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Les débats

Il revient aux représentants démocratiquement élus de décider des orientations de la politique budgétaire

Rapport annuel de la Cour des comptes -

Par / 12 février 2014

Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est une dure mission que de prendre la parole après l’excellent discours de M. Migaud et la non moins excellente intervention du rapporteur général de la commission des finances. En tant que présidente de la commission des affaires sociales, j’aurai toutefois une vision moins financière du rapport de la Cour des comptes et mes conclusions ne seront sans doute pas tout à fait les mêmes.

Le dépôt en séance publique du rapport annuel de la Cour des comptes témoigne de manière solennelle, chaque début d’année, du rôle joué par la Cour des comptes dans l’information du Parlement. Comme vous l’avez rappelé, monsieur le Premier président, ce rôle se décline en bien d’autres occasions, au travers de l’ensemble des rapports publics financiers ou thématiques, des enquêtes réalisées à la demande des commissions des finances ou des affaires sociales, ou des référés qui leur sont communiqués.

Rendu public ce matin, le rapport annuel est, comme à l’accoutumée, le fruit d’un travail considérable. Il comporte toujours, pour les élus que nous sommes, de multiples sources d’intérêt dans tous les domaines de l’action publique, nationale ou locale, comme nous venons une nouvelle fois de le constater. Cela est particulièrement vrai pour les membres de la commission des affaires sociales, commission dont le champ de compétence intègre une dimension financière de manière beaucoup plus visible depuis l’instauration des lois de financement de la sécurité sociale.

Les finances sociales représentent en effet, chacun le sait, près de la moitié des comptes publics. C’est dire si nous sommes attentives et attentifs aux analyses régulièrement effectuées par la Cour en la matière. Veillons toutefois à ne pas ignorer la spécificité des finances sociales. Celles-ci sont alimentées à près de 90 % par des contributions sur les revenus d’activité ou de remplacement des assurés sociaux. Cette fraction socialisée de leur revenu leur ouvre, en contrepartie, des droits qui leur permettent de faire face aux aléas de la maladie, aux charges familiales ou à la vieillesse.

Il est bon de garder cette réalité à l’esprit, car elle montre les limites d’une analyse purement comptable des dépenses sociales.

Le rapport public fait le point, comme chaque année, sur la situation d’ensemble des finances publiques. J’ai bien noté les observations de la Cour sur l’écart constaté, en 2013, entre prévisions et réalisations, et sur les incertitudes qui affectent les objectifs de réduction des déficits en 2014.

Vous soulignez que cette situation est moins liée aux dépenses, qui ont fortement ralenti ces dernières années, qu’à un essoufflement sans précédent des recettes, dans un contexte de croissance à l’arrêt et de dégradation de la situation de l’emploi. Dans ces conditions, est-il juste, comme semble le préconiser la Cour, d’engager une nouvelle réduction massive des dépenses publiques ?

Permettez-moi de penser que si la Cour est pleinement dans son rôle lorsqu’elle dresse un diagnostic précis et incontestable de nos comptes publics, c’est aux représentants élus de déterminer, démocratiquement, les orientations de la politique budgétaire. Vous l’avez d’ailleurs vous-même souligné, monsieur le Premier président, un tel débat ne peut être escamoté ou simplement considéré comme tranché une fois pour toutes par les avis de la Commission européenne ou de collèges d’experts, qu’ils soient nationaux ou internationaux.

Je ne peux qu’exprimer ma très vive inquiétude face à la perspective de réduction de dépenses cumulées de 50 milliards d’euros sur trois ans, d’autant que ces réductions pourraient être plus importantes encore, précise la Cour, si la croissance devait être revue à la baisse, comme ce fut le cas toutes ces dernières années.

Cela démontre à mes yeux que la réduction des déficits ne peut tenir lieu de politique économique. En France, comme ailleurs en Europe, l’austérité entretient la récession. Elle pèse sur l’activité et la consommation tout en pénalisant davantage les plus fragiles de nos concitoyennes et de nos concitoyens.

Au final, l’horizon du retour à l’équilibre est sans cesse repoussé du fait même de l’impact dépressif des mesures censées y contribuer. On mesure, dans le domaine social, les conséquences négatives de ce cercle vicieux, alors que les besoins de la population restent considérables, notamment ceux qui sont liés à la santé et au vieillissement, et que les prestations sociales forment une part importante du pouvoir d’achat.

J’en viens aux observations regroupées dans le rapport public annuel. Plusieurs d’entre elles touchent au domaine social, qu’il s’agisse de suites données à de précédents rapports ou de sujets abordés pour la première fois cette année.

J’évoquerai d’abord celles qui concernent le recours aux partenariats public-privé pour financer les investissements hospitaliers. La Cour souligne que ces procédures ont été engagées de manière précipitée, dans des conditions généralement déséquilibrées et désavantageuses pour les établissements. Nous ne sommes pas véritablement étonnés par ce constat, qui doit cependant nous alerter sur les conséquences des contraintes excessives imposées à l’investissement public lorsqu’elles ont pour effet de recourir à des solutions finalement moins efficaces et plus coûteuses.

La Cour s’est aussi intéressée à la santé des détenus ; elle note dans ce domaine de nombreuses fragilités et insuffisances. Ici encore, les restrictions budgétaires risquent de contrarier la nécessité d’accélérer la modernisation des locaux des unités sanitaires implantées dans les prisons, soulignée par la Cour, ou le développement des unités hospitalières spécialement aménagées pour les détenus souffrant de troubles mentaux.

Je me félicite que la Cour ait consacré une insertion au suivi de l’enquête qu’elle avait réalisée en 2005 sur l’indemnisation des victimes de l’amiante, à la demande de notre commission des affaires sociales. C’est en effet un sujet sur lequel un groupe de sénateurs de la commission, sous la conduite d’Aline Archimbaud, continue à travailler.

La Cour note le caractère peu satisfaisant du système de cessation anticipée d’activité, qui repose sur une adhésion par établissement. Néanmoins, le premier souci de la commission des affaires sociales est de permettre à tous ceux qui ont été exposés à l’amiante de faire valoir leurs droits à ce dispositif. C’est pour cette raison que nous souhaitons, depuis plusieurs années, compléter le dispositif existant par un accès individuel fondé sur le parcours professionnel de chacune et de chacun.

Il y a incontestablement des cas où tous les personnels d’un site ont été exposés à l’amiante, ouvriers, assistantes et cadres. Je ne pense pas que l’on puisse avoir d’a priori sur cette question ; il faut examiner les situations au cas par cas. Toutefois, comme le note la Cour, et je partage ce constat, le système actuel laisse de côté nombre des personnes exposées. Nous espérons que le Gouvernement agira enfin pour mettre un terme à cette situation.

La Cour se penche également sur le fonctionnement du FIVA, le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante. Parmi vos recommandations, la possibilité de faire directement bénéficier la victime des conséquences de la faute inexcusable de l’employeur et le fait de lier l’appréciation de la pathologie à l’évaluation réalisée par la sécurité sociale rejoignent les demandes des associations de victimes et sont de nature à faciliter l’indemnisation rapide des personnes souffrant des pathologies les plus graves.

La commission des affaires sociales est attachée, elle aussi, au bon fonctionnement du FIVA qu’elle suit avec attention. Il doit être clair pour chacune et chacun que ce fonds doit d’abord agir dans l’intérêt des victimes et non en fonction de considérations financières.

Un autre point du rapport, celui relatif au groupement d’intérêt public « Enfance en danger », rejoint les préoccupations de notre commission, qui a confié à Muguette Dini et Michelle Meunier un travail sur le thème de la protection de l’enfance.

D’autres sujets ne manqueront pas de retenir notre attention, qu’il s’agisse de la fiscalité liée au handicap, de la lutte contre la fraude à Pôle emploi, des réformes apportées au régime additionnel de la CIPAV, la fameuse caisse de retraite de diverses professions libérales, sur laquelle vous portez des appréciations extrêmement sévères, notamment dans la gestion de ses réserves, dans la conduite de son informatisation et dans le service – « déplorable », avez-vous dit à l’instant – qu’elle apporte à ses affiliés.

Je conclurai en rappelant que les relations que la commission des affaires sociales entretient avec la Cour des comptes se sont densifiées ces dernières années. Vous avez eu la gentillesse de le signaler, monsieur le Premier président, ce dont je vous remercie. Vous êtes venu, à plusieurs reprises, présenter en commission différents documents, parmi lesquels le rapport sur la certification des comptes de la sécurité sociale et le rapport annuel sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale.

Vous nous avez également remis deux enquêtes en 2013 pour la réalisation desquelles j’avais sollicité votre concours.

La première était relative à la biologie médicale, secteur dont la réforme a fait l’objet d’importants débats au Parlement en début d’année et dont le point central réside dans l’obligation d’accréditation des laboratoires.

La seconde portait sur l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA, qui se trouve aujourd’hui dans une situation considérablement fragilisée du fait d’une ouverture brutale à la concurrence des activités de formation. À l’occasion de la présentation de cette enquête par la présidente de la cinquième chambre, nous avons organisé avec la direction de l’AFPA et le ministère du travail une table ronde particulièrement utile, alors que notre assemblée va examiner dans quelques jours le projet de loi sur la formation professionnelle.

Nous attendons, en 2014, deux nouvelles enquêtes : la première, sur les relations entre l’assurance maladie et les professions de santé ; la seconde, sur les maternités.

Vous l’aurez compris, monsieur le président, monsieur le Premier président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le travail de qualité effectué par la Cour des comptes rejoint nombre des préoccupations de notre commission des affaires sociales, même si nos appréciations ne convergent pas toujours.

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