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Les débats

L’argent et le profit se sont introduits au cœur de la compétition sportive

Efficacité de la lutte contre le dopage -

Par / 15 octobre 2013

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le sport est confronté à des dérives qui l’éloignent des valeurs humanistes qu’il devrait incarner et véhiculer. Il l’a fait autrefois.

L’argent et le profit se sont introduits au cœur de la compétition sportive.

Le partage, le vivre-ensemble, le collectif et le dépassement de soi perdent peu à peu de leur sens et de leur importance pour se diluer dans les millions, voire les milliards d’euros que certaines de ces disciplines génèrent.

Le sport perd sa spécificité et surtout son éthique, devient une activité économique comme une autre.

Nous nous éloignons petit à petit de la conception si noble du sport de Pierre de Coubertin, qui disait : « Le sport va chercher la peur pour la dominer, la fatigue pour en triompher, la difficulté pour la vaincre. »

De cette dérive financière résulte en partie le recours à la tricherie, au dopage qui brise l’égalité des chances.

Il ne s’agit pas de pointer du doigt tel ou tel sportif, pas plus que de nier absolument leur responsabilité, mais de comprendre pourquoi autant d’entre eux peuvent y recourir. La pression médiatique, les enjeux financiers, les calendriers sportifs toujours plus chargés sont autant d’éléments qui accentuent son usage.

Les sportifs sont victimes d’une « surcompétition » quelque peu inhumaine qui prend le pas sur le sens du sport lui-même.

Nous pensons qu’il faut réfléchir globalement au fonctionnement du sport mondial et agir sur ce système complexe, sans se limiter au traitement de l’une de ses conséquences, le dopage, et à la sanction du seul sportif.

Le groupe CRC a toujours considéré avec le plus grand sérieux et la plus grande gravité le problème du dopage, qui nuit autant au sport qu’aux sportifs et à leur santé.

Loin de la vision caricaturale d’un usage généralisé des substances dopantes, nous pensons néanmoins que ce problème doit être traité à bras-le-corps, et qu’une lutte efficace contre ce fléau du sport appelle un certain nombre d’actions fortes et de changements.

La France peut se féliciter d’avoir eu une « longueur d’avance » en la matière, comme cela est souligné dans le rapport.

Nous nous rappelons tous encore la loi Buffet de 1998, par laquelle notre collègue Marie-George Buffet, alors ministre des sports, avait engagé avec conviction la lutte contre le dopage. D’autres ministres ont ensuite apporté leur pierre à l’édifice. Cette loi d’avant-garde a permis à la France de se saisir de ce problème et a ouvert la voie à une réflexion internationale, pour finalement déboucher sur la création en février 1999 de l’Agence mondiale antidopage.

Mais nous ne pouvons pas nous satisfaire de ce rôle de précurseur, et face aux moyens et aux effets limités de la lutte contre le dopage, nous avons encore une fois le devoir d’initier des changements innovants, tant ce combat est difficile.

Je partage à la fois le diagnostic que dresse la commission d’enquête à laquelle j’ai participé et l’essentiel de ses conclusions et recommandations.

Nous nous joignons à nos collègues pour appeler de nos vœux, madame la ministre, la traduction de ces propositions en actes.

Un engagement fort de l’État est nécessaire, impulsant une dynamique internationale. Il faut donc une volonté politique, des changements, mais aussi des moyens humains et financiers supplémentaires pour les accompagner et en assurer l’efficacité.

C’est là notre seul point de divergence avec la commission d’enquête, dont le postulat de départ est l’amélioration de la lutte contre le dopage à moyens constants. Nous affirmons que, pour être pleinement efficace, la lutte contre le dopage doit être accompagnée des moyens financiers à la hauteur des enjeux.

Comme le préconise le rapport, nous jugeons qu’il faut en premier lieu disposer d’une meilleure connaissance de ce phénomène. La prévention doit être un axe fort de cette lutte, et il nous paraît pertinent que l’Agence française de lutte contre le dopage voit ses missions élargies en ce sens.

Contrairement aux idées reçues, le dopage n’est pas le fait de quelques sportifs de haut niveau. Les sportifs amateurs et même les jeunes y ont recours, notamment dans les salles de sport. Il est donc essentiel de sensibiliser l’ensemble du monde sportif aux méfaits de ces substances sur la santé, et ce de la manière la plus pédagogique et efficace possible. Il faut donner aux jeunes sportifs, à tous les niveaux de compétition, les moyens de refuser et de dénoncer le dopage, afin qu’ils soient acteurs de ce combat.

Quant à la possibilité pour le ministère de s’opposer aux calendriers sportifs, nous ne nous berçons pas d’illusions sur son effet. Toutefois, cette mesure va, à nos yeux, dans le bon sens. Trop intenses, les saisons sportives favorisent en effet la prise de produits dopants. Ce constat a été unanimement admis lors de nos auditions.

Bien sûr, les politiques de contrôles doivent être améliorées. C’est la base. Mais les contrôles sur les compétitions ne suffisent pas, et la mise en cause de leur efficacité et de leur valeur en est la conséquence. Il faut donc renforcer les contrôles inopinés, étendre systématiquement les analyses à toutes les substances et développer des suivis tout au long de l’année, notamment par le biais des passeports biologiques.

Permettre à l’AFLD d’être présente lors de toutes les compétitions ayant lieu en France est une disposition qui nous agrée, même s’il nous paraît étonnant de demander une multiplication des contrôles sans parler de l’augmentation des moyens de cette agence au-delà des huit correspondants interrégionaux mis à sa disposition. Cette mesure n’en est pas moins positive.

Vient ensuite le volet « sanctions », indissociable de toutes les actions précédemment évoquées. Les sanctions doivent être renforcées, nous en convenons, mais de manière collective et pas pour le seul sportif.

Il est également indispensable de transférer l’exclusivité du pouvoir de contrôle des fédérations sportives nationales à l’AFLD. Afin d’éviter les conflits d’intérêts et d’assurer la plus grande indépendance des contrôles, il faut détacher ces derniers des acteurs directs du monde sportif. L’AFLD semble à même d’assurer cette indépendance et cette professionnalisation.

Enfin, nous nous joignons à l’injonction de coopération des différents organismes luttant contre le dopage, à savoir l’AFLD, les services de police, de gendarmerie et de douane.

En conclusion, je salue la grande qualité du travail accompli par la commission d’enquête. Son président, Jean-François Humbert, et son rapporteur, Jean-Jacques Lozach, ont beaucoup œuvré pour mener à bien cette lourde tâche, avec ses multiples auditions. Celles-ci se sont toutes révélées d’un très grand intérêt pour nous comme pour l’ensemble du monde sportif et même pour la population tout entière. Je précise que nos travaux se sont déroulés dans un climat très cordial et constructif.

Nous serons particulièrement attentifs à ce que les préconisations de notre rapport ne restent pas lettre morte et qu’elles produisent pleinement leurs effets, pour que, demain, la morale triomphe et pour que le sport soit synonyme de réussite et de bonheur pour tous.

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