travailleurs saisonniers étrangers
Par Robert Bret / 18 avril 2007Monsieur le Président de la FDSEA 13,
Par la présente, je tiens à vous remercier pour votre invitation à participer à la réunion publique sur « les travailleurs saisonniers étrangers » que vous organisez ce 20 avril à Salon. Malheureusement, mon emploi du temps ne me permettra pas d’assister à cette initiative. Croyez bien que je le regrette, étant donné l’intérêt que je porte à la problématique soulevée.
En effet, et ainsi que vous devez en être informé, je suis maintes fois intervenu - tant au niveau local, en direction du Préfet, qu’au niveau national, dans le cadre de mon mandat parlementaire - en vue de parvenir à une situation respectueuses des droits de chaque partie en matière d’emploi de main d’œuvre saisonnière étrangère dans l’agriculture de notre département.
Aussi, estimant opportun et judicieux de mettre à profit cette initiative du 20 avril pour aborder des pistes pérennes, je vous adresse ci-joint une note pouvant offrir une solution qui me semble conforme à l’intérêt de toutes les parties tout en s’inscrivant dans la nouvelle législation.
Il s’agit, en substance, de l’intervention que j’aurais faite si j’avais pu me libérer et pour laquelle il me saurait gré de connaître votre opinion.
Je vous laisse la liberté, si vous le souhaitez, de la diffuser auprès de vos adhérents.
Dans l’attente d’être informé des suites que vous entendez donner à votre réunion,
Et restant à votre disposition,
Je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l’assurance de mes respectueuses salutations.
Copie M. Pierre N’GAHANE, Préfet à l’Egalité des Chances.
*** *
Note sur les nouvelles conditions d’emploi de la main d’œuvre étrangère dans l’agriculture des Bouches-du-Rhône
Situation passée
Les ouvriers agricoles saisonniers sont introduits en France en vertu de l’article R 341-7-2 du Code du Travail.
Article R 341-7-2 :
« Le contrat d’introduction de travailleur saisonnier visé par les services du ministre chargé du travail donne à son titulaire le droit d’exercer l’activité professionnelle salariée qui y est portée pendant sa durée de validité chez l’employeur qui a signé ce contrat.
La durée totale du ou des contrats saisonniers dont peut bénéficier un travailleur étranger ne peut excéder six mois sur douze mois consécutifs.
Un même employeur ne peut être autorisé à recourir à un ou des contrats de main-d’œuvre saisonnière visés à l’article 1er pour une période supérieure à six mois sur douze mois consécutifs. Le décompte est effectué pour chaque établissement d’une même entreprise.
A titre exceptionnel, l’employeur peut être autorisé à conclure des contrats saisonniers d’une durée maximum totale de huit mois sur douze mois consécutifs sous la double condition que ces contrats concernent des activités de production agricole déterminées, pour lesquelles cette mesure répond à des exigences spécifiques et que l’employeur intéressé apporte la preuve qu’il ne peut faire face à ce besoin par le recrutement de main-d’œuvre déjà présente sur le territoire national.
La liste des activités de production agricole où pourra être autorisée la conclusion des contrats saisonniers mentionnés à l’alinéa précédent est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés du travail et de l’agriculture ».
On notera que la double condition nécessaire pour conclure des contrats de huit mois implique une double acception du caractère exceptionnel (donc rare) de cette dérogation :
– rareté des activités : les productions agricoles qui ont des exigences spécifiques doivent être peu nombreuses ;
– rareté dans le temps : l’impossibilité de recruter une main d’œuvre intérieure ne saurait être que conjoncturelle.
Dans le département des Bouches-du-Rhône, les pouvoirs publics ont délibérément ignoré ces conditions et les mesures dérogatoires sont devenues la règle.
Ainsi les autorisations d’extension des contrats à huit mois concernent chaque année plus de 40% des saisonniers (1617 en 2004).
Nouvelles dispositions réglementaires
Deux modifications récentes (loi Sarkozy du 24 juillet 2006) du Code de l’entrée et du séjour des étrangers (CESEDA, article L 313-10) imposent de nouvelles pratiques :
• d’une part, une « carte de séjour temporaire autorisant l’exercice d’une activité professionnelle est délivrée :
1o A l’étranger titulaire d’un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l’article L. 341-2 du code du travail.
Pour l’exercice d’une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l’autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d’employeurs et de salariés représentatives, l’étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l’emploi sur le fondement du même article L. 341-2.
La carte porte la mention "salarié" lorsque l’activité est exercée pour une durée supérieure ou égale à douze mois.
Elle porte la mention "travailleur temporaire" lorsque l’activité est exercée pour une durée déterminée inférieure à douze mois. (article L 313-10 1° du CESEDA)
• d’autre part, la carte de séjour des travailleurs saisonniers ne les autorisent plus à travailler plus de 6 mois par an (article L 313-10, 4° du CESEDA)
NB. Les métiers suivants : maraîcher-horticulteur, arboriculteur-viticulteur et aide saisonnier agricole font partie de la liste des métiers « en tension » pour lesquels il n’est plus nécessaire d’invoquer et de justifier l’absence de main d’œuvre disponible localement (cf. circulaire DPM/DMI/2/2007/81 du 26 mars 2007).
Adaptation des procédures et des statuts
Dans ces conditions, l’introduction de saisonniers dont les contrats dépassent systématiquement 6 mois ne pourra plus relever de l’article R 341-7-2 du Code travail mais de l’article R 341-1.
Au terme de celui-ci, il peut leur être délivré une autorisation de travail limitée « à une seule activité professionnelle » et « dans un seul département ». Cette autorisation de travail sera délivrée par la DDTEFP qui gère actuellement les introductions de travailleurs saisonniers.
Aussi, le recours à l’article R 341-1 pour l’introduction de travailleurs agricoles travaillant plus de 6 mois par an ne remettrait pas en question le contrôle souverain de l’administration sur la destination de la main d’œuvre étrangère ainsi introduite.
En effet, celle-ci conserverait la possibilité de limiter le renouvellement de l’autorisation de travail au seul secteur agricole et dans le seul département des Bouches-du-Rhône.
Cette voie alternative, strictement conforme à la réglementation en vigueur aujourd’hui ne semble présenter que des avantages pour toutes les parties.
Pour les salariés, elle réduirait leur précarité sur le plan administratif comme sur le plan de l’emploi.
En ce qui concerne les exploitants agricoles, la plupart des contrats de plus de 6 mois de leurs travailleurs « OMI » ne sont pas conformes au code du travail, en particulier à la réglementation des CDD de type saisonnier. Beaucoup d’exploitants s’exposent ainsi à une condamnation par le Conseil des Prud’hommes, si leurs salariés décident de saisir ce dernier. Ce qui arrive de plus en plus fréquemment quand leurs contrats ne sont pas renouvelés. En effet la diversité des tâches que sont amenés à effectuer ces ouvriers sont sous contrats de 8 mois et le caractère de plus en plus désaisonnalisé des productions agricoles, notamment sous serres, constituent des arguments juridiques qu’il est difficile désormais d’ignorer dans la perspective où un « saisonnier » saisirait les Prud’hommes.
La seule forme juridiquement adaptée des contrats de travail pour ces travailleurs est le contrat de travail intermittent qui figure d’ailleurs depuis longtemps dans la convention collective. A l’instar du travail saisonnier, cette forme de contrat de travail concerne des activités qui comportent une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées, mais qui ne sont pas strictement saisonnières (articles L 212-4-12 à L 212-4-15 du Code du Travail). Ce contrat de travail fait obligatoirement l’objet d’un CDI.
Ainsi le titre de séjour accordé en application de l’article L 313-10 1° du CESEDA et limitant l’autorisation de travail au seul secteur agricole et uniquement dans les Bouches du Rhône, couplée à un CDI de type intermittent, garantirait aux exploitants agricoles des Bouches-du-Rhône de conserver leur ancienne et fidèle main d’œuvre saisonnière pour une durée de travail annuel qu’ils continueraient de fixer conformément à leurs besoins.
Enfin, la mise en œuvre de cette réglementation simplifierait grandement et pour tout le monde les procédures et démarches qu’il fallait entreprendre sous l’ancienne réglementation.
Aussi, suite aux dernières modifications de la loi, il conviendrait de mettre en œuvre avec la Préfecture des Bouches-du-Rhône et la DDTEFP, une politique d’introduction de travailleurs agricoles étrangers conforme à l’actuelle réglementation et aux besoins reconnus des exploitants agricoles. Cette politique pourrait concerner en priorité tous les saisonniers sous contrats de plus de 6 mois. Elle serait susceptible de recevoir le soutien des élus, sans qu’il soit nécessaire de demander au gouvernement de changer une réglementation qui vient juste d’être modifiée ou une quelconque autorisation, puisque c’est lui qui souhaité mettre en place ce dispositif d’introduction de main d’œuvre étrangère, qualifiée de « choisie ».