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Les débats

Comment est-il possible de préconiser toujours et encore plus d’austérité quand les peuples souffrent ainsi ?

Conseil européen des 26 et 27 juin 2014 -

Par / 23 juin 2014


L’europe nous enfonce dans l’austérité et... par senatpcf

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les 26 et 27 juin se tiendra donc le premier Conseil européen depuis les élections européennes du 25 mai, dont les résultats ont été marqués par une très forte abstention – même si celle-ci fut moins importante que ne l’annonçaient les sondages, elle témoigne d’un grand désintérêt et d’un fatalisme certain des citoyens à l’égard de l’Europe – et par la percée des partis populistes europhobes, qui reflète le malaise sociétal dans lequel l’Europe s’est enlisée ces dernières années.

Avec un taux de participation à peine supérieur à 43 %, les deux grands partis que sont le PPE et le PSE obtiennent respectivement 29,43 % et 25,43 % des voix. Il n’y a donc pas de quoi pavoiser, car ils devront s’accommoder de la nouvelle donne tenant au fait que les partis populistes et d’extrême droite rassemblent environ 20 % des voix.

Il faut tout de même noter une nette progression du groupe de la gauche unitaire européenne, qui passe de trente-deux à cinquante-deux membres, issus de quatorze pays différents, la parité y étant exactement respectée, comme au sein du groupe CRC du Sénat. C’est encore trop peu, mais cela permettra sans doute de faire mieux entendre, au Parlement européen, l’aspiration à une Europe fondée sur la solidarité et la coopération.

Au contraire, les populistes d’extrême droite promeuvent des remèdes simplistes pour des problèmes complexes, et leurs thèses s’imposent avec une telle agressivité qu’elles vont marquer la vie politique pour les années à venir.

Le verdict des urnes laisse encore subsister quelques inconnues, et le futur président de la Commission devra trouver des alliés ou des partenaires pour gouverner.

Comme l’écrivait une journaliste d’El Pais, « Il y a de l’écho dans l’histoire. […] Comme l’a montré le XXe siècle européen, les grandes crises, quand elles sont combattues au moyen de certaines recettes économiques, poussent la démocratie à se retourner contre la démocratie. »

La crise du capitalisme, l’austérité imposée aux plus faibles sont bien à l’origine de ces deux phénomènes que sont l’abstention massive et le vote en faveur de l’extrême droite. Car la crise, on le sait bien, ce n’est pas pour tout le monde : ainsi, même avec des profits en baisse de 8 % en 2013, les entreprises du CAC 40 ont augmenté de 8 % les dividendes distribués ! Alors que nos grandes entreprises accumulent des retards d’investissements considérables, 85 % des profits partent en dividendes…

Nous retrouvons cette même façon de penser au sein de l’Union. S’il fallait encore un exemple de cette déconnexion des instances européennes des préoccupations des citoyens, il suffirait de regarder l’ordre du jour du prochain Conseil européen, notamment les conclusions du semestre européen : rien ne change ! Comment est-il possible de préconiser, encore et toujours, plus d’austérité, quand les peuples souffrent ?

Ainsi, la lecture des recommandations de la Commission concernant le programme national de réforme pour la France de 2014 et portant avis du Conseil sur le programme de stabilité de la France pour 2014 ne peut que laisser pantois. Comment l’Europe peut-elle espérer relancer l’économie du continent en renforçant encore l’austérité ? Ces recommandations, qui s’apparentent en fait à des consignes à appliquer, nous enseignent quelles seront les orientations pour le prochain budget, et même pour le collectif budgétaire à venir. Il est ainsi clairement signifié à notre pays que des efforts additionnels devront être inscrits dans la prochaine loi de finances rectificative pour 2014.

Je dois avouer que je m’interroge de plus en plus sur le rôle que nous jouons dans cet hémicycle, d’ailleurs toujours plus désert lorsque le débat porte sur l’Union européenne… Le Conseil européen définit les objectifs pour notre pays, le Gouvernement les applique avec le zèle que nous lui connaissons, et pour notre part nous nous contentons de les commenter.

C’est pourtant le candidat Hollande qui tenait les propos suivants : « Je veux réorienter la construction européenne. Je défendrai une association pleine et entière des parlements nationaux et européen à ces décisions. » Mais, dans la réalité, le Conseil européen assène qu’« il est donc nécessaire de préciser encore la stratégie de réduction des dépenses en intensifiant l’examen des dépenses qui est en cours et en redéfinissant, le cas échéant, la portée de l’action des pouvoirs publics ». Le Conseil européen insiste également fortement sur l’importance du projet de loi relatif à l’organisation territoriale de notre pays. Selon lui, ce texte devrait permettre « de simplifier les divers échelons administratifs, de créer de nouvelles synergies, d’obtenir de nouveaux gains d’efficacité et de réaliser des économies supplémentaires en fusionnant ou en supprimant des échelons ».

Si certains d’entre nous avaient encore quelques doutes sur les raisons du revirement présidentiel et gouvernemental concernant la suppression des départements et la diminution considérable du nombre d’élus régionaux, le Conseil européen nous rappelle fort à propos ce qui l’inspire…

La réforme des collectivités territoriales ne répond en effet qu’à une application aveugle des recommandations du Conseil. Ainsi, le Gouvernement français va intensifier le contrôle des dépenses des collectivités territoriales, plafonner l’augmentation annuelle de leurs recettes fiscales, tout en mettant en œuvre de façon rigoureuse la réduction des dotations, comme on le lui demande. Voilà le programme dicté par l’Europe pour nos collectivités ! Est-ce de cette Europe-là que les citoyens veulent ? Je ne le crois pas.

De plus, comment peut-on imaginer un seul instant qu’il sera possible de réaliser des économies en supprimant les assemblées départementales et une région sur deux ? Même l’agence de notation Moody’s annonce que cette réforme sera sans effet sur la dépense publique. Certes, il est nécessaire d’adapter nos services publics aux nouveaux besoins des administrés, mais cela ne veut pas dire les éloigner toujours plus des populations. Devant cette recentralisation, devant l’affirmation de métropoles hyperintégrées, il nous faut exiger que ces choix, qui engagent l’avenir des conseils départementaux, des conseils régionaux, des communes et des intercommunalités, soient non pas imposés par une recommandation du Conseil européen, mais débattus et tranchés souverainement par le vote des citoyens concernés. Ce dont la France et l’Europe ont besoin, c’est avant tout d’un renouveau démocratique !

D’autres recommandations sont tout aussi inquiétantes pour le devenir de notre système social. En effet, le Conseil européen préconise de prendre de nouvelles mesures pour « réduire de façon sensible l’augmentation des dépenses en matière de sécurité sociale, en fixant des objectifs plus ambitieux pour les dépenses annuelles dans le domaine des soins de santé ».

Nous connaissons pourtant les grandes difficultés que rencontrent nombre de nos concitoyens pour accéder aux soins. Est-il opportun de continuer à limiter et à diminuer le remboursement des médicaments, de poursuivre le démantèlement du système public de soins hospitaliers ?

Comme si tout cela n’était pas encore suffisant, on invoque la nécessité d’une nouvelle réforme des retraites, concernant notamment les régimes spéciaux. Les allocations familiales, l’aide au logement, les indemnités chômage seront-elles aussi revues à la baisse, afin de paupériser davantage encore les populations fragiles ? Non, la solidarité n’est vraiment pas un des axes de développement de l’Europe, et c’est tout à fait regrettable.

Ainsi, le Conseil européen estime que le SMIC français permet « un pouvoir d’achat parmi les plus élevés au sein de l’Union » : sous-entend-il qu’il est bien trop élevé, sachant qu’il invite à le faire évoluer de façon à renforcer la compétitivité et la création d’emplois, ou encore à étendre les dérogations au salaire minimum ?

Le Conseil européen continue de considérer le travail comme un coût à réduire, mais ne s’intéresse guère à l’augmentation du coût du capital, qui gangrène l’économie européenne. Là se trouve pourtant le nœud du problème. Le Conseil demande que soient encore accrues les exonérations de cotisations sociales patronales, alors que nous avons déjà observé que ces exonérations n’avaient aucun effet sur l’emploi. Depuis des décennies, la même politique est appliquée, mais pour quel résultat, hormis une diminution sans fin des ressources de l’État, qui contribue à l’aggravation du déficit de nos comptes publics ?

En revanche, on sent le Conseil bien moins motivé pour négocier un accord sur la taxation des transactions financières, dont la conclusion se fait attendre. On estime que les recettes annuelles seraient de l’ordre de 30 milliards à 35 milliards d’euros, soit entre 0,4 % et 0,5 % du PIB des États membres concernés : cela ne représente donc pas un niveau de taxation insupportable, tandis que cette taxe constituerait un outil intéressant de lutte contre la spéculation et un moyen de faire contribuer le secteur financier à la reconstruction des économies et au renflouement des finances publiques des États la mettant en place. Mais les opposants sont nombreux et les États très divisés.

Afin d’éviter une fragmentation du marché intérieur des services financiers, ainsi que des phénomènes de double imposition ou de double non-imposition, il nous apparaît urgent d’avancer concrètement sur ce dossier.

Cependant, l’accord intervenu le 5 mai dernier entre dix ministres des finances de l’Union européenne est très inquiétant, dans la mesure où il réduit considérablement le périmètre d’application de la taxe. Monsieur le secrétaire d’État, pourrez-vous nous préciser quelle est aujourd’hui la position du Gouvernement sur ce sujet ?

Les citoyens européens rejettent cette Europe qui laisse un grand nombre d’entre eux sur le bord de la route. Pour relancer la dynamique européenne, il est impératif de répondre clairement aux inquiétudes exprimées récemment. Les résultats des dernières élections sont un signal d’alarme fort, et l’Europe devrait tout mettre en œuvre pour en tenir compte, mais je constate amèrement que telle n’est pas l’orientation retenue pour la prochaine réunion du Conseil européen. Sans doute estime-t-on que l’Europe a maintenant cinq ans devant elle jusqu’aux prochaines échéances électorales…

Imposer toujours plus d’austérité aux populations européennes ne mènera nulle part. Il y a urgence à agir avec les forces politiques, syndicales, citoyennes, pour bâtir un projet progressiste porteur d’avenir, d’espoir, entièrement fondé sur le respect de l’humain !

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