Monsieur le Ministre du redressement productif,

L’annonce, lors du Comité Central d’Entreprise du 27 juin dernier, du projet de cession de la branche radiologique Thalès a provoqué la stupeur et l’incompréhension des salariés du site Thalès de Moirans dans l’Isère qui regroupe les deux filiales Trixell et XRIS.

Incompréhension que je partage, vous le comprendrez, comme les élus de la région, avec une profonde inquiétude.

Avec 770 salariés le site de Moirans se trouve être le premier employeur du bassin grenoblois. Il constitue, au sein de la branche de Thalès TD implantée sur quatre continents, l’un des plus grands centres mondiaux de radiologie médicale.

Le PDG de Thalès TD l’affirmait lui-même le 05 juillet sur France 3, l’entreprise est performante, « unique au monde ».

J’ai pu m’en rendre compte en me rendant sur place à la rencontre des salariés et de la direction. La qualité de ses produits radiologiques est mondialement reconnue, l’outil industriel est performant, l’entreprise est stable sans concurrence menaçante.
Il s’y développe un savoir faire d’exception, une expérience d’innovation assise sur 50 ans de présence dans la région dans la continuité de l’historique Thompson CSF, avec un personnel hautement qualifié, profondément impliqué et attaché à l’entreprise qui peut être considérée comme un modèle social.
Le site de Moirans présente de plus une intégration dans le tissu universitaire et scientifique d’un des bassins les plus actifs dans le domaine des hautes technologies, et un partenariat avec les industriels grenoblois, exemplaires.

Aujourd’hui, rien ne menace la santé de l’entreprise leader mondial.
L’activité radiologique présentée en CCE en début d’année affiche d’ailleurs une marge commerciale de 54.6 millions d’euros avec un taux de profit de 10%, et une projection à la hausse pour les quatre prochaines années.

Il n’est certes pas de ma compétence de m’opposer à une stratégie d’entreprise qui voudrait se recentrer sur son cœur de métier, l’armement et la sécurité, mais il m’est tout à fait impossible d’accepter qu’à ce titre on laisse échapper un capital industriel et humain unique, un savoir-faire d’exception, une telle source d’innovation française. Il me serait tout à fait impossible d’accepter que cela puisse être aux fins de recherche d’une rentabilité financière immédiate.

Au-delà du site de Moirans c’est l’ensemble du secteur d’activité de Thalès TD qui est menacé et d’autres secteurs du groupe déstabilisés. Sur le bassin grenoblois l’impact portera sur plusieurs milliers d’emplois induits, la recherche et l’innovation.

Or l’annonce faite par le groupe de ne céder qu’à un repreneur avec un projet industriel susceptible d’assurer la pérennité du site de Moirans, n’est en aucun cas en mesure de me rassurer. Aucun repreneur « compatible » ne se profile aujourd’hui.

Toute autre modalité de cession partielle ou totale, vente à la découpe, création d’un monopole, ne pourrait se faire sans risque de déstabilisation des autres secteurs du groupe Thalès, de délocalisation de l’activité, de réduction des emplois, de perte du savoir-faire. L’annonce même récente du projet de cession vient déjà ébranler la confiance du marché et fragilisera rapidement l’entreprise.

Il n’y a pas d’autre perspective que de maintenir l’activité de radiologie médicale au sein de Thalès, que le médical devienne stratégique pour le groupe, et que le groupe continue à investir.

Je pense qu’il est urgent de stopper le projet de cession et j’en appelle à la responsabilité de l’Etat dont la participation dans le groupe Thalès à hauteur de 27% des actions et 41% de droits de vote lui confère une autorité et un pouvoir que le gouvernement ne peut refuser d’exercer.

Le prochain conseil d’administration se tiendra mercredi 25 juillet.

Je vous demande, Monsieur le Ministre de tout mettre en œuvre pour stopper immédiatement le processus de destruction engagé à Trixell et XRIS et avec ces deux entreprises, de l’ensemble de l’activité de radiologie médicale, symbole de la compétitivité industrielle française que nous souhaitons soutenir et développer.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma haute considération.

Madame Annie DAVID
Sénatrice de l’Isère