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Les débats

Il s’agit au fond de défendre la diffusion d’oeuvres dites confidentielles que les multiplex ne trouvent pas assez rentables

Avenir de l’exploitation cinématographique indépendante -

Par / 5 février 2014

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat qui nous réunit ce soir aurait mérité un coup de projecteur plus lumineux que cette heure tardive, certainement choisie pour nous rappeler le plaisir de plonger dans les salles obscures. (Sourires.)

Mme Françoise Férat. Ça, c’est vrai !

M. Michel Le Scouarnec. À nous la découverte de nouvelles réalisations, de nouvelles créations artistiques ! Néanmoins, je constate que la dernière séance n’attire pas forcément la foule. (Nouveaux sourires.)

Car, dans ce débat, il s’agit avant tout du plaisir de découvrir certaines œuvres dites « plus confidentielles » que n’offrent pas toujours de grands multiplexes, qui n’ont pas l’audacieuse idée de proposer à leurs spectateurs ces films, en raison de la recherche prioritaire de la rentabilité financière.

Madame la ministre, les temps de crise ne sont hélas pas « le temps des cerises » pour la culture ! (Sourires.) Le budget continue de baisser régulièrement. Parent pauvre, la culture souffre ; elle ne va pas très bien. De l’enthousiasme, même si vous en avez, il en faudrait sans doute beaucoup plus de la part du Gouvernement pour insuffler un vrai souffle progressiste, à savoir considérer la culture comme un outil d’émancipation humaine et de progrès social. Il nous faut des actes majeurs, afin d’être à la hauteur des ambitions d’André Malraux.

Pourtant, depuis une vingtaine d’années, le manque d’implication dans les affaires culturelles est criant. Les structures perdurent tant bien que mal, alors que les moyens diminuent en continu. L’exemple des cinémas indépendants ou municipaux illustre parfaitement cette situation, comme l’a rappelé Pierre Laurent.

Les directions régionales des affaires culturelles, les DRAC, avaient pour projet de porter une politique nationale dans chaque territoire. Malgré tout, la culture subit de plein fouet la disparité des situations d’un territoire à l’autre. L’État, censé être garant d’égalité de traitement, devrait remplir son rôle de subsidiarité auprès des collectivités locales, afin de réduire les charges financières ; mais il ne le fait pas ! Et que dire de la situation du spectacle vivant, de la création artistique, de la presse et des salles de cinéma indépendantes, tant l’obscurité du tunnel semble épaisse ?

L’art et la culture à l’école ne se limitent pas à l’enseignement de l’histoire-géographie. Ils répondent plutôt à des enjeux d’éducation : acquisition d’une culture commune et d’une ouverture d’esprit, formation à la citoyenneté ou à la lutte contre les inégalités… Ils constituent un véritable instrument de réussite scolaire, un vrai tremplin pour la vie.

Les différents projets d’école ou de collège au cinéma témoignent de l’importance des actions de médiation en faveur du jeune public, qui, bien souvent, n’a pas un accès évident aux salles culturelles dans nos territoires ruraux.

Je suppose que pratiquement tout le monde connaît Auray, dans le Morbihan. (Sourires.)

Mme Françoise Férat. Bien sûr !

M. Michel Le Scouarnec. Dans cette commune, un cinéma indépendant, engagé dans ces initiatives et porteur d’une programmation exigeante mais abordable par tous, a eu maille à partir avec l’implantation de multiplexes aux alentours dans nos grandes villes – quand je dis « grandes », cela vaut pour le Morbihan ; elles le seraient peut-être moins en région parisienne –, comme Lorient, Lanester ou Vannes. Ainsi, Auray va également perdre son petit cinéma, qui ne tient même plus à un fil et qui va malheureusement disparaître d’ici à quelques mois avec sa petite salle d’art et d’essai. Ce sera une vraie perte, car ce cinéma représente un lien de proximité et un apport de qualité.

Il faut que cohabitent les « petites salles » et les multiplexes dans un aménagement raisonné du territoire. Si les petites salles proposent, certes, une offre plus diversifiée et contribuent au lien social et culturel fort, les multiplexes permettent malgré tout également d’accueillir un nombre plus important de spectateurs, ce qui est positif pour la création de films.

Mais, de grâce, ne multiplions pas les multiplexes ! (Sourires.) Aidons d’abord et avant tout les petites salles à survivre et à rayonner ; elles en ont le plus grand besoin !

Ainsi, pour faire vivre l’action culturelle, plus particulièrement cinématographique, et pour viser la diversification des publics, il faut une politique forte, passionnée et ambitieuse. Il faut tendre à une vraie démocratie culturelle par une meilleure appropriation de tous des enjeux et des valeurs.

Pour y parvenir, il nous faut un service public refondé en concertation avec les professionnels du secteur et tenant compte de leurs besoins au service de la population. Il faut intégrer les collectivités territoriales, qui se sont largement impliquées et ont beaucoup investi ces dernières années, notamment à travers la création de salles de cinéma municipales. Elles attendent un engagement fort de l’État.

Je souhaiterais également élargir le débat en rappelant la situation préoccupante des intermittents du spectacle, ces professionnels sans qui nos écrans de cinéma resteraient désespérément noirs. Du désespoir, les intermittents en sont accablés, tant la responsabilité d’un déficit imaginaire pèse sur leurs épaules.

Les annexes VIII et X, unanimement reconnues comme indispensables pour la promotion et la richesse des pratiques culturelles professionnelles de notre pays, sont arrivées à échéance au 31 décembre 2013. Il est donc urgent d’apporter des réponses à des professionnels du spectacle vivant et de l’audiovisuel qui doutent légitimement pour leur avenir.

Sans le système d’intermittence, il n’y aurait pas de droit à une juste rémunération pour eux et donc pas d’offres artistiques de qualité pour les spectateurs.

De plus, la négociation des annexes VIII et X serait l’occasion de procéder à une répartition plus juste des allocations versées aux intermittents, notamment les plus précaires d’entre eux – je pense par exemple au cas des congés maternité pour les intermittentes – et de lutter efficacement contre les pratiques abusives de certains employeurs qui usent de ces dispositions pour employer des salariés permanents.

C’est d’ailleurs souvent le cas dans les entreprises de production cinématographiques ou audiovisuelles.

Toutefois, une telle réforme ne devrait pas s’effectuer au détriment des artistes, des interprètes ou des techniciens en augmentant considérablement le nombre d’heures exigées ou en réduisant les allocations. Elle doit les accompagner au mieux dans leur profession.

Avant d’envisager une exploitation cinématographique indépendante forte, il nous faut songer à sauvegarder, à pérenniser et à développer le système de l’intermittence.

Notre regard sur l’exploitation cinématographique ne peut pas non plus s’envisager sans les prismes, d’une part, des droits d’auteurs et, d’autre part, de la reconnaissance de la spécificité des métiers d’exploitants de salles de cinéma indépendantes. Voilà deux questions qui mériteraient, elles aussi, un débat pour que l’exception culturelle française, dont nous sommes tous fiers dans cette assemblée, ne se conjugue pas au passé dans les années à venir.

Vous l’avez compris, mes chers collègues, le cinéma comme la culture ne seront jamais un supplément d’âme. Au contraire, dans ces temps d’austérité, la culture est ce qui permet de maintenir un destin individuel, mais aussi de participer à l’élaboration d’un destin collectif.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Michel Le Scouarnec. La culture, c’est le soleil dont nous avons tous besoin par mauvais temps. Et, comme je suis Breton, le mauvais temps, je sais ce que c’est ! (Sourires.)

C’est tout le sens de l’engagement du groupe CRC en faveur de la relance des politiques publiques de l’art et de la culture et pour la refondation d’un grand service public de la culture permettant de rendre accessibles à toutes et à tous les œuvres de l’humanité sur l’ensemble du territoire.

Jean Vilar en rêvait ; à nous de le concrétiser, à nous de le partager !

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