Conditions de rétention au CRA Le Canet : saisine CNDS
Par Robert Bret / 12 décembre 2006Monsieur Pierre TRUCHE
Président de la CNDS
Monsieur le Président,
En ma qualité de parlementaire, j’ai l’honneur de porter à la connaissance de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité les faits qui se sont déroulés au centre de rétention administratif du Canet à Marseille le soir du 1er décembre 2006 et qui constituent vraisemblablement un manquement aux règles de déontologie commis par des personnes exerçant des activités de sécurité.
Il s’agit du décès par pendaison de M. Kazim KUSTÜL, jeune turc de 22 ans.
Kazim KUSTÜL était né le 11 mai 1984 à Trazbon, port sur la Mer noire, dans le nord de la Turquie, entré en France en août 2003, parce qu’il y avait de la famille dans le Vaucluse. Il disposait d’un travail « au noir » dans une entreprise du bâtiment comme beaucoup de sans-papiers.
Kazim KUSTÜL a fait l’objet d’un Arrêté Préfectoral de Reconduite à la Frontière en date du 22 novembre 2006. Il a été interpellé le 30 sur un chantier dans le Vaucluse. Transféré au C.R.A du Canet le 1er décembre, son compagnon de « chambre » le découvre pendu vers 23 h. Malgré ses efforts et ceux des gardiens puis du SAMU ils n’ont pu le réanimer.
La personne qui a donné l’alerte, extrêmement choquée, prétend que les secours se sont fait attendre plus d’une ½ heure. A l’absence de surveillance reprochée par sa famille, les policiers ont déclaré qu’il y avait des caméras dans les couloirs mais pas dans les chambres.
Au travers ce cas, l’objet de la présente porte sur les conditions de rétention dans le CRA du Canet.
En effet, la Ligue des Droits de l’Homme de Marseille a recueilli de nombreux témoignages de personnes sorties de ce centre de rétention attestant de grèves de la faim tant la nourriture est mauvaise et se plaignant des conditions de rétention qui sont insupportables (violences physiques, injures, mépris, absence de soin etc).
Il semblerait d’ailleurs que des responsables hiérarchiques aient dû intervenir à plusieurs reprises pour calmer les gardiens mais sans punir pour autant les manquements à la déontologie.
Il y a 2 ans déjà, au CRA d’Arenc, la LDH avait été avertie vers 23heures par la famille d’un Turc Kurde qu’il était entrain de mourir et demandait une intervention rapide. Les représentants de la LDH avaient dû unir leurs efforts pendant plusieurs heures pour parvenir à alerter du danger qu’encourait cet homme qui s’était privé d’eau et de nourriture depuis 3 jours.
Les gardiens de nuit, seuls habilités à appeler le SAMU, pensaient qu’une grève de la faim pouvait se mener pendant plusieurs jours, voire semaines, sans risque possible, ignorant qu’une grève de la soif peut avoir une issue fatale en peu de temps. Ce n’est qu’aux alentours de 2 heures du matin que ce Monsieur avait été conduit aux urgences après une multitude d’appels téléphoniques, chaque responsable du centre se renvoyant la responsabilité.
Cette occasion a permis de constater alors l’absence de surveillance aussi bien physique que médicale.
Or, depuis le dramatique incident du 1er décembre, une autre tentative de suicide a pu être évitée. La CIMADE confirme que ces incidents ne sont pas isolés.
Autant de faits qui corroborent mes inquiétudes quant aux conditions de rétention au Centre de rétention de Marseille.
Au vu de ces éléments, j’estime opportun de porter à votre connaissance ces faits qui justifient à mon sens la saisine de la Commission nationale de déontologie de la sécurité afin qu’elle statue en l’espèce sur la compatibilité des conditions de rétention au Canet avec les dispositions déontologiques et réglementaires dont il relève en examinant les conditions de rétention et les circonstances du décès de Monsieur Kazim KUSTÜL, grand sportif amoureux de la vie comme le décrivent ses proches.
Je vous précise que la famille de M. Kazim KUSTÜL a porté plainte pour non assistance à personne en danger. L’avocat de la famille est Me Christian BRUSCHI, dont les coordonnées sont ci-après.
Vous souhaitant bonne réception de la présente,
Je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l’assurance de ma considération distinguée.