comité de Lutte contre la grippe : saisi le 8 mai 2009 par le directeur général de la santé, ce comité a rendu sa copie en 48 heures, se contentant d’effectuer un « copier-coller » d’un avis pris par le Haut conseil de la santé publique en décembre 2008 concernant la grippe H5N1.

Dans ces conditions, il apparaît que la décision d’achat n’a pas été fondée sur des considérations scientifiques : elle est de nature politique.

L’éthique

Le principe d’éthique, rappelé abondamment par la ministre de la santé, est ambigu.

Les références à l’éthique sont toujours les bienvenues, mais elles sont malheureusement soit instrumentalisées, soit passées sous silence lorsque pourtant elles mériteraient d’être évoquées.

De la sorte, invoquer l’avis n° 106 du Comité consultatif national d’éthique pour fonder une stratégie vaccinale constitue un détournement du sens que le Comité a voulu donner à cet avis. Cet aspect a été analysé par le rapporteur avec beaucoup de justesse. De surcroît, on observe que le Gouvernement ne s’embarrasse pas de considérations éthiques lorsqu’il met en oeuvre les franchises ou laisse dériver les honoraires médicaux, qui obligent un nombre de plus en plus important de patients à renoncer aux soins193(*).

En s’abritant derrière l’argument éthique pour justifier de ses choix, le Gouvernement n’a-t-il pas voulu masquer l’absence de fondement scientifique tangible à ses décisions de commander 94 millions de doses ? N’y-a-t-il pas là un détournement de l’éthique à des fins qui lui sont étrangères ?

Par ailleurs, on ne peut être que frappé par l’élasticité de la notion d’éthique. Son usage peut de ce fait aboutir à des paradoxes : si c’est au nom de l’éthique que le Gouvernement commande sans compter des vaccins, le professeur Gentilini l’invoque également pour dénoncer la gabegie financière que cette décision a engendrée.

Si c’est encore au nom de l’éthique que le Gouvernement choisit de privilégier la protection individuelle en matière de vaccination, le rapport rédigé par la mission d’information sur la grippe aviaire constituée en 2005 à l’Assemblée nationale en fait l’analyse contraire en indiquant : « le chacun pour soi serait inefficace à titre individuel et catastrophique au plan collectif »194(*).

Enfin, il nous semble que le rapport présente sur ce point lui aussi une contradiction : critique - nous l’avons indiqué plus haut - sur l’usage de l’avis du Comité consultatif national d’éthique en vue de l’élaboration d’une stratégie vaccinale, il s’appuie plus loin sur le même avis pour légitimer la commande démesurée de vaccins effectuée.

LES LIMITES DE LA VACCINATION ANTIGRIPPALE

Le rapport de l’Assemblée nationale relatif à la grippe aviaire publié en 2006 remarquait : « Les moyens médicaux nous renseignent peu sur notre capacité de résistance face à la crise : les médicaments antiviraux sont en effet d’utilisation complexe, voire même incertaine, les vaccins n’arriveront pas dans le premier temps de la crise »195(*).

Ces prévisions se sont intégralement vérifiées lors de cette expérimentation grandeur nature qu’a pu constituer cette pandémie même si, comme on le répète souvent, elle n’était pas celle qu’on attendait. On a pu observer en effet non seulement que les antiviraux étaient toujours aussi controversés, mais surtout que la vaccination n’avait eu aucun « effet barrière » ainsi qu’un effet marginal, voire nul, sur le plan individuel.

Malgré les délais dont disposaient les pays de l’hémisphère Nord, le virus ayant eu la délicatesse de contaminer l’hémisphère Sud avant le nôtre, les vaccins sont arrivés trop tard : les premiers vaccinés n’ont été immunisés qu’après le pic pandémique.

On constate par ailleurs que cette vaccination n’a en rien modifié le profil de la pandémie dans les pays où elle a été pratiquée, quel que soit le schéma vaccinal adopté. Mieux, la létalité n’est pas plus importante dans les pays de l’hémisphère austral - qui n’ont pas pu en bénéficier - qu’en Europe.

Il ne s’agit pas de mettre en cause l’utilité de la vaccination dans une pandémie grippale, mais de s’interroger sur les conditions de sa mise en oeuvre afin d’obtenir la meilleure efficience possible.

D’une manière générale, la vaccination antigrippale ne doit pas être mise sur le même plan que les vaccinations contre la variole ou la poliomyélite, qui sont dues à des virus susceptibles d’être éradiqués, car la grippe est une maladie qui ne pourra jamais l’être et qui nécessite un renouvellement annuel de sa vaccination. Il est par conséquent problématique de l’envisager pour des enfants déjà fortement sollicités, une vaccination supplémentaire itérative n’étant pas sans conséquence à terme sur le système immunitaire.

Quand on sait par ailleurs que son efficacité est très mal documentée chez les sujets de plus de 65 ans, qui en sont les principaux destinataires, on peut se demander s’il ne faudrait pas revisiter cette idée reçue selon laquelle la vaccination est le moyen le plus efficace et le moins coûteux de prévention contre la grippe. Il est évident qu’une telle étude ne pourrait être confiée qu’à des experts insoupçonnables et impartiaux. On sait qu’ils ne sont pas légion, c’est pourquoi une telle étude a de grandes chances de tarder à venir.

**

Malgré les améliorations apportées au texte du rapport lors de son examen en commission le 28 juillet, des éléments tels que la surestimation constante du risque par le Gouvernement, la dramatisation infondée de sa communication ou sa stratégie vaccinale surdimensionnée mériteraient d’occuper une place plus importante.

Nous aurions naturellement préféré que ces questions bénéficient d’un traitement plus approprié afin d’éviter toute interprétation erronée, comme celle par exemple qui donnerait à penser que l’on approuve le Gouvernement dans sa gestion de la crise. Ce contresens serait regrettable : si nous avons voté ce rapport, nous portons sur cette gestion une appréciation différente.

RapportH1N1.pdf

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