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Les débats

Il est nécessaire et utile que le Parlement prenne le temps de la réflexion et s’exprime sur l’action du Gouvernement

Politique étrangère -

Par / 19 février 2013

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues, en cette période où les événements se succèdent rapidement à travers le monde et où notre pays s’efforce de tenir la place qui est la sienne au sein de la communauté internationale, il est nécessaire et utile que le Parlement prenne le temps de la réflexion et s’exprime sur l’action du Gouvernement.

Parmi les principaux événements retenant aujourd’hui l’attention figurent les suites de notre intervention militaire au Mali, l’évolution de la situation en Tunisie et en Égypte, et votre intense activité, monsieur le ministre, pour tenter de régler le dramatique conflit qui déchire la Syrie. Le temps qui m’est imparti m’oblige à m’en tenir là.

En ce qui concerne le Mali, les observations que vous ferez sur cette situation complexe nous apporterons certainement quelques éclaircissements, notamment sur les intentions du Gouvernement.

Pour notre part, si nous avons soutenu sans ambiguïté cette intervention militaire, ce fut sans illusion ni naïveté. À cet égard, je voudrais, à nouveau, rendre hommage au courage, au professionnalisme et à l’efficacité de nos soldats, qui ont rempli la mission confiée à nos armées dans des conditions très difficiles.

La première partie de cette mission, qui était de stopper l’avance des djihadistes et de contribuer à libérer, reconquérir et sécuriser le terrain, a été accomplie avec brio. Elle devrait être en voie d’achèvement.

Toutefois, dans son discours de Bamako, le Président de la République a également pris soin de préciser que l’action de la France n’était pas terminée et que nous resterions dans ce pays le temps qu’il faudrait.

Or, monsieur le ministre, vous déclariez peu de temps après que nos troupes pourraient commencer à se retirer à partir du mois de mars…

Nous sommes donc dans la phase où il faut prévoir ce que l’on appelle, d’une manière certes un peu triviale, le « coup d’après ». Et, sur cette question, il demeure, me semble-t-il, un certain flottement à la tête de l’État.

Que veut, que peut et que doit maintenant faire la France au Mali ?

C’est sur ce point que notre groupe a peut-être quelques interrogations, ainsi sans doute que des différences d’appréciation, sinon sur les objectifs affichés, du moins sur les modalités pour les atteindre.

Les finalités et le calendrier de notre opération militaire, tout comme l’issue, par définition difficilement prévisible, restent flous, et ce alors que nous venons d’achever de nous déployer et qu’une autre phase de l’opération Serval, destinée à pourchasser les groupes islamistes vers le nord, est actuellement en cours.

D’ailleurs, faut-il le faire nous-mêmes ? Faut-il s’épuiser à se lancer à la poursuite de groupes dispersés sur un terrain aussi difficile et d’individus éparpillés dans la population ? Une telle stratégie me paraît hasardeuse, du point de vue tant militaire que politique. Au demeurant, la France souhaite, nous a-t-il semblé, que des forces africaines soient rapidement en mesure de prendre le relais : notre pays ne pourra en effet pas rester longtemps seul à fournir de tels efforts militaires et financiers.

De plus, face à la nouvelle tactique de groupes djihadistes isolés, qui pratiquent la guérilla et le terrorisme urbain, comme à Gao, il faut aussi désormais nous prémunir contre un risque d’enlisement solitaire dans une aventure incontrôlable.

C’est la raison pour laquelle nous approuvons les efforts diplomatiques que vous déployez pour replacer cette opération dans un cadre institutionnel international, afin que la légitimité en soit renforcée et que nous soyons soutenus par la communauté internationale.

Ce cadre, seule l’ONU est légitime à le définir, en concertation avec les organisations régionales, tout particulièrement l’Union africaine, mais aussi l’Union européenne, qui, au-delà de son soutien politique, doit maintenant s’engager plus avant à nos côtés. Elle vient d’ailleurs de le faire hier, en lançant une mission de formation de l’armée malienne.

Pour replacer l’opération dans un cadre institutionnel international, la logique et l’efficacité commandent de mettre le plus rapidement possible sous l’autorité de l’ONU la force africaine en cours de déploiement dans le cadre d’une opération de maintien de la paix.

Je mesure combien la tâche est délicate et difficile. Cela dépend à la fois d’une nouvelle résolution du Conseil de sécurité, qui résulterait d’un accord consensuel entre ses membres, mais aussi de la capacité de nos forces et des forces africaines à assurer préalablement la sécurité sur le terrain.

Parallèlement, l’intervention militaire nous oblige de facto, alors que nous en assurons pour l’instant la plus grande partie, à assumer la lourde responsabilité de veiller à la bonne application de la « feuille de route » adoptée par le parlement malien.

Cette dernière, qui prévoit notamment – M. le président de la commission des affaires étrangères vient de le rappeler – des élections au mois de juillet, est une condition impérative pour mettre en œuvre un processus politique de réconciliation, de restauration des institutions démocratiques et de réduction des fractures de toutes sortes qui existent entre le sud et le nord de ce pays. C’est aussi le préalable indispensable à la reprise progressive de l’aide au développement, que l’Union européenne et nous-mêmes avions suspendue.

Je sais combien la voie de la réconciliation entre les factions et avec les populations du Nord est difficile, car il faut engager le dialogue avec tous, sans exclusive, mais sans non plus privilégier quiconque, comme nous donnons peut-être l’impression de le faire avec le MNLA.

Toutes ces données expliquent la conviction profonde de notre groupe : la réponse au chaos et à la déstabilisation du Mali et des pays de la région ne peut pas être que militaire ; elle doit aussi être politique, économique et sociale.

Pour retrouver la voie du développement dans la stabilité, le pays a, certes, d’abord besoin de recouvrer, avec toutes ses composantes, sa souveraineté sur tout son territoire. Mais il doit aussi refonder un État de droit et une réelle démocratie permettant de mettre en œuvre de profondes transformations politiques, économiques et sociales. C’est la seule garantie d’un juste partage de ses richesses potentielles, dont l’absence est en grande partie responsable du conflit actuel.

Car nous craignons que, une fois l’accueil chaleureux et euphorique des populations maliennes passé, l’intervention militaire ne soit perçue comme avant tout motivée par la défense des intérêts économiques et stratégiques de notre pays dans la région.

Le seul moyen de prévenir de telles interprétations est de donner une perspective claire à l’action de nos forces armées au Mali, à celle des troupes africaines qui les rejoignent, puis à celles de l’ONU plus tard. Cette perspective, c’est la mise en œuvre de nouveaux rapports avec les pays africains.

Cela doit ouvrir la voie à l’instauration de relations économiques équitables, fondées sur un nouveau partage des richesses, mettant fin au pillage par des sociétés multinationales, mais aussi permettre le règlement de la question de la dette, qui étrangle ces pays.

Monsieur le ministre, au-delà des questions sécuritaires et géostratégiques, saisissez l’occasion de cette crise au Sahel pour engager une profonde refondation de notre politique d’aide publique au développement ! C’est un sujet que nous pourrons développer ici même dans deux jours, au cours d’un débat avec votre ministre délégué, M. Pascal Canfin.

En Tunisie et en Égypte, nous assistons à une inquiétante évolution des « printemps arabes ».

L’arrivée au pouvoir de partis islamistes dans ces pays a, à l’évidence, déçu, et s’est rapidement heurtée aux revendications économiques et sociales des populations. Le modèle de société que veulent imposer ces formations, au détriment des libertés publiques fondamentales, rencontre également de fortes résistances, tout particulièrement en Tunisie.

Dans ces conditions, et sans qu’on ait à nous reprocher une quelconque ingérence, il faut effectivement, comme l’a fait le Président de la République, appeler fermement les autorités de ce pays au respect des idéaux démocratiques, de tolérance, et de justice sociale portés par le peuple tunisien lors de sa révolution.

Mais il faut aussi agir concrètement, sur le terrain diplomatique, et prendre des initiatives propres à aider le rassemblement des forces démocratiques et laïques de ce pays pour contrer le danger qui menace le processus démocratique en cours. De même qu’il faut agir au plan européen, pour un réel allégement de la dette précédemment contractée par la Tunisie auprès de l’Union, et veiller, en ces temps d’austérité budgétaire européenne, à ce que la nouvelle stratégie d’assistance financière pour le développement des pays du sud de la Méditerranée ne soit pas remise en cause.

J’en terminerai par le conflit syrien, qui a été quelque peu occulté ces dernières semaines par d’autres crises. Il n’en reste pas moins dramatique, puisque les combats de cette guerre civile redoublent de violence.

Monsieur le ministre, nous nous interrogeons sur la manière dont la France apporte son soutien, notamment financier, à une coalition de l’opposition syrienne qui est très divisée sur la solution politique à mettre en œuvre pour sortir de la crise, ainsi que sur la conception même de la nouvelle société qu’elle veut bâtir.

Enfin, à la suite de l’expérience libyenne, nous apprécions que l’Union européenne ait eu hier, à Bruxelles, la sagesse de ne pas lever son embargo sur les livraisons d’armes létales à l’ensemble des groupes combattant le régime de Bachar Al Assad.

Nous souhaitons que la France, comme d’autres pays européens, dise avec franchise à l’opposition syrienne qu’elle n’obtiendra rien dans ce domaine tant qu’elle n’aura pas prouvé sa capacité à contrôler les groupes islamistes, dont le rôle est grandissant.

Telles sont, monsieur le ministre, quelques-unes des appréciations sur la situation internationale dont nous désirions vous faire part.

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