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Les communiqués de presse

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Quel avenir pour l’Europe politique ?

Par / 20 mai 2005

Par Robert Bret

Je commencerais par combattre une idée très répandue : la Commission européenne, échappant au contrôle des Etats, dirige l’Europe. Cette vision est fausse.

Je m’explique, pour celles et ceux qui sont déroutés par la complexité du processus décisionnel communautaire. L’erreur repose sur la méconnaissance du fonctionnement de l’appareil des Etats, en particulier des grands Etats, et de leur articulation avec les institutions européennes.

Le pouvoir de la Commission est surestimé.
Les Etats-membres sont bien présents et représentés dans le système institutionnel communautaire.

Le Conseil Européen (composé des chefs d’Etat ou de gouvernement des Etats membres), qui n’exerce pas de fonction législative, définit les orientations et les priorités politiques et générales de l’Union.
En droit comme en fait, le pouvoir est fondamentalement détenu par le Conseil des Ministres (composé d’un représentant de chaque Etat membre au niveau ministériel, habilité à engager le gouvernement de l’Etat membre qu’il représente et à exercer le droit de vote). Le Conseil des ministres est une institution intergouvernementale, chargée de représenter les intérêts des Etats membres dans le système communautaire.
Dans le processus de préparation des décisions, le Conseil n’intervient, en fait, qu’à la fin d’un processus de négociation qui s’organise entre différents comités, composés de fonctionnaires des différents Etats membres. Ces comités sont chargés non seulement de préparer les travaux du Conseil mais aussi de faciliter la formation d’une position commune des Etats membres. Le COREPER (Comité des représentants permanents) est incontestablement le plus important d’entre eux de par son rôle essentiel auprès du Conseil.
Il comprend deux formations composées de représentants permanents adjoints ayant le rang de ministres plénipotentiaires, pour la première, et ayant le rang d’ambassadeurs, pour l’autre.
De par sa composition, le COREPER permet aux Etats membres d’être représentés en permanence dans le système communautaire. En effet, les représentants permanents d’un Etats membres défendent auprès des représentants des autres Etats la politique de leur Etat. Ils informent leur gouvernement des positions défendues par les autres Etats et la Commission.
Avec la codécision s’ajoute, dans certains domaines, l’intervention du Parlement Européen.

La Commission européenne, pour sa part, est chargée de promouvoir l’intérêt général et de prendre les initiatives à cette fin. Mais, elle est composée de politiques et de fonctionnaires des Etats-membres qui n’ont pas, en pratique, rompu tout liens avec ceux-ci. La « discipline nationale » est variable d’un pays à l’autre, mais les Etats, notamment les grands, gardent une capacité d’intervention sur « leurs » commissaires en poste à Bruxelles.

Tout au long du processus décisionnel les Etats- membres sont informés de l’activité des institutions communautaires et étroitement associés à la prise de décision par le biais de leurs représentants.

La Commission prend les initiatives, elle propose les actes législatifs. Mais, ensuite elle laisse les comités, les COREPER, le Conseil des ministres et le Parlement européen (dans le cadre de la codécision) adopter ou non cette proposition. La tendance est, d’ailleurs, au développement de l’emprise des Etats. Lorsque ceux-ci prétendent avoir été surpris par une décision, une directive (comme celle sur le libéralisation des services dans le marché intérieur, dite Bolkestein du nom de son rapporteur), ils mentent.

La méconnaissance du pouvoir des Etats, du rôle des Etats membres dans la prise de décision communautaire a des conséquences politiques. Elle exonère les gouvernements de leur responsabilité dans les décisions européennes. Ils sont les premiers à la propager : « C’est pas nous, c’est Bruxelles ».
En même temps, le pouvoir des Etats ne réduit pas à rien celui de la Commission. Elle joue de sa permanence, de sa technicité, de sa persévérance, face à des gouvernements dont l’intérêt européen n’est que périodique. Ils entretiennent avec elle une relation parfois conflictuelle, mais plus souvent complice.

Si, au cours du processus de prise de décision, les Etats-membres commencent par défendre leurs prérogatives contre les risques d ?empiètement communautaires, ensuite, ils sont demandeurs de l’intervention communautaire et ce, en général, lorsqu’ils s’opposent les uns des autres. En effet, les rivalités entre Etats-membres alimentent en permanence cette démarche, notamment en matière de concurrence où chacun porte les intérêts de ses entreprises.

En outre, le contrôle des parlements nationaux sur les prises de positions de leurs gouvernements au sein des institutions communautaires étant très difficiles (même avec ce qui est présenté comme des avancées dans le TCE), ces derniers adoptent, à l’échelle communautaire, des mesures difficiles, impopulaires, qu’ils ne pourraient adopter au niveau national.

La Commission se prête au jeu et accepte le prix : servir de bouc émissaire.

A cette complicité politique s’ajoute une connivence organique. L’activité dans les comités pour négocier les textes, les appliquer ou débrouiller des litiges, dure depuis maintenant un demi-siècle. Des liens se sont tissés entre les appareils d’Etat et l’administration de Bruxelles, elle-même composée de hauts fonctionnaires nationaux qui vont et viennent.

Autrement dit, nous sommes dans un système où l’intergouvernementalisme joue contre la démocratie et les aspirations des peuples de l’Union.

Ce système ne peut faire émerger l’intérêt général européen. C’est impossible.
Les peuples sont tenus à distance. Le Parlement Européen (même avec le TCE) n’a pas l’autorité suffisante pour incarner l’intérêt des peuples face aux gouvernements nationaux.
C’est la conséquence, au plan européen, de la prééminence des exécutifs au niveau national, observable dans les Etats-membres.

Ce fonctionnement est en outre redoutablement pervers :
 ? Il conduit les institutions politiques à l’impuissance ;
 ? Il renforce le pouvoir technocratique ;
 ? Il masque les véritables oppositions européennes.

Les divergences, les blocages sont portés de la façon la plus visible par les gouvernements qui négocient dans les Conseils des Ministres ou lors des sommets des chefs d’Etats et de gouvernements.

On justifie d’habitude cet état de fait en affirmant que les oppositions entre gouvernements traduisent des oppositions d’intérêts nationaux. C’est très rarement le cas. Pour l’immense majorité des situations, (que j’ai pu observer en 6 ans de mandat parlementaire) les oppositions entre les gouvernements relèvent soit de calculs politiques nationaux, soit de divergences sur le fond des politiques européennes à mener et qui n’ont rien à voir avec les intérêts nationaux.

Les gouvernements ne sont que subsidiairement en charge de l’Europe. Leur action est centrée sur la politique nationale. Leurs prises de position à Bruxelles sont essentiellement dictées par des calculs tactiques de politique intérieure. L’un ne veut pas affronter son lobby routier, un autre ne veut pas décevoir ses électeurs paysans. Tout cela fait partie de la vie politique, mais n’a rien à voir avec les intérêts nationaux.

Il y a ensuite, les vraies divergences entre les différents gouvernements des Etats membres.
La guerre d’Irak en 2003 a été révélatrice des faiblesses et des divisions de l’Europe. Certains gouvernements soutenaient les USA alors que leur opinion publique était divisée, voire majoritairement opposée à la guerre (Italie, Espagne, Angleterre). Ce qui apparaît donc souvent comme une distorsion entre Etats-membres masque en réalité une opposition entre gouvernements.

Ainsi, d’une part, le système institutionnel soumet la décision européenne à des intérêts politiques tactiques nationaux qui reflètent son incapacité à faire émerger l’intérêt général européen. D’autre part, il « nationalise » artificiellement des oppositions qui traversent l’ensemble des pays de l’Union. Ce faisant, il entrave l’émergence d’une opinion publique européenne. Il n’y a pas de débat démocratique pour trancher les différences entre gouvernements. La négociation intergouvernementale utilise toute la panoplie des instruments de rapport de forces entre Etats-membres (c’est dire les ressources des appareils d’Etat : donnant-donnant, chantage, mesures de rétentions économiques ou autres).

Cela, bien entendu, ne peut être porté à la connaissance des citoyens et contribue à les éloigner encore de l’appréhension des débats européens. Cela ne favorise pas, on s’en doute, la construction européenne.

Enfin, l’intergouvernementalisme conduit également les interventions politiques de l’Europe, Conseil des Ministres et Conseil Européen, à l’impotence.
Le système a été conçu pour fonctionner à 6.
Chaque élargissement réduit la capacité de prise de décision. Cela va de soi pour les décisions prises à l’unanimité. Mais c’est aussi vrai pour les autres.

Le vote à la majorité qualifiée ne suffit pas à éviter la paralysie qui gagne les Conseils des ministres regroupant 25 et bientôt 27 Etats-membres.

Si le pouvoir du Parlement Européen s’est progressivement accru, avec l’élargissement de son pouvoir de codécision qui marque un progrès du contrôle démocratique, il convient toutefois d’en mesurer les limites.

Une loi Européenne est négociée pendant de nombreuses années entre les administrations nationales et la Commission. Le Parlement Européen n’a pas accès à cette négociation. Lorsqu’un accord est possible, la loi est votée par le Conseil des Ministres. Dans les domaines de codécision avec le Parlement, il faut l’accord de ce dernier. Et en cas de désaccord persistant, le projet de décision est abandonné. Le Parlement ne dispose, en fait que d’un droit de veto. C’est important ; mais cela ne le hisse pas pour autant au rang de « co-législateur ».

Dernier point, avec la création de la Banque Centrale Européenne (BCE) un nouveau pas a été franchi.

Voilà une institution qui dispose d’un pouvoir considérable sans contre poids politique, alors qu’elle décide pour l’essentiel des ressources de l’Europe (article III - 188 du TCE). Elle a le pouvoir unilatéral d’imposer sa politique aux Etats, de les obliger à réduire les impôts, à démolir les régimes de protection sociale.
La stabilité des prix est au premier rang des principes directeurs de l’Union (article I - 33-3)/pacte de stabilité (article II - 177). La BCE a pour mission de rendre la « zone euro » attractive pour les investisseurs.

Cette situation ne peut durer. Le caractère antidémocratique de la construction européenne ne peut plus persister.
Le postulat de la « méthode communautaire » a échoué. L’Europe ne peut se construire que comme une Europe politique et l’Europe politique ne peut exister sans l’adhésion et la volonté des peuples.

A ceux qui nous disent, qu’il faut réorienter la construction européenne par des modifications partielles, des petits pas, toute l’expérience montre que c’est voué à l’échec.

Il n’y aura pas de réorientation significative sans ouverture d’une crise, d’une remise en cause profonde de la construction européenne. C’est sa matrice même qui doit être refondée. Seule une victoire du « Non de gauche », le 29 mai prochain, peut permettre une crise féconde parce qu’elle ouvrira, enfin, un débat en profondeur sur l’Europe à venir. L’Europe réclame l’adhésion populaire et donc un véritable processus constituant.

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