Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Les courriers officiels

Restitution par la France de biens culturels au Bénin

Lettre collective à la ministre de la Culture -

Par / 14 avril 2017

Madame la Ministre de la Culture et de la Communication,

En mars dernier, Jean-Marc Ayrault a transmis par lettre à son homologue béninois Aurélien Agbénonci la fin de non-recevoir que la France opposait à la demande de restitution des trésors des rois du Dahomey, exprimée par le gouvernement béninois le 27 juillet 2016. Ces biens culturels inestimables, propriétés du Quai Branly, sont en effet arrivés en France en 1892 suite au pillage du palais royal d’Abomey par les troupes coloniales du général Dodds.

Le refus français s’appuie sur deux faits précis, la possession de ces biens par la France depuis de nombreuses années d’une part, et les principes d’inaliénabilité, d’imprescriptibilité et d’insaisissabilité des collections nationales d’autre part. S’il ne s’agit pas pour nous de contester votre lecture des articles L.451-5, L.451-3, L.541-10 et L.451-7 du code du patrimoine, nous restons sceptiques à l’idée que le retour sur le sol béninois des trésors des rois du Dahomey soit totalement impossible.

En premier lieu, s’il ne fait plus aucun doute que l’acquisition par la France de ces biens s’assimile à un acte illicite, le principe d’un retour des biens sur la base de la notion du rendu « à bien faire » reste possible. Bien qu’issu du droit confédéral suisse, ce principe s’était notamment imposé dans le cadre du retour des statuettes Nok et Sokoto au Nigéria il y a maintenant quinze ans.

D’autre part, et comme vous l’avez déclaré vous-mêmes, la coopération culturelle franco-béninoise s’est considérablement développée ces dernières décennies. De fait, nous considérons que la perspective d’un prêt des biens sur vingt-cinq années renouvelables par le Quai Branly à un musée béninois comme le musée historique d’Abomey aurait été un signal positif à envoyer au gouvernement et au peuple béninois. Cette solution, bien qu’imparfaite, aurait par ailleurs permis à la France de redéfinir un cadre global concernant les biens culturels présents sur le territoire et issus de la spoliation consécutive aux vagues de colonisation, en Afrique et en Asie.

En effet, ancienne grande puissance coloniale, la France possède au sein de ses collections nationales un nombre important de biens culturels mal-acquis. De fait, cette demande béninoise est amenée à ne pas être la dernière. Il ne s’agit pas pour nous de revendiquer la suppression totale des principes d’inaliénabilité, d’imprescriptibilité et d’insaisissabilité des collections nationales. Cependant, la question de permettre le retour des biens culturels mal-acquis sur leur territoire d’origine est aujourd’hui légitime, et ce à plusieurs titres.

D’une part, on peut s’interroger sur la pertinence de multiplier les initiatives législatives visant à créer au cas par cas des exceptions aux principes du code du patrimoine, comme cela a notamment été le cas pour la proposition de loi relative à la demande de la Nouvelle-Zélande. Si cette méthode permet de réaffirmer le caractère exceptionnel de la démarche, elle n’en reste pas moins une législation pour un cas particulier et une solution à court terme. En effet, elle ne traite pas le problème de fond qu’est la gestion par la France de sa période post-coloniale.

D’autre part, bien loin de penser que la colonisation fut un « échange de cultures », nous pensons qu’elle a constitué « l’une des causes principales de l’appauvrissement du patrimoine culturel des pays d’origine de ces biens » comme le rappelle l’article 2 de la Convention de Paris de 1970 .

Enfin, permettre le retour de ces biens dans leur pays d’origine marquerait sans conteste un signal fort envoyé aux anciennes colonies françaises et un pas important vers la normalisation des relations entre la France et ces dernières.

C’est pour l’ensemble de ces raisons que nous vous sollicitions, d’une part pour connaître vos intentions afin de permettre le retour au Bénin des trésors des rois du Dahomey, d’autre part vous assurer de notre soutien au gouvernement béninois dans sa demande dont la légitimité ne fait aucun doute à nos yeux et enfin vous interroger sur l’opportunité de voir émerger une initiative législative visant à créer un droit d’exception à l’inaliénabilité des collections nationales dans le cadre très spécifique des biens culturels mal-acquis durant la colonisation.

Nous vous vous prions de croire, Madame la Ministre de la Culture et de la Communication, en notre plus haute considération.

Les sénatrices et sénateurs du groupe Communiste, Républicain et Citoyen membre de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées.

Les sénatrices et sénateurs du groupe Communiste, Républicain et Citoyen membre de la commission Culture, Éducation et Communication.

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