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Les débats

Ce phénomène n’est plus cantonné dans les territoires faiblement peuplés, mais gagne aussi les villes

Désertification médicale -

Par / 13 janvier 2011

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’occasion de la présentation de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, le Gouvernement a prouvé, hélas, qu’en matière d’égal accès aux soins, il n’avait aucune solution nouvelle à proposer. Quelques mois plus tard, le rapport d’Élisabeth Hubert pointe les graves problèmes, déjà évoqués lors du débat au Parlement, que posent les déserts médicaux. Les solutions proposées, en revanche, ne sont guère convaincantes ; l’opposition, en tout cas, n’est pas convaincue...

Lors du débat sur la loi HPST, que n’a-t-on entendu dire, du côté de la majorité, à propos de l’éventualité de mesures contraignantes visant à inciter les professionnels de santé à s’installer dans des territoires souffrant d’un déficit patent de médecins !

Ainsi M. Alain Vasselle, qui connaît bien ces questions, est-il allé jusqu’à affirmer que la remise en cause du principe de liberté d’installation des médecins généralistes était inconstitutionnelle ! Évidemment, ce n’est pas le cas. Jusqu’où ne faut-il pas aller pour essayer de convaincre...

De toute évidence, le principe de la liberté d’installation restait, en 2009 encore, un tabou pour la majorité parlementaire, mais pas de façon unanime.

M. Hervé Maurey. Absolument !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je propose à ceux qui aiment les comparaisons de considérer la situation de l’Allemagne, dont le régime politique, que je sache, est loin d’être « soviétique »...

Ce pays est revenu sur le principe de liberté d’installation des médecins généralistes dans les années quatre-vingt-dix. Aujourd’hui, les Allemands, tout en n’étant pas moins bien soignés que les Français, ont réussi à résorber une partie de leurs « déserts médicaux ». Pendant ce temps, les nôtres se développent : ce phénomène n’est en effet plus cantonné dans les territoires faiblement peuplés, mais gagne aussi les villes et les régions où la démographie est dense et dynamique ! C’est ainsi le cas en Seine-Saint-Denis et dans d’autres départements urbains.

Après avoir fait mine d’agir et fait voter par le Parlement, en 2009, deux dispositions, la première obligeant les médecins à déclarer leurs congés, la seconde mettant en œuvre des contrats santé solidarité, votre prédécesseur, madame la secrétaire d’État, s’est empressée de décider, à la fin de l’année 2010, de surseoir à la publication de leur décret d’application. On est donc revenu à la case départ : ne rien faire !

La première disposition, a précisé Mme Bachelot, était en définitive trop discriminante et péchait parce qu’elle indisposait le corps médical.

M. Pierre-Yves Collombat. Voilà !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En ce qui concerne la seconde, gageons que la ministre a fini par se rallier aux arguments de ceux, dont nous faisons partie, qui pensaient qu’elle était absolument inutile, car rigoureusement inapplicable !

Comment imaginer sérieusement, en effet, de demander à des médecins installés en zone surdense de se rendre ponctuellement en zones sous-dotées pour y faire des consultations et y assurer de façon pérenne un accès aux soins ? C’est surréaliste !

Aujourd’hui peut-être, plus qu’il y a deux ans, nous pourrons vous convaincre, mes chers collègues, ainsi que le Gouvernement, qu’il existe des solutions à cette situation grave, et susceptible de s’aggraver encore, compte tenu de l’évolution de la pyramide des âges dans les prochaines années.

Tout d’abord, plutôt que de tenter en vain et à tout prix d’attirer les médecins dans les zones sous-dotées, il est possible de considérer le problème sous un autre angle et de chercher à dissuader les omnipraticiens de s’installer dans les zones surdotées.

Pour ce faire, on peut envisager de soumettre l’installation des médecins à l’autorisation des agences régionales de santé.

M. Jacques Blanc. Surtout pas !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On peut aussi décider de refuser de façon temporaire le conventionnement des médecins de premier recours qui veulent exercer dans les zones où l’offre de soins est déjà plus que satisfaite.

Par exemple, sur le plan de la démographie médicale, Paris est une zone surdotée. Il faut cependant préciser que deux tiers des médecins spécialistes et 50 % des médecins généralistes y exercent en secteur 2. Et personne parmi vous, chers collègues de la majorité, n’y trouve rien à redire !

Si la population parisienne aisée est très satisfaite de cette situation, les patients les plus modestes, en revanche, sont de plus en plus nombreux à faire la queue dans les services des urgences des hôpitaux. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) Voilà la réalité ! Il y a donc beaucoup à dire sur la liberté d’installation, alors même que la sécurité sociale finance la médecine...

En outre, si l’on veut essayer de régler un problème différent, mais connexe, car lui aussi aggrave les difficultés d’accès aux soins, on peut également décider de retirer le conventionnement de ceux qui, bien que diplômés de la spécialité de médecine générale, ne pratiquent pas effectivement cette médecine de premier recours. Ainsi, certains de ces médecins s’installent en tant qu’acupuncteurs ou exercent l’angéiologie...

Il nous semble que cette piste, plus que le seul rehaussement du numerus clausus, permettrait de donner une réponse concrète à la pénurie d’omnipraticiens dans certains territoires.

Ensuite, il est envisageable, comme l’a proposé notre collègue Hervé Maurey, d’instituer une sorte d’obligation pour les jeunes médecins de s’installer, pour une durée déterminée, là où ils sont particulièrement utiles.

L’Académie de médecine évoquait déjà cette possibilité en 2007 – et on ne peut pas accuser cette dernière d’être contre la médecine – : dans la mesure où la formation de chaque médecin représente pour la société une charge financière de l’ordre de 200 000 euros, il ne paraît pas incongru de demander aux médecins nouvellement diplômés, comme dans certaines grandes écoles, de consacrer quelques années de leur vie professionnelle au service de la nation.

Pour ma part, j’ajouterai qu’il serait peut-être intéressant de favoriser également l’accès aux études médicales de jeunes issus de catégories sociales modestes, un accès en général difficile, par un système de prise en charge post-bac avec pour contrepartie l’obligation de service dans leur département ou dans les départements sous-dotés pendant un certain nombre d’années.

Pour conclure, il nous semble aussi particulièrement nécessaire de fixer des règles d’accessibilité aux soins de premier recours, de sorte que la politique régionale de santé contribue effectivement à réduire les inégalités en la matière.

Tout d’abord, le temps d’accès à un professionnel de santé doit se mesurer en termes de distance et de durée. Dans un rapport sénatorial de 2008, il était préconisé un temps de trajet d’une durée maximale de trente minutes, ce qui paraît tout de même suffisamment important.

En outre, l’accessibilité aux soins doit prendre en compte le temps d’attente ; il faut pouvoir consulter son médecin dans un délai raisonnable.

Enfin, et cet aspect nous semble être de la plus grande importance, il faut que l’accès aux tarifs opposables, c’est-à-dire non soumis à dépassements d’honoraires, devienne un critère essentiel dans l’appréciation de l’accessibilité aux soins de premier recours.

Par conséquent, mes chers collègues, nous attendons de vous que vous fassiez des propositions concrètes et opérationnelles. Madame la secrétaire d’État, nous vous demandons de faire preuve d’ouverture et de pragmatisme car il est urgent d’agir.

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