Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Les débats

Ceux qui ont voté tous les textes accompagnant le désengagement de l’État veulent aujourd’hui inciter les collectivités à se « serrer la ceinture »

Optimisation des moyens des collectivités territoriales -

Par / 17 juin 2010

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le discours sur l’optimisation des moyens des collectivités territoriales a un caractère assez incantatoire.

En effet, qui pourrait être opposé à l’idée d’utiliser au mieux les moyens à disposition des collectivités territoriales, de rationaliser l’usage des ressources apportées par le contribuable local, ne serait-ce que pour libérer des moyens financiers en vue de répondre plus efficacement aux nouveaux besoins qui s’expriment et de permettre la création et le développement des services publics qui permettent d’y faire face ?

Répondre aux besoins collectifs tels qu’ils s’expriment au niveau local n’implique-t-il pas de savoir trouver les voies et moyens d’une juste et efficace allocation des recettes, fiscales comme budgétaires, dont disposent les élus locaux ?

Nous pouvons prêter au rapport de nos collègues de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation toute l’attention qu’il mérite, ne serait-ce que pour partager le constat d’une tension particulière des budgets locaux, notamment depuis la loi relative aux libertés et responsabilités locales de 2004, bien souvent appelée « acte II de la décentralisation », mais qui en est bien loin.

Cependant, c’est surtout à un accroissement des transferts des responsabilités de l’État vers les collectivités que nous avons à faire face. Ce mouvement ne fait que s’amplifier du fait de la volonté de faire participer les collectivités locales à la réduction des déficits publics, l’État n’hésitant pas, en même temps, à les solliciter, comme en 2009, pour donner un « coup de pouce » à l’économie.

Pour autant, faut-il, ainsi que nous y invite le rapport, mettre en œuvre tout ce qui pourrait permettre de réaliser des « économies d’échelle », en passant par une mutualisation accrue des moyens matériels et humains ? Je ne le pense pas, comme je l’ai rappelé en avril dernier.

Cette attitude, me semble t-il, dessaisit peu à peu les collectivités les plus petites de leurs capacités à assumer leurs missions et leurs choix politiques auprès de la population. Cela peut, à terme, mettre en cause la clause de compétence générale pourtant inscrite dans la loi de décentralisation de 1982.

J’ai bien lu les propositions de nos collègues sur la mise en place d’un dispositif financier incitatif et neutre pour le budget de l’État. Le projet de faire varier la dotation globale de fonctionnement des communes et des groupements en fonction de la proportion des effectifs mutualisés par rapport aux effectifs totaux des collectivités concernées, c’est-à-dire, en quelque sorte, de désigner les bons et les mauvais élèves en matière de coopération intercommunale et de mutualisation, ne peut recueillir mon soutien et suscite plutôt mon profond désaccord. C’est refuser de reconnaître la diversité des situations des collectivités. Ce serait refuser que les collectivités maintiennent des services publics là où d’autres ont fait le choix de les externaliser. Les bons élèves, ceux qui font des gains de productivité en réduisant l’importance de leurs équipes de terrain, seraient récompensés.

Ces propositions procèdent de l’idée que le contexte financier « pousse inéluctablement au développement de la mutualisation et de l’intercommunalité ».

La vérité des faits, c’est que le bilan de la décentralisation et des transferts de compétences est si déséquilibré qu’il convient de faire quelque chose, ou, en tout cas, de proposer autre chose. Or, ceux qui, depuis 2004, ont voté tous les textes accompagnant le mouvement de désengagement de l’État et d’accentuation du transfert de charges sur les collectivités, veulent inciter les collectivités à se « serrer la ceinture » et à participer, d’une certaine manière, à la mission de réduction des dépenses publiques que le gouvernement actuel entend mener au niveau de l’État.

Cette proposition incitative à la mutualisation ressemble fort – c’est en tout cas comme cela que je l’ai ressentie – à une anticipation de la réforme des collectivités territoriales, alors que le vote de notre assemblée n’a pas encore eu lieu. Elle témoigne d’une volonté de créer ces communes nouvelles dont l’objet est, en fin de compte, la fin de nos communes actuelles.

Si nos collectivités souffrent aujourd’hui, c’est parce qu’elles n’ont plus les moyens de faire face aux obligations transférées par la loi ou, comme l’a dit l’un des rapporteurs, pour pallier le désengagement de l’État dans des secteurs de plus en plus nombreux. Je crois que tout le monde peut le constater.

En effet, vous le savez, le bilan est lourd. Un certain nombre de départements – une vingtaine, nous dit-on – sont au bord du gouffre ou en quasi-cessation de paiement. Tout le monde sait combien il est difficile pour les conseils généraux de prendre en charge l’entretien et la mise aux normes d’une route nationale importante lorsque l’État n’a jamais pensé à financer son passage à quatre voies ! Mais notre collègue Bruno Sido n’étant pas présent, nous n’aurons sans doute pas de réponse à ce sujet.

Comment faire face à la croissance continue des dépenses liées au RSA ou à l’autonomie des personnes âgées dans un département frappé par l’exode des jeunes et la désindustrialisation pilotée par les grands groupes et les fonds spéculatifs ?

À tout cet ensemble pour le moins déstabilisant s’ajoute la réforme des finances locales, notamment la suppression de la taxe professionnelle. Cette réforme fait perdre toute visibilité aux élus locaux sur l’avenir des services publics qu’ils assurent et qui, comme l’a bien rappelé le ministre du budget M. Woerth, ont pourtant permis d’amortir les conséquences de la crise dans notre pays.

À cela s’ajoutent encore des situations pour le moins incohérentes : certaines collectivités confrontées à des besoins sociaux particuliers seraient aujourd’hui mises à contribution pour compenser les pertes de ressources entre la taxe professionnelle et la contribution économique territoriale.

Ma collègue Gélita Hoarau m’a fait remarquer que la Réunion, en tant que département et région, serait soumise à contribution au bénéfice du Fonds national de garantie individuelle des ressources, ce qui est quand même étonnant pour une collectivité dont moins de 30 % de la population résidente paie l’impôt sur le revenu.

Or, l’éloignement de la fameuse « clause de revoyure », cette « carotte » offerte l’automne dernier aux parlementaires réticents, risque de plus en plus de s’apparenter à l’Arlésienne et de nourrir l’inquiétude sur le terrain.

Un fait nouveau va dégrader encore davantage la capacité des collectivités à répondre aux besoins de leur population : il s’agit du gel des dotations budgétaires des collectivités locales annoncé dans la loi de finances pour 2011.

Cette simple reconduction en euros courants va faire des élus locaux de simples partenaires obligés de la réduction des déficits publics, les contraignant à de faux choix entre hausse des impôts et des tarifs et baisse du service public local.

Pourtant, leur contribution est essentielle à la dynamique économique dont notre pays aurait bien besoin dans ce paysage morose pour les demandeurs d’emploi.

Proposer la mutualisation, pour optimiser nos moyens, au moment où l’État ne projette pas de mutualiser ses propres moyens avec ceux des collectivités mais les supprime tout simplement, n’est-ce pas accepter de nouveaux transferts ?

Regardons avec attention toutes les mesures qui fleurissent depuis quelque temps sur la petite enfance.

Cela a commencé par la réduction des impôts au bénéfice de ceux qui font assurer la garde de leurs enfants à domicile. On sait bien que ce ne sont pas les plus modestes qui en bénéficient.

Cette première mesure a été suivie d’une proposition de jardin d’éveil prenant en charge les jeunes enfants, du même âge que les élèves des écoles maternelles, le jardin d’éveil étant assimilé à l’école et justifiant ainsi la participation des collectivités locales à son fonctionnement. Il n’y aurait aucune contribution de l’État, mais le service rendu aux familles serait payant.

En même temps, les ouvertures de classes en école maternelle deviennent de plus en plus difficiles. L’accueil des plus jeunes, ceux ayant deux ans et demi, s’amenuise. Il est une autre nouveauté : les assistantes maternelles peuvent maintenant accueillir quatre enfants à domicile. Parallèlement, on assiste à des coupes claires parmi les personnels de l’éducation nationale.

Pendant ce temps, le Gouvernement demande aux caisses d’allocations familiales de réduire leurs dépenses en faveur des contrats petite enfance passés avec les collectivités territoriales.

Pourtant, cela ne semble pas encore suffire. Le Gouvernement voudrait aujourd’hui regrouper quatre assistantes maternelles en un même lieu mis à disposition par les collectivités. Ainsi, seize enfants de l’âge d’élèves d’écoles maternelles pourraient être regroupés dans un même espace. Ce ne serait pas une crèche et l’encadrement ne serait pas le même.

Cet exemple montre, s’il en est besoin, comment, sous prétexte de réduire des coûts et de maîtriser la dépense publique, l’État brise une formidable organisation grâce à laquelle la France a aujourd’hui le meilleur taux de renouvellement de la population en Europe, celle de la prise en charge de la petite enfance y ayant largement contribué.

C’est une autre conception de la société que le Gouvernement veut mettre en place à marche forcée, détruisant toute cette richesse qui a pourtant permis à des milliers et des milliers d’enfants de développer leurs capacités dans de meilleures conditions.

Je pense à tous les enfants des quartiers populaires, issus ou non de l’immigration, qui ont trouvé ainsi des possibilités d’épanouissement les préparant à leur future scolarité.

Cette logique d’une société où, peu à peu, est brisé tout ce qui peut contribuer à construire dans de meilleures conditions l’avenir des plus modestes, nous ne pouvons l’accepter.

Cette logique, c’est celle qu’impose le système capitaliste dans lequel nous sommes, avec cette exigence de rémunération des capitaux au détriment du développement industriel, de l’emploi, et dont on voit la nocivité avec plus de clarté depuis deux ans.

Nous pensons qu’une autre optimisation doit être au cœur de notre réflexion. C’est celle qui fera que les richesses produites servent au développement humain, à la protection de notre environnement, plutôt qu’à l’enrichissement de quelques-uns.

Quant à la mutualisation, laissons la possibilité aux élus locaux de la décider sur la base de leurs projets. Le choix éventuel de la mutualisation ne doit pas être fondé sur la base de mesures incitatives.

Vous me direz sans doute que j’ai été sélective dans les mesures que j’ai ciblées, par rapport aux préconisations de mes collègues. Mais ce qui doit guider notre action, à mon avis, c’est la réponse la meilleure aux besoins des habitants.

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