La T2A est remise en cause dans les hôpitaux et vous voulez l’appliquer en psychiatrie !
Réforme du financement de la psychiatrie et de la pédopsychiatrie -
Par Laurence Cohen / 13 juillet 2021Monsieur le Ministre,
Je me permets d’attirer votre attention sur le projet de décret lié à l’article 34 de la loi N° 2019-1449 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale et actuellement soumis au Conseil d’Etat pour une application prévue le 1er janvier 2022.
J’avais déjà eu l’occasion d’exprimer mes inquiétudes sur cet article portant réforme du financement de la psychiatrie et de la pédopsychiatrie lors de l’examen du PLFSS 2020.
Si le financement actuel n’est pas satisfaisant (dotation annuelle de financement-DAF) et est responsable en partie des maux de la psychiatrie, avec un déséquilibre croissant entre la part du public et celle du secteur privé lucratif, la réforme proposée va encore aggraver la situation.
En effet, alors qu’une remise en cause du financement de la Médecine Chirurgie Obstétrique (MCO), basée sur la tarification à l’activité, est légitimement en cours, appliquer ce même type de financement à la psychiatrie est une hérésie.
Nombreux sont les soignant·es, les associations d’usagers à dénoncer les effets délétères de cette réforme. La T2A ‘’psy’’ dite tarification de compartiments va induire des prises en charge brèves et des actes rentables, favorisées par la Dotation File Active (DFA).
A l’inverse de ce que doit être le soin psychique, où le long cours, la prise en compte véritable de l’individu par une approche pluridisciplinaire sont indispensables.
Des psychiatres craignent également les effets négatifs pour les patient·es à partir de 18 ans, avec une dégressivité du financement à partir de ce seuil d’âge.
Le risque est grand de voir les plus fragiles des patient·es dont le suivi doit être régulier et s’inscrire dans la durée, ne plus être correctement accompagnés, et au final, renoncer aux soins.
Monsieur le Ministre, je fais partie d’une Mission d’information sénatoriale examinant les conséquences de la pandémie de Covid 19 sur la santé mentale et mettant en lumière le rôle crucial joué par les psychiatres et les psychologues notamment.
Alors que, depuis des années, ce secteur est particulièrement sinistré - fermetures massives de CMP, de structures de proximité, manque d’effectifs, volonté de normaliser les soins via des protocoles standardisés - la crainte est immense.
J’ai récemment visité le CMP de Villiers/Marne (94) rattaché au CH Les Murets et j’ai pu constater combien des pratiques professionnelles innovantes, adaptées au patient·e, contribuaient à l’amélioration de leur situation, à leur bien-être.
Aussi, à la veille des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, je souhaiterais que vous puissiez m’indiquer si vous entendez renoncer à cette réforme du financement de la psychiatrie et de la pédopsychiatrie, qui va mettre en difficultés de nombreux établissements et de fait, de nombreux patient·es.
Et enfin, pourriez-vous m’indiquer quels moyens, quels budgets supplémentaires vous comptez attribuer à la psychiatrie publique ?
Dans l’attente de votre réponse, je vous prie de recevoir, Monsieur le Ministre, mes sincères salutations.