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Les communiqués de presse

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Politique européenne d’immigtation et d’asile (1999/2004)

Par / 11 juin 2004

Ouverture par Robert Bret des travaux consacrés à l’immigration lors du "3ème Congrès Européen des Juristes spécialisés des questions d’immigration et d’asile en Europe" qui s’est tenu les 10 et 11 juin dernier :

Mesdames, Messieurs,

Je suis particulièrement honoré d’assister à ce 3ème Congrès Européen des Juristes spécialistes des questions d’immigration et d’asile en Europe et d’ouvrir les travaux de cette demi-journée plus particulièrement consacrée à l’immigration.

Je voudrais, avant toute chose, remercier chaleureusement le Professeur JULIEN LAFERRIERE qui a eu le courage de m’inviter à ces débats, lui qui connaît parfaitement mes convictions politiques en la matière.

Qu’il me soit permis de saluer les différents intervenants prévus pour la première partie de cette matinée : Dr Riszard Cholewinski, Ikka Laitinen, Constaça Dias Urbano de Sousa, Kees Groenendijk et Mme Illamola Dausa qui aborderont successivement les thèmes suivants : la lutte contre l’immigration illégale, le contrôle des frontières extérieures, le regroupement familial au regard des standards internationaux, l’accès à l’emploi et enfin l’égalité et l’intégration des ressortissants des pays tiers.

Sénateur communiste des Bouches-du-Rhône et Conseiller municipal de Marseille - ville d’émigration, de brassage des cultures avec son port ouvert sur la méditerranée - vice-président de la commission des lois du Sénat, j’ai notamment en charge pour le Groupe Communiste Républicain et Citoyen auquel j’appartiens les questions liées à l’immigration et au droit d’asile dont les législations respectives ont été récemment réformées en France.

C’est dire tout l’intérêt que je porte aux travaux de cette journée. Je vous écouterai bien évidemment avec une très grande attention, tout en me permettant d’apporter les observations qui m’apparaîtront utiles, sans polémique stérile mais toujours pour faire avancer la réflexion dans le respect de la liberté d’opinion.

Je serai un peu - si vous le permettez- le « poil à gratter » de vos travaux, en vous apportant si besoin est la contradiction.

Avant donc de laisser la parole aux orateurs qui vont procéder à une évaluation, sur la période 1999/2004, de la politique européenne d’immigration, je vais sans plus attendre vous donner, en quelques mots, l’approche qui est la mienne en la matière :

Avant toute chose, il me semble indispensable de rappeler que les mouvements migratoires sont, depuis leur origine, constitutifs de l’histoire de nos sociétés et que, loin d’avoir été un obstacle à leur développement, ils ont au contraire contribuer à leur rayonnement.

Mieux, ils en ont été un réel facteur de progrès. Les sociétés - européenne et américaine - ne se sont-elles pas en effet développées grâce aux flux migratoires ?
N’est-il pas avéré, par exemple, que l’immigration fut l’un des facteurs clés de la longue période de prospérité qu’ont connue les Etats-Unis dans les années 90 ?

Aujourd’hui, force est de constater que le nombre croissant de migrants n’est ni un problème temporaire ni le fruit du hasard. C’est la conséquence prévisible de la crise des droits humains dans le monde. Il s’agit ici d’une migration contrainte.

L’immigration - qui continue de s’intensifier - constitue un sujet majeur et incontournable non seulement dans notre pays mais également au sein de l’Union européenne.

Tant que les écarts économiques et sociaux ne cesseront de croître entre les régions du monde qui profitent de la mondialisation du libéralisme économique débridé et celles qui en sont les victimes, il est inévitable que les populations des pays ravagés par la misère, par les conflits ou par l’absence de démocratie, vont continuer à tenter de trouver ailleurs de meilleures conditions de vie, quand ce n’est pas tout simplement le droit de vivre.

A cette situation s’ajoutent les écarts démographiques. En effet, les pays de l’UE connaissent une baisse importante de leur démographie qui, conjuguée à l’allongement de la durée de la vie, va bouleverser le rapport entre actifs et inactifs.

La solution envisagée pour maintenir les grands équilibres socio-économiques (à commencer par le financement des retraites) consiste en l’apport massif de la main-d’œuvre immigrée.

Ce que confirme le rapport du Conseil Économique et Social « Les défis de l’immigration future » qui fixe pour la France les besoins à 10 000 entrées par an qui viendront s’ajouter au 70 000 recensées en 2002. Il s’agit là d’une conception purement économique de l’immigration qui consiste à évaluer le « besoin d’immigrés » des pays européens comme on évalue le besoin de marchandises disponibles sur le marché.

A cet égard, les projets de loi récemment adoptés en France sur l’immigration d’une part et le droit d’asile d’autre part ne disent pas autre chose : ils présentent l’immigration sous un angle utilitaire : L’étranger y est, en effet, considéré avant tout comme une main d’œuvre devant répondre aux besoins de l’économie libérale (y compris par l’instauration de quotas) et suppléer pour un temps seulement les déficits de certains secteurs économiques de la France (professions médicales, informatique, secteur agricole, services hôteliers, etc.).

La présence de l’étranger en France est alors envisagée à titre provisoire : l’étranger - de préférence jeune et en bonne santé - doit être au service exclusif du marché de l’emploi et ne doit surtout pas être tenté de s’installer de façon durable sur le territoire français et ni, a fortiori, de faire venir sa famille par le biais du regroupement familial.

En tant que défenseur des droits de l’homme, je ne peux que regretter que la France - (au lieu d’ouvrir de nouvelles perspectives de coopération internationale dans lesquelles le respect des droits et des libertés fondamentales serait le préalable à toute législation concernant les flux migratoires) - continue, comme dans les années 60, d’avoir une politique d’immigration reposant avant tout sur les besoins de son économie.

C’est une vision que je ne peux partager tant elle reproduit, à mes yeux, les mécanismes de la domination de l’exploitation et de la mise en concurrence des travailleurs - nationaux et immigrés - au profit exclusif du capitalisme.

Cette acceptation de la « libre circulation des travailleurs », loin de favoriser le développement des hommes, revient en réalité à piller les pays du Sud d’une part de leur population la plus active, la plus dynamique ; réduisant quasiment à néant dès lors les possibilités de développement sur place de ces pays.

Quant à l’Europe, elle a beau, depuis des années, se parer de murs de plus en plus hauts, prôner l’immigration « zéro » et la fermeture des frontières avec l’instauration de l’espace Schengen, prendre des mesures dissuasives et répressives pour se protéger des mouvements migratoires indésirables, l’immigration continue.

Ce qui met en exergue à la fois l’inefficacité de cette politique, au regard de l’ampleur du phénomène qu’elle est censée contenir, et sa dangerosité sur le plan des droits de l’homme et d’un point de vue idéologique.

En réalité, loin d’endiguer ces déplacements, cette politique les a rendus plus difficiles, plus coûteux, plus dangereux, allant jusqu’à mettre à mal le respect de certains droits fondamentaux, tels que le droit d’asile et la libre circulation des personnes.

En 10 ans, plus de 4000 morts aux frontières de l’UE ont été recensés, dont 3286 rien que pour le Détroit de Gibraltar entre 1997 et 2001 !
Sans compter évidemment la vie même de ces femmes, de ces enfants, de ces hommes - ces exilés en quête de travail et de sécurité au sein de l’Europe - que cette politique met en danger.

Compte tenu de ces obstacles - telles que les sanctions aux transporteurs par exemple - qui rendent le voyage vers un lieu sûr plus difficile, voire impossible, les candidats à l’immigration se trouvent alors à la merci des trafiquants de tous poils - du passeur à l’employeur sans scrupule de travailleurs clandestins taillables et corvéables à merci - dont l’activité se nourrit évidemment de ces politiques de fermeture des frontières.

Or, d’autres choix sont à mon sens possibles et nécessaires. Il n’y a aucune fatalité en l’espèce.
Plutôt que de s’attacher à fermer les frontières aux peuples du Sud, pourquoi ne pas s’atteler à la mise en place de véritables coopérations, qui s’attaqueraient au Nord comme au Sud, à l’Ouest comme à l’Est, à la primauté des marchés financiers sur le développement et l’emploi, et iraient à l’encontre de la guerre économique et de la mise en concurrence des hommes et des peuples qui en découlent ?

La circulation autour de la Méditerranée, par exemple, passe par la liberté de circulation et de séjour des femmes et des hommes.
Les flux migratoires sont nécessaires pour les coopérations, la formation, la recherche, les échanges. Ils participent au dynamisme du développement et du rayonnement de chacun des pays concernés.

Mais il faut aussi permettre aux pays d’émigration d’avoir les moyens de se développer pour conserver dans leur région d’origine les populations qui n’ont, pour la plupart, pas choisi d’émigrer.

L’annulation de la dette de ces pays et le développement de la coopération - via l’instauration d’une taxe sur les transactions financières - sont autant de moyens pour y parvenir.

Faut-il rappeler à ce propos que les immigrés venant de régions pauvres transfèrent souvent vers leurs familles restées au pays des sommes supérieures à l’aide au développement attribuée par les États comme la France ? L’Organisation Internationale pour les Migrations (OMI) évalue à plus de 200 milliards de dollar par an l’argent rapatrié par les immigrés dans leur pays d’origine.

Or, les réajustements structurels dictés par les institutions internationales et le mode de partenariat actuel du Nord imposent une économie libérale, détruisant les assises économiques, culturelles, sociales et familiales des peuples. Les individus perdent leurs valeurs traditionnelles et se réfugient dans les intégrismes religieux et le communautarisme.

La facilité avec laquelle les armes continuent de partir de l’Europe pour alimenter des conflits violents contraste avec les énormes obstacles que rencontrent les réfugiés pour trouver refuge et protection au sein de l’Europe.

L’absence de contrôles aux frontières de la circulation des armes et des fonds vers des pays qui violent les droits de l’homme est symptomatique de l’échec de l’Europe en l’espèce.
L’Europe se préoccupe davantage du contrôle de la circulation des personnes que de la protection de ces dernières.

La crise de l’asile est l’un des grands défis qui se pose à nous aujourd’hui.
Comment, par exemple, accorder une protection durable à des personnes qui (relevant ou non de la Convention de Genève) ont des raisons évidentes de craindre pour leur vie ou leur sécurité dans leur pays ? Mais vous avez déjà évoqué ce thème hier, je n’y reviens donc pas, même si j’ai beaucoup de choses à dire à ce sujet.

Contribuer à résoudre la question des migrations passe par l’absolue nécessité de sortir les pays du Sud du sous-développement dans lequel ils se trouvent et de les dégager des relations internationales dominantes.

En France, il est urgent de faire prendre conscience que le développement de ces pays doit être la priorité des priorités.

Enfin, il convient de traiter les migrants avec humanité en les considérant davantage comme des victimes plutôt que comme des délinquants. Il convient de mettre en œuvre une politique d’intégration véritablement ambitieuse reconnaissant la réalité de l’immigration.

Solidarité, développement et coopération doivent être les maîtres mots pour que les migrations - qui doivent être un droit - relèvent enfin du libre choix et non de la nécessité.

C’est, en tout état de cause, sur ces mots porteurs d’espoir que je termine cette allocution.
Je vous remercie de votre attention et donne à présent la parole au Docteur Riszard Cholewinski.

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